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Le domaine familial de Montirius

Par Willy Kiezer | 12 septembre 2019 | Portraits | 1 commentaire

Balayé sans cesse par le mistral, vent le plus célèbre de France, le vignoble de la vallée du Rhône est sans aucun doute l’un des plus grands et prestigieux de France. Une grande biodiversité de paysages est observée depuis les coteaux très escarpés d’Ampuis jusqu’à la très chaude plaine des Costières de Nîmes (46 degrés recensés pendant la canicule cette année). Le vignoble rhodanien offre une mosaïque de terroirs et de climats différents. De tempéré et plus frais au nord à mesure que l’on se rapproche de Lyon, il passe à méditerranéen et chaud au sud, aux portes d’Avignon. A partir de Montélimar, à mi-chemin entre sud et nord du vignoble, la vallée se transforme en plaine. Le vignoble de la vallée du Rhône s’élargit alors, et la vigne investit entièrement le décor. Sans elle, la région n’aurait certainement pas le même paysage et sans elle, des villages comme Châteauneuf-du-Pape, Beaume de Venise ou encore Rasteau ne seraient certainement pas aussi célèbres. Sur près de 80 000 hectares, cette vallée offre des vignes à perte de vue et des paysages qui peuvent parfois couper le souffle. C’est dans la partie méridionale, entre Le mont Ventoux et Avignon, que nous partons en vadrouille, dans un domaine où la nature est respectée et où la vigne règne en souveraine. C’est là que se trouve le domaine familial de Montirius, une exploitation pionnière dans la pratique de la biodynamie rhodanienne.

Le domaine familial.

“Chaque main et chaque action effectuée sont importantes…”

Qu’elles soient certifiées bio, en biodynamie, conventionnelles ou issues d’une viticulture raisonnée, il existe de nombreux types « d’entreprises » qui travaillent la vigne ou élaborent du vin. Pêle-mêle, parmi elles se trouvent : le néo-vigneron, qui s’installe seul pour exprimer sa liberté et retrouver la nature, le viticulteur en cave coopérative qui travaille avec d’autres confrères ou consœurs pour mettre des moyens en commun et le domaine familial qui existe depuis plusieurs générations. Montirius appartient à ce dernier type d’entreprise viticole. Eric et Christine Saurel sont de la 5ème génération d’une famille qui travaille la terre, dans les environs de Sarrians. Sur 58 hectares et accompagnés de leurs 3 enfants, ils élaborent des cuvées sur le terroir de Vacqueyras et de Gigondas.

Eric et Christine reprennent le domaine familial en 1992 et décident rapidement de passer le cap du bio et ensuite de la biodynamie. Convaincus depuis le début par les bienfaits de cette méthode culturale, c’est d’abord sur Justine, leur aînée, que les plantes auront gagné leurs lettres de noblesses. Atteinte d’une maladie grave des reins, c’est avec l’aide des plantes que Justine (née en 1989) a trouvé remède auprès d’un médecin homéopathique. Difficile donc de ne pas appliquer cette philosophie sur l’ensemble des vignes que détenait alors la famille…

Si, au début, le couple est resté discret, dès 1992 il interdit progressivement l’utilisation des produits de synthèse dans les vignes. En 1999, le domaine accède au graal en obtenant la certification Biodyvin* avec comme mentor un certain François Bouchet*, maître précurseur (1962) dans l’art de la biodynamie : “C’est notre père spirituel, celui qui nous a tout appris”.

Aujourd’hui, c’est près d’une dizaine de cuvées qui sont élaborées chaque année, toute certifiées Biodyvin. 150 000 bouteilles de vins de pays, de Côtes du Rhône, de Gigondas et de Vacqueyras disponibles dans la couleur rouge, rosée et blanc. Le domaine emploie une dizaine de salariés à temps plein, entre vignes et chai. Christine Saurel est l’une des pièces maîtresses du domaine, c’est elle qui apporte du liant entre les équipes : “Je ne taille pas, je n’effeuille* pas mais mon but est de comprendre toutes les missions des employés au domaine et de créer des liens entre nous”.

Montirius, c’est aussi un domaine avec une organisation à toute épreuve, mais où l’Homme reste au cœur du mécanisme. “Chaque main et chaque action effectuée sont importantes. De la taille à l’emballage d’un carton, tout est organisé, tout est important”. Les collaborateurs sont d’ailleurs fidèles aux Saurel et au domaine, depuis plusieurs années.

Les vignes de Montirius sous le regard du géant de Provence, le Mont Ventoux.

Un lien très fort avec la terre, la biodynamie.

“On préfère perdre une récolte que d’offrir de l’eau à nos vignes…”

Il est saisissant de voir, en discutant avec Christine, à quel point la nature a sa place dans le domaine. Montirius n’est pas une simple exploitation agricole mais une réelle entreprise paysanne. Au domaine, on respecte « le vivant » et ce n’est pas l’intérêt pécuniaire qui prime. Tout, dans le discours de Christine, transpire l’amour de la terre et la recherche permanente de l’équilibre entre la terre, la plante et l’environnement.

Réussir à être en biodynamie sur plus de 50 hectares, c’est aussi une prouesse qui pourrait inspirer de nombreux domaines. La famille Saurel a choisi Biodyvin comme association pour les accompagner dans la biodynamie. Pour Christine, ce choix s’explique pour beaucoup dans l’échange et l’entraide qui existent entre les vignerons.

