Décidément le département du Gard regorge de vignobles et d’appellations à ne plus savoir où donner de la tête, il y en a partout. Le Gard est d’ailleurs l’un des plus vastes départements viticoles de France. Pour être plus précis, notons qu’avec 52 600 hectares de vignes, le département se classe à la 4ème place en surface viticole cultivée, ce qui représente quand même 7 % du vignoble français. Pour s’en rendre compte, prenez Nîmes, le chef-lieu, comme point central. L’ancienne ville romaine est tout bonnement entourée de vignes. Costières de Nîmes au sud-sud-est, sûrement le vin d’appellation le plus connu dans le coin. Les “stars” Tavel et Lirac à l’est, baignées par le soleil et le mistral. Vignoble du Languedoc à quelques kilomètres à l’ouest direction Montpellier et enfin pour clôturer le tour du propriétaire, le vignoble cévenol au nord, le plus confidentiel d’entre eux. C’est sur ce dernier territoire que nous avons jeté notre dévolu et nos papilles pour la rédaction de cet article. Le pays cévenol abrite plusieurs identifications (IGP Gard, Pays d’Oc, Cévennes) et une appellation (Duché d’Uzès) qui se chevauchent et se partagent cet immense théâtre viticole. Moins célèbre que les Costières, ce grand territoire regorge pourtant de nombreux domaines proposant des vins à couper le souffle. Si une bonne production déclarée en IGP Pays d’Oc part pour la grande distribution, une autre partie œuvre pour la qualité avec des cuvées souvent moins standardisées que dans le reste du département. C’est donc là-bas, à proximité du Gardon, que nous sommes partis à la rencontre de la garrigue et de ses vignerons. Ces acteurs qui revendiquent davantage de reconnaissance pour leur travail de qualité. Mais avant de commencer ce voyage et pour conclure cette alléchante introduction, voici notre premier conseil : « si tu n’aimes pas le vin et les vignes, gare à toi car le Gard n’est sûrement pas fait pour toi… ».
Zoom sur le vignoble du pays cévenol
Entre Alès et l’extrême nord de la métropole nîmoise se trouve ce gigantesque vignoble de 13 000 hectares qui s’étend sur les derniers contreforts du Massif central. Les vignes sont implantées sur des successions de petits coteaux, de plateaux et de plaines, parfois égarées entre deux forêts, parfois en monoculture à perte de vue.
Question climat, rudesse et diversité sont les mots qui caractérisent le mieux ce secteur aride souvent réputé pour offrir des étés particulièrement chauds voire caniculaires, comme lors de notre visite au début du mois d’août, où le mercure a frôlé les 40 degrés. Et bien que le soleil et la chaleur estivale irradient le piémont, le pays cévenol offre un climat plus contrasté que les autres vignobles du département. Notamment avec de fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit, idéales pour la maturation des raisins. Sans oublier d’impressionnants épisodes cévenols ainsi que des hivers rigoureux, le tout à quelques kilomètres seulement des vignobles voisins.
Jusqu’au début des années 2010, le pays cévenol n’abritait aucune appellation d’origine contrôlée. Le territoire était d’ailleurs le royaume des vins de pays, transformés en fameuses Indications Géographiques Protégées il y a un peu plus de 10 ans (vins de pays des Cévennes, du Gard). Il y avait certes un syndicat des vins d’Uzès dans les années 1980, puis un VDQS Duché d’Uzès dans les années 2000, mais il a fallu attendre 2013 pour voir la création de l’AOC Duché d’Uzès. Rattachée au grand vignoble de la vallée du Rhône, cette AOC est considérée par certains comme « l’élite » du coin, la fierté locale en quelque sorte. Vins rouges, blancs et rosés aux accents rhodaniens sont élaborés par une quarantaine de domaines sur son aire d’appellation. Son vignoble, d’une dimension de 285 hectares, est réparti sur 77 communes autour de la célèbre ville et partage une bonne partie de son territoire avec 3 autres IGP, Pays d’Oc, Gard et Cévennes, cette dernière étant la plus représentative du vignoble.
