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Michel Guignier, vieux renard du Beaujolais

Par Willy Kiezer | 8 décembre 2020 | Portraits | 0 commentaire

Il y a des rencontres et des histoires qui marquent. Des poignées de mains et des discussions qui resteront profondément gravées dans nos souvenirs. Celle de Michel Guignier dans le Beaujolais en est un exemple encore récent dans nos esprits. Par deux fois nous sommes partis à la rencontre de ce vigneron pas comme les autres. Par deux fois nous avons appris à connaître cet agriculteur unique en son genre. Michel Guignier est un vigneron-paysan replié sur lui-même, en autonomie totale. Ce vigneron indépendant refuse le carcan de l’appellation et de labels en tout genre. Toutefois certifié à la biodynamie depuis plus d’une dizaine d’années, Michel pratique ce qu’il appelle être la véritable agriculture biodynamique, le mode polyculture-élevage. Véritable loup solitaire de Vauxrenard dans le nord du Beaujolais, Michel Guignier détonne par ses méthodes à la vigne comme au chai. En route pour découvrir ce qu’était autrefois un vigneron et ce qu’il devrait être demain… En route pour découvrir Michel, vieux renard du Beaujolais.

Zoom sur le domaine de Michel Guignier

Décidément Michel Guignier n’est vraiment pas un vigneron comme les autres. Même ses parcelles ne sont pas entourées de vignes voisines et mélangées dans une triste monoculture à perte de vue. Le domaine est situé sur la petite commune de Vauxrenard, mais à l’écart de la ville. Pour s’y rendre, il faut prendre de la hauteur et s’éloigner de la vallée. Établi à Faudon, un lieu-dit de la commune, le domaine est un grand corps de ferme composé de plusieurs bâtiments. Michel et sa femme Maria profitent de l’espace avec pour seules voisines leur chienne « Belle » et la maman de Michel. 

Les 4,30 hectares de vignes sont répartis ici et là autour de la ferme, entourés de forêts et de quelques lopins de terres non cultivés. Michel a toujours été un vigneron, il n’a connu que ce métier. Son frère et lui ont repris les vignes de leur père il y a de cela plus de 30 ans et ont chacun tracé leur chemin. Au début conventionnel, Michel s’est très vite tourné vers une agriculture biologique puis biodynamique à la fin des années 1990. 

Son frère conserva le travail en conventionnel dont les vignes sont très représentatives de ce que pourraient être celles de Michel Guignier, s’il n’avait pas changé de cap. En fonction des millésimes, Michel élabore entre 6 et 10 cuvées, toujours avec le gamay, le roi du Beaujolais.

Michel Guignier, lors des vendanges 2020

Michel Guignier, un vigneron pas comme les autres

Chaque vigneronne et chaque vigneron est unique. Chaque rencontre et chaque ressenti aussi. Néanmoins, nous l’affirmons, Michel n’est pas un vigneron comme les autres, il a quelque chose de plus et nous avons des arguments : un caractère solitaire, parfois grincheux mais toujours accueillant. Un homme qui se couche après les autres et se lève avant tout le monde. Un homme qui n’a besoin de rien, si ce n’est son domaine, sa ferme et de ses vignes. Michel fait tout, avec Maria, et puis, il fait surtout du bon vin.

L’expérience Wwoofing de Valentin

L’association WWOOF France permet à tout un chacun de venir travailler dans des fermes, comme celle de Maria et Michel Guignier. En échange du gîte et du couvert, un coup de main est demandé. Il suffit d’adhérer à l’association qui répertorie des fermes en agriculture biologique ouvertes au concept partout dans le monde. Durant l’été 2019, Valentin, notre rédacteur, a ainsi eu l’occasion de vivre pendant une dizaine de jours à la ferme de Maria et Michel.

Cette expérience, la première du genre pour lui, l’a profondément marquée. Chaque jour, il a suivi Michel dans ses vignes. Chaque jour, il a un peu plus compris l’ampleur de son investissement, de son lien profond avec ses vignes, celui d’une vie. Chaque jour, il fallait mettre du cœur à l’ouvrage.

Cette expérience bouleversante, tous les « wwoofer » y ont droit. L’hospitalité de Maria et Michel n’a d’égale que la grandeur de leur investissement pour le vin.

Des paysans repliés sur eux-mêmes mais ouverts aux autres

C’est leur volonté de partager leur labeur, leur vision et leur expérience qui les poussent à accueillir des volontaires curieux venant de tous les horizons. Leur envie de compagnie, de rencontres et de découvertes les réjouit d’autant. Des wwoofer de Paris, Biarritz, Bretagne, Irlande, Italie, Portugal, Etats-Unis, Canada, Hawaï, et même des japonais sont venus partager leur vie dans ce coin reculé du Beaujolais. Certains étaient en quête de dépaysement, d’autres d’apprentissage. Un Québécois fan des vins de Michel était en wwoofing pendant les vendanges 2020 auxquelles nous avons assisté. Il a pour projet de planter des vignes dans son pays. Lui comme les autres wwoofer repartent avec une idée authentique de l’agriculture paysanne, et d’une certaine façon de faire du vin.

