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Maître Eric Morain, grande gueule du vin

Par Willy Kiezer | 6 novembre 2019 | Portraits | 0 commentaire

C’est dans une tenue décontractée et très loin du costard cravate, en sweat et basket, que Maître Eric Morain, 49 ans, m’a reçu dans son cabinet, situé dans un quartier à l’ambiance “grand cru classé” dans le Paris Haussmannien ultra-chic du 8ème arrondissement de Paris. Paradoxalement, Maître Morain ne jure que par le vin artisanal, qu’il boit et qu’il préfère à ces appellations prestigieuses. Au fil du temps, sa gouaille et ses prises de position ont fait de lui une grande gueule dans le monde du vin. Pénaliste et spécialiste du droit de la famille, l’avocat est aussi un fervent défenseur du vin naturel. Il a même écrit un livre, véritable plaidoyer, sur ce vin qui devrait normalement mettre tout le monde d’accord mais qui pourtant divise. Qui divise-t-il ? Les consommateurs, les blogueurs, les amateurs, les professionnels et même jusque dans le terroir où il est produit. Toutes les méthodes productivistes et technologiques sont remises en cause, c’est tout un système qui s’en retrouve bouleversé. Ces vignerons qui produisent du vin naturel et qui travaillent la terre sans produits de synthèse (les « fameux » pesticides) et sans intrants dans la transformation du jus, eux seuls respectent la nature en travaillant de façon artisanale, eux seuls ont gardé leur bon sens paysan ! Finalement, ils offrent des vins sans artifice, très souvent purs, expressif, et parfois même un peu « foufou ». Mais cette façon de travailler peut leur attirer des ennuis : les syndicats des AOC vont jusqu’à leur retirer le droit d’utiliser une appellation, et pire, certains les attaquent même en justice pour avoir mis le lieu de production. C’est là que Maître Eric Morain entre en lice..

Mission impossible ?

Maître Eric Morain votre mission, si vous l’acceptez, sera de défendre les intérêts de vignerons qui sont attaqués pour le simple fait de laisser pousser l’herbe plus haute que celles des autres (Sébastien Riffault – Sancerre), de plaider la cause des vignerons qui refusent de mettre des produits chimiques dans leurs vignes (Alexandre Bain – Tracy sur Loire). En quelques mots, votre mission, qui a commencé avec Olivier Cousin (Anjou – Loire), utilisateur de l’indication Anjou sur ses bouteilles de vin de France attaqué par la fédération viticole et ses pairs pour cette raison, sera de protéger et servir la dignité paysanne.

Mais pourquoi le monde viti-vinicole s’agace-t-il tant devant ce vin nature ? Il n’y a pourtant pas de quoi se mettre dans tous ses états, pour ce qui représente à peine 0,5 % de la production française. “Les détracteurs du vin naturel n’y connaissent rien, ils parlent de choses qu’ils ne maitrisent pas” s’exprime l’avocat parisien. “C’est assez simple : s’il y a des vins qui sont naturels, c’est que d’autres ne le sont pas, ou moins, et c’est cela qui dérange. La vérité dérange”. Le vin est une affaire qui fonctionne et la vigne est devenue un juteux business. Les vignerons qui utilisent encore des pesticides, les “conventionnels”, défendent leurs intérêts et montrent les crocs, par l’intermédiaire des lobbies. L’un des exemples les plus flagrants est cette interdiction de faire figurer le terme “vin nature” ou avoisinant sur les bouteilles.

Selon la définition de l’OIV, l’ONU viti-vinicole, un vin est issu uniquement de la fermentation du jus de raisin, point ! C’est pourquoi la présence de la liste des ingrédients  sur la bouteille arrive prochainement. “Je pense que c’est pour 2022, c’est une très bonne chose pour le monde du vin” réagit l’avocat. C’est sans aucun doute grâce aux combats menés par des personnes comme Eric Morain que les choses changent. Ses combats devant les tribunaux pour ses clients ont presque tous été remportés (voir Sébastien David). Selon lui, les consommateurs commencent à comprendre et à ouvrir les yeux comme le montrent les récentes études sur le vin (lien étude SO WINE) : “ça bouge dans le bon sens”. Acte concret, l’avocat a récemment participé à la création du syndicat du vin naturel, il est en plein déploiement.