L’IGP Cévennes : l’appellation du pays cévenol
C’est dans l’ancien territoire du vin de pays des Cévennes, devenu en 2011 IGP Cévennes, qu’une partie des vignerons a décidé de s’organiser. Regroupés en ODG (organisme de gestion) comme dans une appellation, l’organisation a même investi dans la création d’un site internet et d’évènements de communication, actions rarissimes pour une IGP. Environ 1 700 hectares de vignes sont déclarés en IGP Cévennes. Ce sont près de 60 caves indépendantes et 20 caves coopératives qui sont réparties sur le vaste territoire d’une quarantaine de kilomètres de largeur, de Saint-Quentin la Poterie à l’ouest à Saint-Hippolyte-du-Fort à l’est, proche de la frontière avec l’Hérault. Les vignes bénéficient de sols disparates avec la présence de schistes et de sédiments via la plaine alluviale du Gardon.
« Tout est organisé pour obtenir davantage de qualité »
Voici les mots du directeur de l’ODG Danny Peregrine nous racontant que l’objectif de l’IGP n’est pas de faire du volume pour la grande distribution, ni même d’être enfermé dans un carcan comme peut l’être une appellation. La garantie de l’IGP Cévennes : proposer des vins de vignerons. L’AOC serait-elle devenue un concept en perte de vitesse ?
Mais alors comment est-ce possible ?
« C’est le résultat d’un cahier des charges plus flexible notamment sur l’utilisation des cépages ». Grenache certes mais aussi cabernet-sauvignon, cabernet franc, gamay, sauvignon et autres terret blanc. L’ODG est aussi le premier à avoir planté des cépages résistants (Vidoc et Floréal) sur le territoire. Résultat, une clientèle conquise avec 80 % des ventes réalisées localement.
« On a un meilleur terroir qu’au sud de Nîmes mais nous sommes moins célèbres que les autres » Claude Jeandrot, vigneron du domaine de Cressance louant les mérites d’un sublime terroir pour cultiver la vigne.
Finalement le pays cévenole pourrait se résumer à ses deux appellations : Duché d’Uzès et IGP Cévennes, proposant des vins de qualité. Des vins aux influences rhodaniennes et cévenoles, voici toute la force de ce vignoble. C’est un endroit à part, offrant plus de diversité climatique et géologique que les autres appellations du Gard. Le pays cévenol est un vignoble partagé entre vallée du Rhône et Languedoc avec pour seul point commun le soleil méditérranéen.
L’aventure du Mas des Justes
S’il y a bien une entreprise viticole qui révèle la montée en puissance qualitative dans le pays cévenol, c’est bien celle du Mas des Justes. Créée à l’initiative de la cave coopérative de Saint-Maurice de Cazevieille, le Mas des Justes est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) tenue par plusieurs sociétaires, dont la culture des vignes et la vinification sont gérées par la cave coopérative de Saint-Maurice. Le Mas est un tout jeune domaine viticole dont la production est classée en IGP Cévennes. Il est situé dans la ville de Saint-Just-et-Vacquières à quelques encablures d’Alès et à deux pas du Mont Bouquet.
C’est l’histoire d’un petit vignoble de 13,50 hectares laissé à l’abandon et repéré par la cave de Saint-Maurice. « Il fallait faire quelque chose de ces vignes » voici les mots de Romain Rigon, le président du Mas des Justes. Interrogé par téléphone (Covid oblige), il nous informe que le domaine doit être une vitrine du savoir-faire viticole dans le pays cévenol. “Avec plus de 200 sociétaires, ce sont autant d’ambassadeurs qui permettront l’embellissement de notre vignoble”.