Les 60 heures par semaine

Vous l’aurez compris, Michel Guignier n’est pas du genre à regarder ses vignes de loin. Chaque jour, il les parcourt. Chaque jour, il prend son pouls. Chaque jour, il observe l’évolution de son environnement. C’est de cette façon qu’il est possible de travailler en cohérence avec son terroir.

En toute saison, les travaux à la vignes nécessitent des observations avant réflexion. Chaque choix est déterminant pour les prochaines étapes. C’est d’autant plus vrai en agriculture sans les filets modernes systémiques. Michel se passe de tout artifice chimique depuis plus de 20 ans. Voilà pourquoi il se doit de prévenir plutôt que guérir. Ses outils ne lui permettent pas de lutter contre le mal une fois qu’il est là. D’où la nécessité d’une grande attention pour ses vignes et son environnement.

A cette grande attention doit s’ajouter un travail manuel conséquent. Ici le tracteur ne passe pas entre les rangs. Le cheval est le seul précieux allié sur lequel compter. Conduire les quelques 4 hectares, millésime après millésime, demande un temps considérable. Michel estime faire 60 heures par semaine, même si l’on comprend qu’il ne compte pas vraiment ses heures. Parce qu’à la conduite des vignes il faut ajouter l’entretien des vaches, du jardin, des abeilles, des céréales, et autres arbres fruitiers qui constituent l’ensemble du domaine. Sans oublier la partie administrative qui pèse sur tous les agriculteurs.

Le pur jus sinon rien

Pour Michel Guignier, il serait absurde d’accumuler tout ce travail au domaine pour y ajouter quelque additif que ce soit. Ainsi, les vins du domaine sont des purs jus, rien que du jus de raisins fermenté. C’est ainsi que le terroir s’exprime, toujours selon le vigneron. Un pur jus est bien vivant. Il n’est pas sous camisole. Il n’est pas contraint et durcit, même par une dose infime de sulfite. Une substance que le vigneron de Vauxrenard sait reconnaître à coup sûr dans le moindre vin à peine sulfité avant mise en bouteille.

Notre ressenti au domaine, c’est une fraicheur incomparable. Une trame acide et minérale sur le fil se retrouve dans toutes ses cuvées. Selon lui, c’est bien la marque d’un gamay qui a grandi sur ses sols majoritairement granitiques. On constate des différences selon que la roche mère affleure plus ou moins de la surface. La “buvabilité” qui en ressort est forte, complétée par une complexité parfois fruitée, parfois florale. En goûtant ses vins en sa compagnie, Michel commente selon les dernières dégustations. Il sait ainsi quelle année est bonne à savourer en ce moment. Pas seulement selon ses goûts, parce qu’il fait d’abord des vins qui lui plaisent. C’est aussi, et surtout, selon leur ouverture et leur disponibilité. 

Il a constaté que certaines de ses cuvées s’ouvrent et se referment, selon les millésimes. Au moment où nous goûtons avec lui, en septembre 2020, les 2016 sont en pleine forme, expressifs et généreux. Il n’y a que les vins vivants qui évoluent ainsi, tout en conservant une jeunesse incomparable. Nous l’avons compris en goûtant de plus vieilles cuvées, toujours sans sulfite. A l’aveugle, comme toujours quand le vigneron nous partage une de ses bouteilles, nous avons évoqué des millésimes récents. Nous nous sommes bien trompés.

Et si vous demandez à Michel Guignier ce qu’est une bonne année, il vous retournerait la question : “Je pourrais te le dire si je sais ce qu’est une bonne année pour toi” Les goûts, les sensations et les sensibilités de chacun sont aussi variées que véritables pour Michel, qui conjugue ainsi le vivant avec lequel il interagit au quotidien.

De même pour les jours et moments propres à la dégustation. En parlant de l’influence présumée du calendrier lunaire sur la disponibilité du vin, Michel a aussi son expérience. Pour le vigneron, le vin est savoureux selon son état, qui varie selon bien des paramètres. Il termine sur ce sujet avec une analogie qui nous revient souvent dans nos discussions : “Le vin est comme toi, un matin tu te lèves et tu n’es pas bien, sans trop savoir pourquoi. Et d’autres jours tout va bien”.

