Des vins rouges mythiques, un cépage unique et célèbre, des paysages viticoles à couper le souffle, des crus connus dans le monde entier, un nom qui commence par B : bienvenue dans le Beaujolais. Très souvent sous-estimé par le consommateur, voire relayé au rang de sous-vignoble, tout juste bon à produire du gros rouge qui tâche, pourquoi ce magnifique vignoble est-il jugé ainsi ? Je dis stop aux préjugés et je vous propose de partir à la découverte du Beaujolais, un vignoble pas comme les autres.
A seulement quelques kilomètres au nord de Lyon, se trouve une région viticole autrefois rattachée à la Bourgogne, le Beaujolais. Aujourd’hui autonome, le vignoble est rendu célèbre par son fameux vin primeur du 3ème jeudi de Novembre : Le Beaujolais Nouveau. Moins connu, le Beaujolais est aussi la région « berceau » des fameux vins dits « naturels » (Jules Chauvet, Marcel Lapierre). Aujourd’hui, de nombreux vignerons, comme Mathilde-Stephen Durieu et le néo-vigneron Philippe Viet s’installent dans la région et produisent ce style de vin. Ils permettent à la région d’être connue et reconnue dans le monde entier.
LE BEAUJOLAIS NOUVEAU
Ce n’est que depuis 1951 que les vignerons de ce vignoble peuvent vendre leurs vins avant le mois de décembre, qui était alors la date de vente autorisée à minima, et seulement depuis 1985 que cette date est fixée au 3ème jeudi de Novembre (en 2018, le jeudi 15). Le Beaujolais Nouveau est produit partout dans le vignoble mais seules les appellations Beaujolais et Beaujolais villages peuvent vendre avec la mention « Nouveau » sur l’étiquette. En revanche, les vignerons n’ont pas l’autorisation d’en faire plus de 50 % de leur production.
Vin avec très peu (voire pas) d’élevage, le Beaujolais Nouveau est donc assez léger, rafraichissant et très facile à boire, avec des arômes de fruits rouges et d’épices.
D’où vient le style du Beaujolais Nouveau ?
- Style : Vin clair, léger et très fruité.
Pour commencer, il y a le cépage du coin, le géant Gamay. Il permet d’offrir des vins simples et faciles à boire malgré certaines exceptions. On est très loin du Cabernet Sauvignon façon Sud-ouest aux puissants tannins. Ensuite lors de la vinification, le vigneron transforme son jus de raisin en vin grâce à une courte macération (rappel : jus de raisin qui macère avec la peau – voir article). Elle dure obligatoirement moins de 10 jours afin d’extraire fruité et légèreté. Pour finir, cette macération se réalise avec une technique dite « grappes entières » (macération carbonique pour les connaisseurs). Cette technique permet d’extraire beaucoup de fruits et de couleurs et bien-sûr, sans tannins. C’est la technique la plus utilisée dans le Beaujolais.
A chaque règle, son exception…
Pour Philippe Viet, vigneron à Morgon, il y a depuis quelques années un grand changement de style. De célèbres vignerons comme Lapalu, Joubert et Vionnet et d’autres, élaborent un nouveau style de Beaujolais nouveau avec plus de corps, de longueur et surtout pas d’arômes surfaits de bananes et de fraise, les fameux arômes amyliques. « Tu pourrais goûter un de leur vin et tu serais à mille lieux de reconnaitre un Beaujolais Nouveau ». Cette évolution permet de redonner un élan au vignoble et de changer l’esprit du consommateur.
Le Beaujolais Nouveau est-il un vin de garde ?
La réponse est non, du moins il faut éviter de garder son Beaujolais nouveau plus d’un ou deux ans. C’est un vin léger, avec peu de corps en bouche, synonymes de vin à boire rapidement et donc dans l’année (nous parlons ici des Beaujolais nouveau de supermarché). Mais attention, cela ne veut pas dire que le vin est mauvais ! C’est peut-être tout simplement que vous n’appréciez pas les vins légers et faciles à boire. Pourquoi être si méchant avec lui ?
LE DOMAINE QUI MONTE
Le cas de Mathilde et Stephen Durieu, vignerons au domaine « Lou. Y es-tu ? » dans le sud du Beaujolais.
Loin des préjugés, le couple de vigneron vend ses cuvées aux magasins et lors de salons spécialisés (cavistes et salons vin naturel). D’ailleurs tout se vend très bien, preuve de la qualité de leurs vins et de leur primeur, le Beaujolais nouveau.
« Pour nous, un primeur, c’est le premier vin de l’année. C’est lui qui va donner le ton et le coup d’envoi dans le Beaujolais. Mais c’est surtout et aussi un moment très festif où l’on fête l’année qui vient de s’écouler ! »
Le couple tient un domaine de 8,5 hectares de vignes dont 7,5 en bio et 1 hectare en conversion. 90 % de leurs vignes sont organisées en une seule et grande parcelle et un seul hectare est utilisé pour la production de leur Beaujolais nouveau. Il indique et donne le ton sur la qualité du raisin de l’année en cours. Une chance pour ce couple, dont les vignes âgées de 40 à 100 ans sont sur des sables granitiques, ce qui permet d’obtenir des vins qui arriveront à maturité rapidement.