Le Mas des Justes produit d’ores et déjà deux cuvées : un vin rouge et un vin rosé. Mais c’est aussi une culture de ruches, un projet d’agroforesterie, des synergies diverses avec d’autres cultures, le jeune domaine est même en route vers la biodynamie… comme quoi les « caves coop » ne font pas que de la quantité !
Encore une belle preuve que le vignoble cévenol, représenté par l’IGP Cévennes, monte en qualité, est dynamique et ne manque pas d’idées !
Découvrir l’aventure du Mas des Justes en cliquant ICI.
Des rosés savoureux très intéressants
Arrivés en pleine canicule, c’est l’envie d’une fraîcheur bienvenue qui nous a permis de dénicher de bons vins rosés. Le territoire est un vivier de vignerons proposant de sympathiques cuvées rosées. A chaque vin dégusté, ce fut une expérience unique avec des saveurs et des arômes variés. On ne le dira jamais assez mais ces vins rosés sont moins standardisés que ceux des appellations voisines gardoises et de Provence. Les vignerons ont donc la chance et la possibilité de créer des vins savoureux, originaux, sapides et digestes.
Domaine du Saut du Loup
Notre premier coup de cœur revient au domaine du Saut du Loup, l’unique cave particulière de Foissac, proche d’Uzès. Rencontrée sur le célèbre marché d’Uzès, Aline Almaric est la vigneronne du domaine et elle souhaite rester discrète. Pas de site internet, pas de réseaux sociaux, seulement le bouche à oreille et la qualité des produits pour développer une clientèle locale et de proximité, sur les étals des marchés. Certifiée à l’agriculture biologique, Aline produit un excellent vin rosé, de gastronomie et avec un poil de sucre résiduel, particulièrement apprécié avec les légumes grillés de saison. Couleur bonbon et non saumonée, ce fut un excellent rosé !
Domaine de Malaïgue
Ce domaine, l’un des plus emblématiques du vignoble cévenol, produit deux magnifiques vins rosés. Arômes complexes dominés par la rose un peu fanée, parfum de petits fruits rouges et un toucher en bouche qui ne laisse pas indifférent. Les deux cuvées Pétronille et Bélugue sont tout simplement de haute voltige et à un prix très abordable (aux alentours des 6-8 €). Le domaine de Malaïgue travaille une cinquantaine d’hectares en polyculture dont 30 sont dédiés à la culture de la vigne. Céréale, jus de fruits et vins sont produits dans un écrin de garrigues préservé par une agriculture biologique depuis 1997 et labellisé Nature & Progrès depuis 2017. L’avenir ne serait-il pas loin de la monoculture ?
En savoir plus sur le domaine de Malaïgue : https://www.facebook.com/domainedemalaigue
Domaine de Cressance
Le domaine de Cressance fut notre dernière rencontre avant de quitter le pays cévenole. Basé à Collorgues, à l’ouest d’Uzès, le domaine est tenu par Claude Jeandrot, un véritable passionné de la vigne. Ancien cadre reconverti vigneron au début des années 2000, il crée Cressance, un domaine viticole d’une quinzaine d’hectares certifié à l’agriculture biologique. Claude se recentre sur 3 couleurs, un rouge, un blanc et un rosé et c’est ce dernier qui a retenu notre attention. Un vin composé de 50% de grenache et le reste de carignan et de cinsault. L’élevage de 6 mois en cuve béton viendra offrir fraîcheur et matière à un rosé tendre, frais… de terroir.
Notre sélection de domaines
La région du pays cévenol regorge de petits domaines offrant d’excellentes cuvées. Si le domaine Lous Grezes fait office de “pape” du vin naturel dans le coin que dire de Valentin Vallès ou de Agarrus… Il faudrait écrire un livre tout entier pour décrire l’ensemble de ces domaines viticoles et tenus par des actrices et des acteurs au talent avéré. Voici la carte des domaines que nous avons sélectionnés.
Rédacteur : Willy Kiezer
Retrouvez notre dernier reportage sur Michel Guignier en cliquant ICI.
Il n'y a aucun commentaire.