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L’impact environnemental de la filière vin

Par Romain Becker | 4 octobre 2021 | Reportages | 0 commentaire

1,1 kg équivalent CO2 (kg eq. CO2). Voilà l’ordre de grandeur de l’empreinte carbone d’une bouteille de vin. Ce qui équivaut à environ 2 jours d’éclairage avec 1 ampoule à incandescence (et 12 jours avec une 1 ampoule Basse Consommation). Rappelons que l’empreinte carbone est un indicateur qui vise à mesurer l’impact d’une activité sur l’environnement, et plus particulièrement les émissions de gaz à effet de serre liées à cette activité. Ce chiffre est issu de Bilans Carbone effectués par les filières des vins de Bordeaux et des vins de Champagne. Mis au point par Jean-Marc Jancovici et diffusé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) au début des années 2000, le Bilan Carbone est le meilleur outil disponible à ce jour pour évaluer l’impact environnemental d’une activité. C’est un outil de diagnostic indispensable pour cibler les principaux postes d’émission et initier une démarche visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) s’est lancé dans ces démarches dès 2003. Le Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB), quant à lui, a commencé en 2007 avec des mises à jour en 2012 et 2020. Le graphique ci-dessous présente les résultats bordelais établis en 2007 et 2012 avec le cabinet Carbone4 :

Les trois premiers postes de dépenses énergétiques pour la filière bordelaise sont les matériaux entrants, le fret et les énergies. Les matériaux entrants désignent l’ensemble des matériaux qui servent à la production et au transport du vin : verre, plastique, carton, etc. Le fret comprend tous les types de transport, routier, maritime et aérien (hors transport des personnes) et les énergies sont toutes les sources d’énergie utilisées pour la production de vin : électricité, carburants pour les machines agricoles, etc.

Dans la dernière mise à jour de ce bilan, en 2020, on apprend que l’empreinte carbone totale de la filière bordelaise est de 768 000 tonnes équivalent CO2 par an (Teq CO2/an). Soit l’équivalent de l’empreinte carbone de 76 000 français. Ce qui correspond à 146 kg eq. CO2 par hectolitre de vin, soit 1,1 kg eq. CO2 par bouteille de vin. Si on extrapole ces chiffres à la France, avec 45 millions d’hl produits en 2020 en France, on a une empreinte carbone de la filière française de l’ordre de 6,5 millions Teq CO2 / an. Autant que les villes de Toulouse et Rennes réunies.

Les 3 premiers postes décrits au paragraphe précédent représentent à eux seuls 76% de ce bilan. Si l’on zoome encore un peu plus, on apprend que les matériaux entrants sont responsables de 36% du total des émissions de GES avec la bouteille en verre en tête de liste. Au total, la bouteille est responsable de 20% à elle seule des 768 000 Teq CO2 émis par an. En faisant ce bilan, on voit se dessiner des lignes directrices pour réduire les émissions de GES de la filière vin dans son ensemble.

En 2008, le CIVB s’était fixé des objectifs ambitieux : réduire l’empreinte carbone de la filière de 15% en 5 ans et de 75% d’ici 2050. En 2012, lors de la première révision du Bilan Carbone, un gain de 9% a été constaté. Puis en 2020, un nouveau gain de 24% est apparu. Oui mais voilà, les bordelais produisent moins de vins en 2020 qu’en 2012. La baisse est donc mécanique. Pire, les émissions sont passées de 138 à 146 kg eq. CO2 par hectolitre de vin, soit 6% d’augmentation. De quoi s’inquiéter, d’autant plus que la filière justifie cette augmentation en partie par davantage de travail des sols pour compenser la baisse d’utilisation des produits phytosanitaires. Sans commentaire…

L’inamovible bouteille

C’est en Champagne que le travail le plus important a été fait sur la bouteille. Un groupe de travail a planché sur la masse de celle-ci sachant que la pression à l’intérieur est très importante. Il ne faut pas que les bouteilles éclatent sous l’effet du gaz présent. En définissant de nouvelles lignes pour leur bouteille standard, le comité a pu faire baisser sa masse de 20%. 

Beaucoup d’autres pistes existent concernant les bouteilles. Quid de la consigne ? L’entreprise Oé for good s’est distinguée depuis 2019 en relançant la consigne pour ses bouteilles. Elle a prouvé que c’était possible. On pourrait également améliorer le recyclage du verre. En Europe, le verre est recyclé à 73%. C’est un score honorable mais il y a encore beaucoup à faire. Et sur cette question de la bouteille, le consommateur a sa part de responsabilité puisque la bouteille est le contenant le plus « prestigieux ». Certes, c’est le contenant le mieux adapté pour la garde. Mais 90% des vins produits sont consommés dans l’année qui suit leur embouteillage (voir article Jancis Robinson). Pourquoi ne pas tester d’autres types de contenant ?

