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C’était le temps des vendanges (2019)

Par Willy Kiezer | 29 octobre 2019 | Blog | 0 commentaire

Entre la fin de l’été et le début de l’automne se déroule l’une des étapes les plus importantes du secteur viticole, les vendanges. La vendange, c’est la récolte du raisin qui a grandi et mûri pendant le printemps et jusqu’à la fin de l’été. On appelle cette croissance : la phase végétative. Tout commence au début du printemps, synonyme de renaissance, avec un tout petit bourgeon qui donnera une feuille, puis une fleur et enfin un fruit, le raisin. La vendange, c’est surtout ce qu’appellent nos amis anglo-saxons “le money time” (la période qui rapporte gros, littéralement), chez les vignerons. Tout doit être prêt, organisé et géré au millimètre près, il n’y a pas le droit à l’erreur. Pendant cette période de stresse intense, le vigneron joue son année. Mais que connaissons-nous des vendanges ? Quelles sont les épreuves à traverser pour en arriver là, pour enfin effectuer cette cueillette géante ? A part quelques reportages où l’on voit des équipes de vendangeurs cueillir des raisins, que savons-nous concrètement de cet instant ? A quel moment précis le vigneron prend-il la décision de récolter et avec quelle méthode pour ce faire ? La rédaction vous propose un topo sur la récolte viticole, épaulée par les éclaircissements de Vincent du domaine Claude Quenard en Savoie, pour qui les vendanges ont eu lieu à l’Automne 2019.

L’appellation et le domaine.

Encore un domaine et une appellation qui répondent entièrement au cahier des charges de la rédaction ! Peu connue, la Savoie est une région davantage célèbre pour ses pistes de ski et ses fromages que pour ses vins. D’ailleurs, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les quelques 2 000 hectares de vignes de ce charmant vignoble ne sont guère nichés à d’insolentes altitudes. Aligoté, Altesse*, Jacquère et Mondeuse (cépages locaux) sont principalement plantés sur les Piémonts et les pentes basses des Alpes, entre 350 et 500 mètres de hauteur.

“Je ne me retrouve pas dans le cahier des charges bio d’aujourd’hui”

Le domaine Claude Quenard, quant à lui, se situe entre Chambéry et Albertville et il travaille une vingtaine d’hectare en bio depuis plus de “vin ans”, vingt ans pardon. C’est l’un des pionniers en bio dans ce secteur et le domaine est même certifié DEMETER* en 2016 pour son travail en biodynamie. “Je ne me retrouve pas dans le cahier des charges bio d’aujourd’hui” assume Vincent. Et oui, encore et toujours les certifications. Pour lui, le bio d’avant, c’est la biodynamie d’aujourd’hui déclare t-il, lui qui devient petit à petit le nouveau patron du domaine. Il remercie son père d’avoir mis le pied à l’étrier afin d’hériter de vignes propres et de raisins sains.

Article sur la biodynamie : ici.

Grappes de raisins du domaine Claude Quenard

Du bourgeon au fruit – Des batailles au quotidien.

Tout au long de la croissance des plantes au printemps et de la maturation des baies durant l’été, la vigne subi des attaques qui influencent la qualité et la quantité de la futur récolte. Gel, grêle, maladies et sécheresse(s), les vignerons ne sont jamais au repos. La vigne est constamment soumise à la nature, qui peut parfois être impitoyable. Certains domaines perdent jusqu’à 90% de leur future récolte quand d’autres parviennent eux à sauver les meubles.

Chez Vincent, cela fait depuis 2016 qu’il n’a pas été attaqué par le célèbre général Mildiou*, lui qui part en guerre contre les vignes lorsque l’humidité de Juin règne en maître. Mais depuis 3 ans, c’est la flavescence dorée*, une maladie, qui attaque ses plantes. Cette dernière est bien moins répandue que le Mildiou, sauf en Savoie. Certains pieds dépérissent et l’on observe un flétrissement des raisins lorsque les symptômes sont très visibles. Vincent doit arracher quelques pieds chaque année dans ses parcelles (2 hectares pour 2018 et pour 2019), une perte considérable pour le domaine. En plus de la flavescence, le black rot* (un champignon) fait des apparitions soudaines sur ses vignes de Jacquère, cépage typique de la région. Et pour couronner le tout, les épisodes de grêle en juin ont aussi affecté sa production 2019.