Lorsqu’on lui demande ce qu’est la biodynamie, la réponse ne se fait pas attendre : c’est d’abord un moyen de redonner fertilité et vie aux sols. Laisser vivre la faune et flore épigées*, telles que les vers de terre, est indispensable pour offrir biodiversité et équilibre dans les parcelles : “On commence par un compost Maria Thun* dès l’automne”. Cette biodiversité est elle aussi essentielle pour la mycorhize* qui permettra une belle sélection de levures indigènes sur la pruine des raisins.

En cette période estivale 2019, la canicule et la sécheresse ont marqué les esprits. Dans ces lieux balayés par le mistral, plus de 40 degrés ont été relevés sur plusieurs jours et la vigne a souffert de ce phénomène. Sols secs, vignes en stresse et c’est en conséquence que l’appellation Vacqueyras a autorisé l’irrigation pour les vignerons de l’appellation. Décision non appliquée par Montirius : « On préfère perdre une récolte que d’offrir de l’eau à nos vignes. C’est la vie, la vigne doit retenir dans sa mémoire ces épisodes de sécheresse pour ensuite devenir plus forte et s’adapter. »

Biodynamie et réchauffement climatique.

Cette forte canicule, conséquence (pas que) du réchauffement climatique, est évidemment un sujet qui préoccupe bon nombre d’agriculteurs. Comment répondre à cette élévation de la température et à ses effets dans le futur ? En replantant de nouveaux cépages ? En pratiquant l’irrigation ou en autorisant la vente de vins au-delà de 16 degrés ? Ce sont des questions que les vignerons et spécialistes vitivinicoles se posent depuis quelques années.

Lorsque l’on écoute les vignerons qui pratiquent depuis plus ou moins longtemps la biodynamie, on a l’impression qu’ils paraissent “mieux armés” contre ce phénomène. Christine estime qu’il n’y a pas que le soleil pour faire mûrir correctement la plante : “La sève aussi apporte sa pierre à l’édifice. Elle apporte minéraux et fraîcheur”. Aussi, la taille, l’effeuillage et le travail du sol sont des actions mûrement réfléchies pour offrir ces éléments. La patronne du domaine nous confie que les titres alcooliques sur ses jus sont plus faibles qu’il y a 20 ans, alors que le réchauffement climatique a pris de l’ampleur. En résumé, la biodynamie apporte de la fraîcheur à la vigne, de l’énergie supplémentaire… Est-ce encore un fait que l’on peut mettre de côté en lui apposant l’étiquette « d’ésotérique » ?

De l’énergie que l’on retrouve dans les cuvées.

Nous avons constaté une belle tension sur l’ensemble des cuvées testées. Est-ce que tension = énergie = biodynamie ? C’est loin d’être facile à prouver mais c’est toutefois un point commun entre de nombreux domaines qui pratiquent ce type de culture et que nous avions pu gouter. Le domaine produit près d’une quinzaine de cuvées (rouge – rosé – blanc) sur plusieurs appellations : IGP Vaucluse, Côtes du Rhône, Vacqueyras et Gigondas. L’export est lui majoritaire dans les ventes mais la tendance s’inverse petit à petit. Est-ce aussi grâce à la demande de plus en plus forte de vins “propres” sur l’hexagone ? C’est possible aussi.

Résumé synthétiquement synthétique :

1 – Possible de faire de la biodynamie sur une grande exploitation : 58 hectares entièrement certifiés par Biodyvin.

2 – L’organisation millimétrée du domaine : Tout est organisé par Christine avec l’Homme et le respect comme valeurs fondamentales.

3 – Canicule, climat : La biodynamie peut relever l’enjeu du réchauffement climatique.

4 – Goût : La biodynamie apporte plus de saveurs, c’est indéniable.

Glossaire :

*Biodyvin : Organisation syndicale regroupant 148 vignerons certifiés en biodynamie. Biodyvin utilise un organisme indépendant pour certifier les domaines : Ecocert.

*François Bouchet : Vigneron biodynamiste à Montreuil-Bellet près de Saumur, François Bouchet a lu l’œuvre de Steiner et il a ensuite théorisé et pratiqué la biodynamie dans les vignes.

*Effeuiller : L’effeuillage consiste à séparer la vigne de quelques feuilles afin de maximiser l’énergie et l’exposition du soleil sur les baies de raisins.

*Épigée : Flore épigée, vie (insectes, bactéries, animaux) sur les premières surfaces du sol en contact avec l’oxygène. Cette première couche se nourrit de la matière organique qui sera ensuite fondamentale pour la flore endogée, celle en profondeur (celle qui va nourrir les racines).

*Compost de Maria Thun : Bouse de vache qui aura macéré dans le sol pendant la période hivernale (6 mois). On y apporte dans ce compost des éléments minéraux et plantes comme l’achillée millefeuille et la camomille matricaire. Une fois la macération terminée, ce compost sera déposé sur les sols. Il est utilisé pour redonner vie et fertilité dans les sols, elle aussi fondamentale pour la flore épigée.

*Mycorhize : Symbiose entre les racines des plantes (en l’occurrence de la vigne) avec les bactéries dans les profondeurs du sol. Cette symbiose est l’un des éléments indispensables pour extraire le terroir qui sera présent via les levures sur la pruine des raisins.

Auteur : Willy Kiezer

Merci à Pierre-François Weiswald & Thierry Favre

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