Cultiver la vigne de façon durable et sur plusieurs dizaines d’hectares est possible, les exemples ne manquent pas. Nous l’avons récemment vu avec l’interview de Jean-François Vaillant, vigneron au domaine Les Grandes Vignes en Anjou. Voici donc un deuxième exemple avec le Château Maris et ses 45 hectares nichés dans le Minervois où les projets agroécologiques ont le vent en poupe. Conservation des sols, plantations de haies, construction d’un chai bioclimatique et politique RSE orchestrés par un certain Robert Eden, un amoureux du vin avant tout fasciné par le vivant. Nous sommes partis à la découverte de ce domaine.
Château Maris, carte d’identité
Adossées aux contreforts de la Montagne Noire, les vignes de Maris sont implantées ici et là autour et sur le terroir de la Livinière, cru du Languedoc. Un climat méditerranéen qui bénéficie d’influences fraîches venues du Massif central et grâce à la tramontane, laquelle limite les pressions fongiques. Les parcelles situées sur le cru offrent de beaux panoramas avec d’impressionnantes vues sur le Canigou et la chaîne des Pyrénées – “certains jours, on a l’impression de pouvoir les toucher” nous confiait Robert Eden au printemps dernier. Quelques parcelles sont plus en contrebas du village et le reste autour du chai, à quelques kilomètres de la Livinière. Au total, le Château Maris cultive près de 45 hectares certifiés bio.
Dès le début des années 2000, Robert Eden se lance également dans la biodynamie en obtenant les labels Biodyvin (2004) puis Demeter (2008). Des certifications qui l’ont poussé à se poser des questions sur son environnement – “la biodynamie m’a permis de respecter les choses, le vivant, ce n’est pas une secte”. Loin d’une pratique jugée très [trop] souvent ésotérique, la biodynamie a donc engendré chez le vigneron une transition intelligente sur son domaine, notamment sur la vie des sols où il a compris très tôt qu’il fallait les protéger par des couverts permanents.
Robert Eden a beaucoup voyagé dans le monde. Il a notamment travaillé avec de nombreux œnologues réputés dans des pays viticoles comme l’Italie, l’Espagne, l’Australie et les Etats-Unis. Originaire du Yorkshire du Nord, ce Britannique est issu d’une illustre famille anglaise et son grand-père n’était autre que le frère l’ancien Premier Ministre Britannique Anthony Eden. Depuis 1994, il vit près de Limoux dans l’Aude et a créé le domaine au début des années 2000. Un projet de grande envergure soutenu par un associé dont la condition était d’élaborer du vin “durable”, d’où les obtentions rapides de labels environnementaux comme le bio et la biodynamie. Maris est également distribué en exclusivité dans le monde par le groupe Invivo.
L’agroécologie au domaine, une volonté de Robert Eden
Trop souvent relayée au mode de production agricole à la vigne (HVE, Terra Vitis, bio, biodynamie), l’écologie dans le secteur viticole doit être menée sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’un domaine, de la vigne au conditionnement, en passant par le chai. D’ailleurs, c’est bien le conditionnement (bouteille, transport) qui est le poste le plus gourmand en émission carbone avec environ 60 % des gaz à effet de serre produits. Pour beaucoup de spécialistes, la transition écologique doit permettre de créer un nouveau monde plus juste et respectueux, et les projets créés autour de la responsabilité sociétale le représentent. Robert Eden est attaché à ce volet et a engagé le domaine dans la certification B-Corp, label que nous avons présenté dans un précédent article. “Cette certification m’a permis de connaître mes employés, de nouer des liens avec eux. Ça peut paraître bête, mais ça fonctionne.” N’oublions pas le système de points du label où le pilier “Les collaborateurs” est important, au même titre que l’Environnement ou l’Éthique. Le gérant est donc tenu d’augmenter les standards en matière de rémunération, de bien-être ou de développement dans les formations de ses collaborateurs.
Conservation des sols
Lors de notre visite réalisée en avril, en plein cœur du printemps, nous avons pu observer le développement d’un couvert végétal semé à l’automne. Et avec les pluies conséquentes du mois de mars et la belle luminosité d’avril, les légumineuses y étaient en plein développement. Un couvert qui, après avoir été roulé avant l’été, a offert une belle protection contre le soleil et a gardé l’humidité dans les sols. De très bons taux de matières organiques Robert Eden. “Nous travaillons depuis plusieurs années avec le laboratoire Dubernet sur l’analyse du vivant de nos sols et de leur teneur en matière organique. Et à travers ces analyses, nous avons pu voir que nos sols ont des taux de matière organique plus élevé que la norme régionale« .
Pour protéger certaines parcelles contre l’érosion puis apporter des refuges aux insectes, oiseaux et mammifères, plusieurs centaines de mètres de haies ont également été plantés et le vigneron souhaite par ailleurs continuer à investir dans ce projet agroforestier.
Chai bioclimatique
Au chai, même constat. Adossée à une petite forêt, la bâtisse bioclimatique du Château Maris permet de voir l’avenir avec optimisme et montre que c’est possible de faire du vin sans climatisation, à condition de revoir le système de construction des bâtiments. Des murs en chanvre et un toit végétal freinent le réchauffement du soleil, souvent très puissant l’été. Puis des panneaux solaires ont été récemment installés pour permettre au chai d’être indépendant et autonome, produisant 80% de son électricité. Bilan, entre 2017 et 2020, le chai bioclimatique a permis de réduire de 9 tonnes l’émission de CO2 (source Château Maris).
Transport avec le voilier Grain de Sail
Le Grain de Sail est le premier voilier cargo moderne français à prendre le large chargé de denrées artisanales. Initiée par les frères Barreau, la construction de ce voilier a commencé en 2010 à Morlaix et il est opérationnel depuis novembre 2020. L’objectif : décarboner le transport maritime transatlantique avec ce “nouveau” mode de transport de marchandises, plus écologique et rejetant 17 fois moins de CO2 qu’un porte-conteneur classique (source ADEME). Le Grain de Sail exportera 2 fois par an 10000 vins français certifiés AB vers les États-Unis et importera en retour 50 tonnes de café et 300 tonnes de tablettes de chocolat d’Amérique Latine.
Des vins bio accessibles
“Le bio doit être accessible à tous”. Tels sont les mots prononcés par Robert Eden lors de notre visite. En plus de vinifier ses propres raisins, le patron du château a créé en 2014 une maison de négoce qui achète du vin bio pour le revendre sous la marque Maris, distribuée par l’intermédiaire du groupe Invivo, qui, en 2018, signe un accord d’exclusivité pour la distribution avec le domaine. Un négoce qui se veut accessible mais avec un grand travail de sélection réalisé par Robert Eden. Un cahier des charges strict est soumis à des caves coopératives comme celle de Saint-Maurice-de-Cazevieille dans le Gard. Une gamme de rouges, rosés et blancs sont ainsi distribués dans la grande distribution française. Et lorsqu’on lui pose la question sur les valeurs de la biodynamie et de la grande distribution, Robert Eden assume en affirmant que le bon vin bio doit être abordable au plus grand nombre, “c’est l’une des valeurs de la maison”.
De la tête aux pieds, Château Maris et son vigneron fondateur Robert Eden ont entamé la transition agroécologique de l’exploitation. Des projets sont également à venir sur une potentielle tireuse à vin installée au restaurant à Féline Minervois, spot de vente du domaine. Il ne manque plus que la consigne des vins au local mais ça, Robert est bien évidemment sur le coup !
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