Comment travaillent-ils ?
« Nous travaillons en mode « nature » pour préserver les caractéristiques du terroir exploité. C’est aussi pour nous un mode de vie. Lors de la vinification, nous travaillons sans intrants, en levures indigènes et sans aucun sulfites ajoutés ».
Le domaine produit 3 cuvées, un primeur, une cuvée principale et une « vieilles vignes ». Toutes en appellation Beaujolais villages. Les macérations carboniques (rappelez vous en grappes entières) sont courtes et les élevages sont en cuves bétons, sauf pour la cuvée « vieilles vignes » élaborée elle en vieux futs.
Comme d’autres, Mathilde et Stephen participent au regain de popularité du Beaujolais. Je vous invite à vous rendre chez ces cavistes-bars à vins pour découvrir leurs cuvées :
- La Quincave
- Gag
- Au nouveau nez
- Les Argots
- La cave a Michel
- la cave de Turenne
- La vigne au verre
- le garde robe
- Substance
- siffleur de ballons
PRÉSENTATION DU VIGNOBLE
Le Beaujolais est le dernier vignoble avant d’arriver sur la métropole Lyonnaise. Plus précisément situé au sud du Maçonnais et au nord-est des coteaux du Lyonnais. C’est un vignoble de taille moyenne au climat continental. S’il vous plait, rappelez-vous les cours de géographie du collège : ce climat offre des hivers froids et des étés chauds. D’ailleurs, c’est une région ou le réchauffement climatique se fait de plus en plus ressentir. Petite anecdote, quelques vignerons se sont lancés dans la production de Syrah et de viognier (Domaine Passot), preuve de cette évolution climatique.
Pour y avoir fait sa route des vins en remontant de Lyon, je confirme que les paysages sont loin d’être plats comme dans certaines régions plus connues… Ici, de petites montagnes de 500-600 mètres composent le paysage. Pas assez hautes pour skier mais assez pour faire de l’excellent vin et de belles promenades.
« L’été, le Beaujolais a des airs de Toscane » Philippe Viet – Néo-vigneron à Morgon.
La région viticole s’étire sur 55 kilomètres de long et environ 15 kilomètres de large. Plus de 23 000 hectares de Gamay y sont plantés dans les 12 appellations recensées dans le vignoble. 2 appellations d’origines contrôlées régionales, Beaujolais et Beaujolais Villages et 10 appellations locales – communales dites « crus du Beaujolais » telles que Morgon, Brouilly, Chénas, Juliénas, Côtes de Brouilly, Chirouble, Saint-Amour, Moulin à Vent, Fleurie et Régnié. Vous l’aurez compris, ici que du rouge ! Sauf encore une fois quelques exceptions comme le Chardonnay.
Le style des vins rouges va de léger voire très léger comme par exemple le Beaujolais Nouveau, à plus concentré et charpenté comme les Morgon et Moulin à vent. Les vins ne sont pas que de petits rouges légers, croyez-moi et il y en a pour tous les goûts.
Le Beaujolais est aussi, comme énoncé précédemment, le berceau des vins « natures ». Des dizaines de vigneron sont ou se lancent dans ce style de vin. Des plus jeunes comme le domaine « Lou. y es-tu ? » et Philippe Viet au plus connus et célèbres comme Thévenet et Métras. C’est un petit coin de la France ou on aime la vrai bouffe traditionnelle et les bons produits du terroir.
ALORS, POURQUOI LE BEAUJOLAIS EST-IL PERÇU COMME UN VIN MOINS BON QUE LES AUTRES ?
Pour commencer, non, le Beaujolais n’est pas un vin moins bon que les autres et ce n’est pas non plus un vignoble moins beau que les autres. Pour aller plus loin, il faut savoir que le Beaujolais subit l’image négative de son fameux vin primeur, le Beaujolais nouveau. Attention, celui que l’on trouve au supermarché à moins de 4€, pas celui des petits vignerons qui font du très bon boulot.
Le problème, c’est que l’on associe directement le mauvais Beaujolais Nouveau de grande distribution aux autres vins de la région. Sachez que c’est une manne financière pour les négociants et groupes industriels qui utilisent cette marque (par exemple George Duboeuf) pour vendre des milliers de bouteilles.
Pour l’anecdote, j’allais l’autre jour faire quelques courses d’appoint (afin de préciser que je ne fais pas mes courses là-bas) dans un Franprix à Paris (afin de préciser que je suis parisien). Je suis tombé nez à nez avec un Beaujolais Nouveau de cave coopérative, qui, à ce moment-là de l’année, était interdit à la vente. Et oui, nous étions deux semaines avant le 15 Novembre. Ce Beaujolais Nouveau portait le nom de « nature » avec la mention « sans sulfites » (tiens donc). J’ai donc tout de suite prévenu ma « gigantesque » communauté Instagram dans l’une de mes stories.
