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crédit : Willy Kiezer

Mas des Escarades : Le modèle mixte qui inspire

Par Willy Kiezer | 28 octobre 2025 | Portraits | 0 commentaire

Dans un monde viticole en pleine mutation, où la consommation de vin recule et les caves coopératives peinent à survivre, certains vignerons réinventent le modèle. Julien Bertrand, 37 ans, installé à Buisson près de Vaison-la-Romaine, fait partie de cette génération qui mise sur la qualité, la durabilité et l’équilibre de vie. À la tête du Mas des Escarades, il cultive six hectares en biodynamie, partageant sa récolte entre la coopérative locale et quelques cuvées haut de gamme réalisées à la main. Un modèle hybride, audacieux et inspirant — peut-être le visage du vignoble de demain.

Un vigneron enraciné, entre terroir et modernité

Julien Bertrand n’a rien d’un vigneron ordinaire. Œnologue de formation, passé par Châteauneuf-du-Pape, il s’installe à son compte au début des années 2020 sur les collines de Buisson, à deux pas de Vaison-la-Romaine, dans la Drôme provençale. Le cadre est idyllique : 6 hectares de vignes baignées de soleil, entourées d’arbres et de lavandes, sur un terroir d’altitude qui respire la garrigue et le calcaire.

Très vite, Julien choisit la voie de la biodynamie, séduit par sa dimension empirique et sensorielle. « C’est une terre d’observation, dit-il souvent. On apprend en regardant, en testant, en écoutant la plante. » Son domaine, le Mas des Escarades, est certifié Demeter depuis 2023, et son approche repose sur la compréhension vivante du sol : peu de travail mécanique, enherbement naturel, compost de lavande bio, préparations à base de plantes, silice et tisanes pour stimuler la vigne.

Mais ce qui fait la singularité de Julien, c’est sa façon d’articuler passion et pragmatisme. La moitié de sa production part à la coopérative — un choix assumé qui lui assure une trésorerie stable — pendant que l’autre moitié est dédiée à ses propres cuvées haut de gamme, limitées à environ 5 500 bouteilles par an. Tout est fait à la main, sans intrants, sans sulfites ajoutés, avec des élevages longs, des pigeages manuels et un travail par gravité. Ce modèle « mixte » lui permet de vivre de sa passion sans sacrifier son équilibre personnel.

Pigeage manuelle – Crédit : Willy Kiezer

Un modèle économique à contre-courant : liberté, famille et local

Dans un contexte de crise viticole où la consommation chute et où les vins d’entrée de gamme saturent les marchés, Julien Bertrand trace une autre voie. Celle d’une production artisanale, réfléchie, où le haut de gamme devient la clé de la durabilité. Car si la quantité ne paie plus, la qualité, elle, continue de séduire.

Julien incarne une nouvelle génération de vignerons qui refusent le modèle d’épuisement. Il revendique un rythme à taille humaine : produire moins pour vivre mieux. Son chai, accolé à sa maison, respire la simplicité : un lieu petit, lumineux, soigné, où tout est pensé pour concilier travail et vie de famille. Père de trois enfants, dont des jumeaux, Julien tient à préserver du temps pour les siens — un luxe que peu de vignerons peuvent encore s’offrir.

Et pourtant, son projet reste ambitieux : il s’investit dans le développement local, participe activement à l’AOC Côtes du Rhône Villages Vaison, et ouvre ses vignes au public. Son offre œnotouristique — balades dans les vignes, accords mets et vins, ateliers dégustation — attire de plus en plus de curieux, séduits par le lieu, la vue et la sincérité du personnage.

Sa démarche va encore plus loin avec une attention portée à l’écologie du geste : bouteilles consignées, cire naturelle récupérée, étiquettes biodégradables et même ensemencées de graines pour fleurir nos campagnes. On trempe la bouteille vide dans l’eau, on plante, et quelques semaines plus tard, un parterre de fleurs sauvages apparaît. Une belle idée pour prolonger le cycle du vin, jusque dans la terre.

Ce modèle, à la croisée de l’agroécologie et de la sobriété heureuse, pourrait bien inspirer le vignoble de demain. Et si l’avenir du vin passait par des milliers de micro-domaines à taille humaine, produisant des vins presque « faits main », locaux, sincères ?

Opaline : la cuvée qui fait briller le Mas des Escarades

Parmi les quelques cuvées que signe Julien Bertrand, Opaline est sans doute la plus emblématique. Un blanc rare, produit à seulement 1 000 exemplaires, à base de Viognier et de Clairette, cultivés sur un sol calcaire balayé par le mistral. Après un an d’élevage avec de légers remuages sur lies, le vin révèle une précision millimétrée et une énergie vibrante.

Au nez, des notes de fruits blancs, de fleurs et une touche d’amande douce. En bouche, c’est un vin salin, tendu et digeste, marqué par une belle fraîcheur et une longueur qui appelle la table. On retrouve cette signature du domaine : un travail minutieux, respectueux du vivant, où la pureté du fruit se conjugue à la finesse d’un vin élevé avec patience.

Opaline, c’est l’incarnation du style Bertrand : un vin artisanal, vivant, équilibré, qui raconte à la fois la nature, le temps et la main qui le guide. Le genre de bouteille qui ne cherche pas à impressionner, mais qui séduit par son authenticité et sa justesse.

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