Vendanges 2020 au domaine Michel Guignier (septembre 2020)

La biodynamie de Michel Guignier

Nous avions terminé notre introduction par cette phrase qui pourrait en laisser plus d’un songeur : 

« En route pour découvrir ce qu’était autrefois un vigneron et ce qu’il devrait être demain… »

Songeur car dans un contexte de réchauffement climatique et de déclin de notre système productiviste, nous allons devoir nous réinventer. Terminées les monocultures à perte de vue. Terminé l’usage des produits de synthèse. Terminé la main mise des géants de l’agrochimie sur les semences et les agriculteurs. Terminé cette perte de dignité paysanne. Pourquoi ? Ce n’est ni l’endroit ni le moment pour aborder le sujet mais regardez les conséquences de notre modèle : perte de la biodiversité, perte des écosystèmes, abeilles et oiseaux en voie de disparition, pollution des sols et des eaux, résidus de pesticides dans les vins, dans les fruits, légumes et même dans nos urines ! Mais alors comment faire à l’avenir ? Nous avons une proposition à vous faire, suivons l’exemple de Michel Guignier.

Une biodynamie totale 

Comme il y a le bio et le bio, il y a biodynamie et biodynamie. Les deux respectent le cahier des charges d’un Demeter mais l’un va plus loin que l’autre. C’est le cas avec Michel, qui ne s’arrête pas qu’aux épandages de préparations 500 et 501. Pour lui, la biodynamie doit aller bien plus en profondeur. C’est une remise en question du modèle agricole basé sur la monoculture. La biodynamie de Michel, c’est un modèle d’autonomie, global et prenant en compte l’élevage et la culture d’autres fruits et légumes. Biodynamie et monoculture sont d’ailleurs deux mots qui n’iront jamais ensemble… Pour Michel, biodynamie, élevage et polyculture sont indissociables. Alors il élève des bovins, utilise les bouses pour faire du compost et nourrir ses sols avec. Michel est aussi quasi autonome car il produit ses propres légumes, ses propres fruits, le potager étant le terrain de jeu de sa femme Maria. Voilà ce qu’est la vraie biodynamie, celle que Steiner prônait lors de son cours aux agriculteurs, en 1924. La biodynamie va bien plus loin qu’un cahier des charges, elle n’est pas ésotérique, elle est pratique, elle est bénéfique.

Les fermes étaient comme cela avant la mécanisation et le productivisme. Avant, les fermes avaient peu d’impact sur l’environnement. Le seront-elles à l’avenir ?

Zéro cuivre à la vigne

Cette façon de voir le monde a conduit Michel à agir  différemment. Cultiver c’est déjà détruire et toucher à la nature. La monoculture n’existe pas dans la nature. C’est un déséquilibre que nous créons. D’où la nécessité de se rapprocher le plus possible de cet équilibre naturel perturbé, pour une agriculture plus pérenne et résiliente. C’est ce que permet la biodynamie.. Nous devons donc apprendre à perdre un peu de rendements, “accepter que la nature vienne se servir”, que les oiseaux mangent quelques bons raisins et que les sangliers picorent de temps à autre. 

“Pourquoi vouloir toujours tout maîtriser ?”

Résultat, Michel n’a plus utilisé de cuivre depuis plusieurs millésimes. 0 gramme, c’est une prouesse ! Le système est tellement bien rodé que les vignes se défendent seules face aux agressions extérieures. Voilà ce qu’on appelle une culture propre, avec un faible impact écologique.

Le tracteur pour désherber ? Non plus. Là aussi Michel ne fait pas comme les autres. C’est avec l’aide de son cheval qu’il laboure en douceur et travaille en surface ses sols. Est-ce un retour en arrière ? oui pour les plus habitués au confort, non pour les plus cartésiens qui comprendront que nous sommes dans l’obligation de changer de modèle agricole…

Les vins de Michel Guignier

Comme énoncé plus haut dans l’article, les vins de Michel Guignier sont 100% “nature”. Aucuns procédés et intrants œnologiques sont utilisés par le vigneron de Vauxrenard. Les fermentations sont évidemment assurées uniquement par l’action des levures présentes dans le chai et sur la peau des raisins. Les vins peuvent d’ailleurs mettre plusieurs mois à effectuer totalement leurs fermentations (alcoolique et malolactique). Et comme le dit Michel, “les levures prennent leur temps pour faire le boulot, il ne faut pas les brusquer”.

Selon les années, Michel produit entre 6 à 10 cuvées dont voici quelques noms : La Petite Oseille, Au fil du temps, Granite, Moncailleux, Au bon grès, Oh… ou encore La bonne pioche.

Les vins de Michel ont pour commun la minéralité, une jolie tension ainsi qu’une grande buvabilité. Ce sont des vins uniques. La cuvée “Granite” est le meilleur exemple du caractère minéral de ses cuvées, tandis que “Oh…” est aussi facile à boire qu’une bonne eau de source. Les arômes qui s’y dégagent sont d’une grande finesse. Des vins au caractère amical et authentique à savourer eux-mêmes ou à table, accompagnés d’une belle charcuterie du Beaujolais.

Site internet du domaine Michel Guignier en cliquant ici

Rédacteurs : Valentin Méry et Willy Kiezer

Visites au domaine : Août 2019 (Valentin) – Mai 2020 (Willy) et Septembre 2020 (Valentin et Willy)

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