Suite de l’histoire, la Community Manageuse est venue me parler par message privé pour me dire qu’en effet Franprix était dans l’illégalité mais pour aussi me parler de son vin que j’avais « taillé » sur la story. Pour résumer, l’entreprise a choisi de donner le nom « nature » à ce vin car c’est une des cuvées la plus stable du domaine. Sur ce fait, les œnologues de la société ont donc choisi de ne pas mettre de sulfites dans le vin, jusque-là tout va bien.
Mais « que veut dire vin nature pour ce domaine ? » Réponse : « Il n’y a pas de législation sur ce mot « nature » etc. etc… » ! D’accord, donc question finale pour creuser sur leurs méthodes, « Quelle est votre mode de viticulture – vinification ? Ajoutez-vous des LSA (Levure sèche ajoutée) et autres intrants ? » Et la réponse était bien évidemment celle que j’imaginais « Nous ne sommes pas en viticulture biologique, nous traitons mais seulement quand c’est nécessaire et oui nous avons ajouté des LSA » (des levures pour fermenter).
Faites donc attention à la dénomination « nature », elle ne fait pas foi d’une quelconque viticulture « naturelle ».
Pour Clément Chevrier, cycliste professionnel et « professionnel » du vin (et oui on peut faire les deux), la faute revient à plusieurs facteurs d’origine humaine. Les arômes de bonbon et de banane, lorsque le vin est élaboré avec des levures sèches aromatiques, sont notamment mis en cause par Clément. « Le Beaujolais tient son image de vin de soif, acide aux arômes amyliques (banane, bonbon acidulé type arlequin) à cause du Beaujolais Nouveau ».
La deuxième raison tient au marketing et au prix de vente : « Il y a clairement eu une erreur marketing de vouloir mettre en valeur cet événement à l’instar de la qualité largement présente dans la région. Son prix également, qui est resté à échelle humaine et qui face à ses voisins de Bourgogne montre un grand écart. Dans la tête du consommateur, cela démontre une qualité bien inférieure malheureusement pour une situation géographique et historique proche ».
Vous l’aurez donc compris, c’est le produit vendu en grande distribution qui a détruit l’image de notre Toscane française. Selon Mathilde et Stephen Durieux, vigneron du domaine « Lou. Y es-tu ? », dans le Beaujolais, le consommateur aime le côté festif du vin nouveau mais ne va que très peu acheter des bouteilles chez des cavistes spécialisés.
Pour Philippe Viet, le Beaujolais nouveau a, à la fois, servi et desservi le vignoble. « C’est en quelque sorte une pièce à deux faces. Pile, ce type de vin festif permet aux consommateurs de se réunir et de partager un bon moment autour de ce vin jeune et facile à boire. Tout le monde en boit (ou presque) et cela participe à sa célébrité. » Il est vrai que maintenant, c’est un rituel, même les jeunes en boivent le 3eme jeudi de Novembre.
« De l’autre côté, en face, la manne financière du succès. De plus en plus de négociants se sont lancés dans ce vin et l’ont proposé à moins de 4 € au supermarché. La qualité a baissé considérablement. » Les critiques de journalistes ont commencé à remplir les bouquins à la fin des années 90 et depuis, le consommateur pense que le Beaujolais tout entier produit des vins de mauvaise qualité.
UN CRU DU BEAUJOLAIS AU PRIX D’UN ENTRÉE DE GAMME DE BOURGOGNE
Les nombreux voyages de Philippe Viet lui ont permis d’analyser la perception du Beaujolais. Pour lui, pas de préjugés dans les autres pays « Les japonais raffolent du Beaujolais. Le monde entier raffole du Beaujolais. La hausse gigantesque des prix des vins de Bourgogne et de Bordeaux a profité au Beaujolais. Quand tu achètes en Australie un premier prix de Bourgogne au prix d’un grand cru du Beaujolais, tu fais vite le choix. » Plus facile à acheter et même à l’autre bout du monde, le Beaujolais voit sa cote augmenter rapidement.
Dans l’esprit du consommateur allez disons-le, du bon français, un vin léger et gouleyant est synonyme de mauvais vin : pourtant, je le répète, ce n’est qu’un style de vin. De la même manière, en France, on a aimé et on aime toujours le bon rouge puissant et tannique : il n’y a de la place que pour lui. Il faut s’ouvrir les papilles !
Dîtes vous bien que le Beaujolais, ce n’est pas un mauvais vin, c’est simplement un vin avec une histoire pas comme les autres et produit par des vignerons pas comme les autres.
Auteur : Willy Kiezer
Remerciements : Philippe Viet & Clément Chevrier
1 commentaire
Super article Willy !
Le Beaujolais est un vignoble qui vaut le détour et d’ailleurs les amateurs ne s’y tropent pas. De plus en plus de « winelovers » cherchent à découvrir ces vignerons encore très accessibles.
Bravo pour le coup de projecteur ✌?