Pour combattre, réparer et gérer toutes ces crises, zéro produit de synthèse, interdiction au domaine ! Vincent utilise d’autres armes de destruction passives, efficaces, comme les tisanes de bourdaine, les décoctions de prêle, huiles essentielles, cuivre et soufre (contre l’oïdium) dans ses vignes.

Est-ce vraiment efficace ? Vincent, et plus généralement le domaine, préfère perdre de la récolte plutôt que de mettre des produits de synthèse dans ses vignes. Mais malheureusement et malgré l’utilisation de produits naturels contre les maladies et pour réparer les intempéries, 2019 sera une année avec quelques pertes et un rendement assez faible : 25 Hectolitres par hectare.

Vigne du domaine Claude Quenard

Des récoltes à différentes dates – La maturité – Le réchauffement climatique

Selon les cépages, les régions et les terroirs, les vendanges en Europe se déroulent chaque année entre mi-août et fin octobre. Top départ avec des cépages comme le grenache en vallée du Rhône sud (Châteauneuf du Pape, Vacqueyras) et clap de fin avec les raisins botrytisés* de Sauternes et des coteaux du Layon. Le soleil ou plutôt la lumière et la chaleur sont les deux éléments qui permettent de faire grandir et mûrir une feuille et la grappe de raisins. Vous l’aurez compris, il fait à la fois plus beau et chaud dans le sud de la France, ce qui va donc permettre une maturité plus rapide qu’au nord comme en val de Loire ou en Champagne. Et puis dans tout cela, il y a aussi une histoire de cépages adaptés aux régions où ils sont plantés. Le Chardonnay a comme caractéristique de débourrer (le bourgeon qui sort) et de mûrir plus vite qu’un Viognier du sud de la France.

Au domaine Claude Quenard, Vincent nous montre ses différences sur les dates de sa récolte entre ses cépages et dans ses terroirs. En cette année 2019, la vendange a commencé le vendredi 13 septembre pour ses Chardonnay (blanc) et ses gamay (rouge), cépages précoces. Et puis, tout au long du neuvième mois de l’année et jusqu’à mi-octobre, ce sont déroulées les récoltes des autres cépages, les cépages autochtones. Roussette, Roussane et Jacquère puis la grande Mondeuse à mi-octobre.

La maturité est l’élément clé et décisionnaire pour le démarrage des vendanges. Un raisin récolté trop tôt donnera un vin vert et trop acide. A l’inverse, un grain récolté trop tard offrira un vin souvent trop confituré, trop chaud et avec plus d’alcool. Car dites-vous bien, plus de sucre donne toujours plus d’alcool et, le taux de sucre augmente avec la maturation. Vous le voyez, le vigneron doit gérer l’équilibre sucre-alcool.  Pour les vins rouges, un dernier point sera important, la maturité phénolique : les pépins, peaux et rafles doivent eux aussi être mûrs avant la récolte.

L’analyse du taux de sucre par le réfractomètre (Crédit LRVF)

Réfractomètre & Réchauffement de la température

Alors comment contrôler tout ce petit monde ? La encore les méthodes et les traditions sont nombreuses. Si dans la majorité des cas un réfractomètre mesure la quantité de sucre dans le jus du raisin avant les vendanges, d’autres vignerons envoient des échantillons au laboratoire et certains, utilisent leur palais comme outil (voir Domaine de Montirius). Chez Vincent Quenard, la-dessus, on ne déroge pas trop à la règle. il prélève quelques raisins qu’il presse dans un sceau et il utilise un mustimètre qui mesure la densité dans le jus entre l’alcool et le sucre. A ce stade, pas d’analyses au laboratoire, seulement au domaine avec le musti et le palais pour l’acidité.