Et le reste ?

Des efforts considérables sont à faire dans les filières et dans chaque domaine.  Il serait possible de travailler sur le recyclage des déchets et emballages en tout genre, le tri des déchets, l’utilisation d’emballages à partir de matériaux recyclés, la valorisation de certains déchets avec la mise en place d’une économie circulaire. Par exemple, les pépins de raisin peuvent être utilisés pour produire de l’huile. De nombreux composés présents dans les raisins intéressent des industries comme les cosmétiques ou la pharmacie.

D’autres pistes sont étudiées et testées par certains domaines et interprofessions, sur les énergies, mais pas que :

– Développement des CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole) : comme son nom l’indique, il s’agit de mettre en commun du matériel. Plutôt que d’acheter un tracteur par exemple, un parc de machines est géré par une coopérative. Les machines sont prêtées ou louées ou viticulteurs de la région

– Travail sur les itinéraires viticoles pour réduire le nombre de traitements (dont la production à un impact écologique) et donc le nombre de passages dans les vignes

– Modification des pratiques agronomiques : agroforesterie, viticulture biologique, etc…

– Utilisation des bois de taille dans une chaudière

– Récupération du CO2 issu des fermentations et valorisation sous forme de bicarbonate

– Utilisation du ferroutage ou du transport fluvial pour l’acheminement des bouteilles

– Rénovation thermique des bâtiments

– Interdiction de l’utilisation des bougies lors des épisodes de gel

On peut aussi se demander si l’export est une bonne chose. Certes, il participe positivement à la balance commerciale française. Mais quel est le bilan carbone d’une bouteille de vin qui atterrit sur une table de Tokyo, Vancouver ou Sao Paulo ? A l’heure où le bio croît chaque année un peu plus. A l’heure où de plus en plus de vignerons se revendiquent d’une démarche environnementale vertueuse. Où est la cohérence avec un fort pourcentage d’export ?

Quelle Pollution ?

Quand on parle de changement climatique, on parle également de pollution et de biodiversité. Or la filière vin est une très grande consommatrice de produits phytosanitaires de synthèse, à des doses qui sont clairement dangereuses pour notre environnement. Et ceci à deux titres : en terme d’impact carbone car ces produits ne sont pas neutres dans leurs émissions de GES, comme nous l’avons mentionné plus haut. Et en terme de pollution des sols et de perte de biodiversité. On parle d’effets indirects pour la vigne. Mais quid de la durabilité du vignoble dans un contexte d’accroissement des stress autour de la vigne (chaleur, maladies cryptogamiques, stress hydrique) quand l’environnement direct se dégrade ? Les exemples en faveur de la vie des sols, des bienfaits d’une agriculture biologique sont légions aujourd’hui. Et l’on peut se réjouir d’une croissance annuelle à deux chiffres du nombre de domaines qui s’y convertissent. Des études tendent par exemple à démontrer que “La consommation énergétique des systèmes biodynamiques est jusqu’à 50 % plus basse qu’en conventionnel, en lien avec la baisse de l’utilisation d’intrants, engrais et pesticides. Bien que le rendement en soit souvent diminué, l’efficacité énergétique resterai 20 % à 56 % meilleure en agriculture biodynamique qu’en agriculture conventionnelle, en consommation d’énergie par unité de matière sèche (Turinek et al., 2009)” (source). Il s’agit donc d’une démarche indispensable car vertueuse tant sur le plan de la sobriété énergétique que sur le plan sanitaire.

On voit donc dans cet article que les défis sont nombreux pour toute la filière vin. Les actions peuvent être difficiles à mettre en œuvre, car coûteuses en temps et en énergie. De plus, c’est un travail discret qu’il est compliqué de mettre en avant et de valoriser. Certains labels traitent plusieurs de ces questions. Le label HVE regroupe beaucoup de ces sujets mais l’ambition pour l’obtention du label est bien trop faible. Le label bio est très intéressant mais il ne prend pas en compte le bilan carbone du domaine. Il y a également le label Vignerons engagés qui mérite d’être regardé de près avec des équipes qui travaillent beaucoup sur le terrain. A quand la fusion de ces labels pour une certification complète et cohérente ?

Pour aller plus loin

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