Maître Morain dans son cabinet

Label

De plus en plus de cultures sont certifiées “bio” certes, mais on recense aussi davantage de label comme Terra Vitis ou de certifications environnementales (3 niveaux). En 2019, Bordeaux est la région ou le plus de certifications sont délivrées ou en cours de l’être, avec le niveau 1, 2 et le niveau 3 HVE certifiée. “Les deux premiers niveaux sont de l’immense escroquerie, ils ne changent rien” : voilà ce que répond l’avocat lorsqu’on lui pose la question de l’utilité et de l’efficacité de ces certifications. “Certains ne passent que l’audit, le numéro 1, et indiquent qu’ils ont une certification environnementale”.

Un petit tour de piste sur les certifications environnementales, mises place par le gouvernement dans le cadre du Grenelle de l’environnement, s’impose donc… Créées à la fin des années 2000, ces certifications s’établissent sur 3 niveaux avec des curseurs de plus en plus “contraignants” pour l’exploitation agricole. Quatre chapitres forment ces certifications : L’un sur la stratégie phytosanitaire (gestion des pesticides), les autres sur la préservation de la biodiversité, la gestion des engrais et en fin la gestion quantitative de l’eau.

“Ils ne changent rien” selon Maitre Morain, mais regardons de plus près. Le niveau 1 est donné aux exploitations qui entament la démarche avec simplement un audit sur leur domaine. Le niveau 2, après l’audit, permet de mettre des objectifs de moyens sur les 4 enjeux, sans obligations de résultats, juste de moyens et le label Terra Vitis est de niveau 2.Le dernier, le niveau 3, fixe des objectifs à atteindre pour réduire l’impact environnemental : L’obligation de résultat devient donc réelle. Ce niveau 3 atteint, les exploitations obtiennent alors le droit d’apposer le label HVE.

Mais alors, qu’est ce qui cloche, Maître Morain ? “Dans les trois niveaux, les produits phyto, les pesticides de synthèse sont toujours autorisés”. En effet, ces derniers sont régulés dans le niveau 3, certes, mais restent autorisés. Notre grande gueule du vin trouve que cette certification ne va pas assez loin : “le bio lui, est contraignant, zéro produits de synthèse dans la vigne et un cahier des charges bien plus rigoureux pour la vinif”.

Un plaidoyer

Début 2019, Eric Morain a sorti un livre, “Plaidoyer pour le vin naturel”. Bien qu’un peu court (et assez onéreux, 14 euros TTC pour 90 pages),  cela reste une vitrine supplémentaire pour le vin naturel,  et il est important de parler de tout cela, d’aborder le sujet des combats dans la vigne, ou celui du manquement des institutions. Et grâce à lui, les procès sont devenus médiatiques. Même si on aurait aimé, dans ce livre, qu’il en dise un peu plus sur ces vignerons qu’il a défendu.

Néanmoins, le livre cartonne et tout le bénéfice des ventes sera reversé à l’association “vendanges solidaires” (vignerons qui ont perdu leur récolte à cause de la grêle), et on ne peut que se réjouir de l’initiative !

Et « c’est encore la faute au vin nature », si ce projet d’écriture est né, avec Antonin Iommi-Amunategui, ambassadeur en chef du vin naturel et éditeur, lors d’une soirée avec quelques initiés. Pas forcément très confiant sur sa capacité à coucher sur papier sa philosophie du vin (« J’avais peur d’écrire sur la longueur »), Maître Morain a finalement réussi son pari, guidé par sa passion du vin nature (“L’écriture était limpide et rapide”). En 6 mois seulement, le livre était prêt pour l’impression, le même temps qu’il faut à une vigne pour offrir un raisin  à maturité.

Fin.


Entretien du Mercredi 23 Octobre à 11h00

Auteur : Willy Kiezer

Remerciements : Maître Eric Morain & Pierre-François Weiswald


Liens utiles :

Tout savoir sur le label HVE

Le livre d’Eric Morain chez Nouriturfu

Création du syndicat du vin naturel

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