Voici un nouvel invité dans la danse. Lui se moque du cépage et des terroirs. Il frappe presque partout. Dérègle et modifie les habitudes. Il commence avec la grêle et fini avec la sécheresse et les canicules. Été 2019 avec un record à 46 degrés et 2 mois sans pluie dans le sud de la France. Résultat, des raisins très mûrs, très rapidement. Si des événements liées au réchauffement sont catastrophiques pour les récoltes, l’augmentation de la température, elle, avancera la date des vendanges.

A la main ou à la machine – Quelles différences pour les vendanges ?

Ça y est. Le moment temps attendu est arrivé. La maturité est jugée optimale et le vigneron a décidé de lancer la vendange sur une de ses parcelles. Sans plus attendre, il se lance sur le terrain pour récolter ses milliers de grains gorgés de jus et de sucre. Organisée et choisie en amont, cette vendange peut se réaliser de façon manuelle ou mécanique, autrement dit, à la main ou à la machine. Généralement c’est la taille du domaine (en hectare) qui oriente sur la méthode à choisir. Grand domaine avec de nombreux hectares et la machine aura du succès. Quelques hectares à taille humaine et la main aura de grande chance de l’emporter.  Est-ce que l’une est meilleure que l’autre ? Possible, nous ne savons pas. Pour nous c’est davantage une conséquence qu’un choix. A la machine, on va plus vite et on vendange donc beaucoup plus en un temps réduit. Lourd investissement pour les comptes de l’entreprise et qui en plus tasse les sols et secoue les pieds de vignes. A la main et l’Homme coûte vite cher, même au SMIC horaires car généralement plusieurs personnes coupent pendant plusieurs jours. Mais, au moins et c’est un grand avantage qualitatif, le tri est fait à la vigne et les sols sont préservés pour cette méthode davantage “naturelle”.

Pour Vincent et ses vendanges, notre exemple savoyard. C’est un mixe des deux. Pas de règles définies mais c’est vrai qu’à partir de 20 hectares t’es un petit grand ou un grand petit.. ! 20% de ses raisins sont vendangés mécaniquement à la machine pour faire des jus de raisin. Cela reviendrait cher de vendanger à la main pour faire du simple jus.. Le reste de ses parcelles est vendangé par une équipe de 10 à 12 personnes du coin via une société de service. Paniers en plastique et bennes pour ramener les raisins au domaine. Les vendangeurs sont formés à reconnaître les raisins ou les grappes à ne pas ramener au chai et c’est là que la notion de qualité manuelle prend tout son sens.

“Notre vin se fait dans les vignes, pas dans le chai”

La vendange est la conséquence d’une stratégie que le vigneron aura mise en place. L’homme ou la machine pour la récolte. Pour certains vignerons en bio, l’action de récolter à la main est très importante car elle rapproche l’homme de la nature. C’est peut-être une démarche ésotérique mais qui a fait ses preuves en terme de qualité. Pour Vincent, son vin doit se faire dans ses vignes et non dans le chai. C’est à dire qu’il prend le temps d’observer et s’interdit les produits chimiques de synthèse. Sa récolte personnelle découle donc d’une stratégie simple, l’homme respecte la nature. Plus le raisin est sain et sans pourriture, moins il aura à bosser au chai, la nature fera le reste.

Vendanges mécaniques (crédit sudouest.fr)


Glossaire :

Cépage Altesse : Cépage peu productif de Savoie destiné à la production de vin blanc aux arômes de citron, d’ananas.

Demeter : Organisme de certification pour la biodynamie.

Mildiou : Champignon (maladie cryptogamique) qui attaque la plante et la grappe de raisins.

Flavescence dorée : Maladie présente et transportée par la cicadelle, un papillon. Ce papillon transmet une bactérie qui attaque les vignes.

Black rot : Champignon (voir Mildiou).

Raisins botrytisés : Pourriture noble présente sur les grappes des raisins de certaines régions (Sauternes, Coteau du Layon). Il permet une concentration du sucre dans le raisin et offre des vins sucrés.


Liens :

Site web du domaine Savoir Chambéry

Page Facebook du domaine La Gerbelle Quenard Claude Et Fils

Site web de l’appellation Vin de Savoir


Auteur : Willy Kiezer – Remerciements : Pierre-François Weiswald & Vincent Quenard

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