Discret domaine situé à Saint-Mathieu-de-Tréviers dans l’Hérault, Coste Ubesse et ses quelques hectares de vignes regardent l’Hortus et le Pic Saint-Loup. Le terroir y est fabuleux et le vin y est bon. Retour sur une belle découverte d’un domaine méconnu sur le secteur du Pic Saint-Loup.
Carte d’identité de Coste Ubesse
Après une carrière dans la réalisation de documentaires, c’est en qualité de paysan vigneron que Jean-Luc Saumade traverse la soixantaine. Fin des années 2000, il hérite des vignes familiales et fonde en 2014 le domaine Coste Ubesse. Au début, incubé au château Valcyre (aujourd’hui domaine UMA) puis au Clos des Augustins, il construit ensuite son chai au bord de la route qui relie Saint-Mathieu à Sommières, un bâtiment à la forme cubique et fait de bois, loin du style moderne de ses voisins.
Côté paysage, la route départementale 1 offre l’un des plus beaux panoramas sur le Pic Saint-Loup. En provenance de Sommières et en arrivant à proximité de la commune de Saint-Mathieu, on comprend parfaitement pourquoi la célèbre montagne calcaire porte le nom de “pic”. Seuls quelques domaines jouissent alors de cet impressionnant paysage torturé par le temps et Coste Ubesse en fait partie. C’est donc là, au pied d’une colline boisée et sur un coteau exposé face au nord (Coste Ubesse pour la côte au nord), que le petit chai et ses 3 hectares de vignes sont implantés.
Âgée de 25 à 52 ans, la plupart des syrah et grenache ont toujours connu les produits de synthèse avant qu’elles ne soient bichonnées par Jean-Luc Saumade. Fasciné par le vivant, le vigneron a converti directement son vignoble à l’agriculture biologique pour obtenir la certification en 2017. Moins de mécanisation, davantage de vendanges manuelles et aujourd’hui, le label Nature & Progrès lui fait de l’œil pour son cahier des charges nettement plus strict à la vigne comme au chai. Un label qui offre finalement plus de reconnaissance pour son travail.
Associé à Philippe Reboul, un ami de longue date, Jean-Luc cultive 10 hectares également bio sur le terroir de Saint-Pargoire, au sud des Terrasses-du-Larzac. Une production qualitative qui est envoyée à la cave coopérative de Puilacher, sauf quelques ares de sauvignon que Jean-Luc vinifie à Saint-Mathieu.
L’artisanal à Coste Ubesse, pour des vins à l’âme fatale
Le vin est parfois une affaire de sensibilité. C’est d’ailleurs ce qui fait la beauté et la richesse du breuvage d’Héraclès. Mais dans notre métier, c’est souvent la rencontre d’un ou d’une vigneronne qui est la cerise sur le gâteau, et que dire de celle de Jean-Luc Saumade ? De retour d’interview au Château Fontanès (Château La Roque), l’auteur de cet article était ce jour-là accompagné d’une caviste en visite dans le vignoble nord montpelliérain, à la recherche de petites pépites et Coste Ubesse était prospect. Et bien que cette visite ait commencé avec quelques à priori, la rencontre s’est littéralement transformée en un véritable coup de cœur. Imaginez-vous un instant passer du Château La Roque (biodynamie – 42 hectares) avec son organisation millimétrée, son chai ordonné et son caveau de dégustation au poil bien brossé, à Coste Ubesse et son petit chai en bois aux cuves de fibres de verre d’occasion posées ici et là… Mais comme le dit l’adage, il ne faut jamais se fier aux apparences et franchement tout était charmant, tout était touchant…
Les aléas climatiques
Comme tant d’autres dans le vignoble français, les aléas climatiques de ces dernières années, particulièrement impactant sur le terroir de Saint-Pargoire, ont causé des difficultés économiques : “Les vignes à Saint-Pargoire reposent sur un terroir exceptionnel mais elles ont beaucoup souffert de la sécheresse”. Des moyens financiers en baisse, COVID oblige, qui n’ont guère permis à Jean-Luc d’installer les panneaux photovoltaïques prévus ou de raccorder l’électricité au chai. Comment fait-il pour travailler ? “Je travaille de jour et je m’éclaire avec des lampes à batterie si besoin”. Pour les vinifications, pressoir, érafloir et pompe fonctionnent grâce au groupe électrogène installé à l’extérieur.
Le vigneron est également confronté à une diminution de la main-d’œuvre. Taille, travaux en vert, traitements ou vendanges : le manque de main d’œuvre oblige le vigneron à multiplier les heures et à être le champion du système D. À l’intérieur du chai, bouts de ficelles et coups de main amicaux l’accompagnent au quotidien et en flux tendu. Un temps qui devrait être consacré au développement commercial, un poste qui est un axe d’amélioration pour un vigneron qui a de quoi vendre et revendre des vins excellents.
Des vins de terroir
Côté vinification, Jean-Luc s’est formé auprès d’un ami vigneron sur Saint-Chinian, le reste sur le tas. Il n’a jamais été un extrémiste du 100% nature et a toujours assumé avec transparence ses méthodes de vinification. Depuis le début il pratique une vinification très peu interventionniste, estimant que c’est la seule condition pour faire des vins de terroir qui reflètent le millésime. En fermentation indigène depuis 2019, il ne ferme pas la porte à l’utilisation d’additifs et d’auxiliaires en cas de besoin : “si j’ai un problème de fermentations languissantes, qui risquent d’apporter des déviances ou de tuer la cuvée, j’utiliserai ce que me conseille mon oenologue comme par exemple un activateur type écorce de levure pour relancer”. Depuis le début de son aventure vigneronne, la vinification de ses rouges s’effectue dans deux cuves en béton venues de Bourgogne en passant auparavant par Valcyre et le Clos des Augustins.
Pour l’élevage, Jean-Luc laisse le temps au temps car ses jus ont besoin de se polir et de s’affiner. Parfois en barrique et souvent en cuve, ils peuvent hiberner jusqu’à 2 ans avant d’être mis en bouteille. Le style des vins est concentré, solaire mais accompagné d’une belle fraîcheur. Que dire des épices en bouche… la garrigue et la forêt bordant le domaine sur les hauteurs, il n’est guère étonnant qu’elles soient tant présentes et si élégantes. Des vins aux odeurs et aux saveurs différentes des standards, un supplément d’âme très intéressant. Au total, le vigneron et son associé Philippe Reboul, produisent environ 15 000 bouteilles chaque année et surprise, d’anciens millésimes sont toujours en vente… Les 2015, 2016 et autres 2018 n’attendent que nous !
Coups de cœur Ni Bu Ni Connu
Plan Bastit 2015 – syrah
Bien fichu en occitan pour le plus rhodanien des vins de Jean-Luc Saumade. 7 ans donc 5 en bouteille pour une élégance bue et reconnue. Épices, garrigue devancent un beau fruit qui commence à compoter !
Prix : 14 €
Moja Negra 2018 – syrah et grenache
Un panier de fruits rouges et noirs frais suivi d’une bonne poignée d’essences méditerranéennes. La bouche est suave, gourmande et portée par de jolis tanins très correctement extraits. On ressent l’exposition nord, face au pic…
Prix : 18 €
Rédacteur : Willy Kiezer
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