53% des acheteurs prennent le temps de regarder si une bouteille de vin affiche une certification environnementale lors de l’achat1. Mais savons-nous vraiment ce qu’elle signifie ? Se valent-elles toutes ? Terra Vitis se présente comme le label des viticulteurs responsables. Responsables de quoi ? A les entendre, de leurs terroirs et de leurs vignes, des gens qui travaillent sur leurs parcelles et à la viabilité économique de leurs entreprises. On ne peut que soutenir cette démarche qui paraît remplie de bonnes intentions ! Nous avons rencontré des vignerons Terra Vitis pour qu’ils nous en disent un peu plus leur label, spécifique au secteur vitivinicole. On vous partage ce qu’on a pu apprendre. Découvrez également notre article sur le label Vignerons Engagés, publié précédemment.
Création du label – une initiative régionale
C’est en 1998, dans le cœur du vignoble du Beaujolais, que l’association Terra Vitis se crée. Un groupe de vignerons se regroupe et s’interroge sur l’impact global de la viticulture : environnemental, sociétal et économique. Le but principal de l’association est de partager et de s’enrichir des bonnes pratiques de chacun pour « produire un vin de qualité issu d’une terre vivante, travaillée dans le respect et le bon sens« .
J’ai demandé à Jean-Michel Baudet, vigneron du Château Monconseil Gazin à Blaye, pourquoi il avait choisi ce label et il m’a répondu : « Dans les années 90 j’avais des problèmes d’érosion, des sols pauvres. J’avais donc besoin d’idées et de conseils pour améliorer l’état de mes vignes et je me suis rapproché de Terra Vitis. Au début, le collectif s’est construit sur une base d’échanges de bonnes pratiques entre ses membres. Puis, suite à la crise de la vache folle, la certification des produits agricoles s’est présentée comme une évidence, un gage de qualité. »
C’est donc suite à cette crise sanitaire en 2001, que s’est créé le besoin de plus de transparence. La Fédération Nationale Terra Vitis et sa certification voient le jour pour pallier à cette exigence des consommateurs. Le label s’est ensuite développé autour de sept antennes régionales : Alsace, Beaujolais-Rhône Alpes, Bourgogne Franche-Comté, Bordeaux, Loire, Rhône Méditerranée et Vignoble Champenois.
C’est un label qui, selon ses membres, a été créé « par et pour les vignerons » et qui se veut en amélioration continue et d’une exigence pointue sur la transparence. Le label est tourné vers la technique, les expérimentations en viticulture. En découle, une demande administrative conséquente car il faut tout documenter pour s’assurer d’être dans les clous. Au-delà de la viticulture, le label comprend aussi des enjeux RSE comme la santé des vignerons et des salariés, sujets très présents aujourd’hui mais dont on parlait peu il y a 15 ans !
A la différence des autres labels, avec Terra Vitis c’est le produit qui est certifié (par exemple pour le label HVE c’est l’exploitation qui est certifiée, c’est un vin « issu d’une exploitation certifiée ». Le label bio quant à lui, ne certifie que ce qu’il se passe dans les vignes et ne prend pas en compte l’impact de toute la chaîne de production. Il n’est pas nécessaire d’être certifié bio pour avoir le label Terra Vitis. Les vignerons présents ont évoqué le fait que les autres labels peuvent parfois présenter des impasses techniques, avoir des influences commerciales et préfèrent s’assurer de l’indépendance de leur label. Ils sont entre 5% et 10% à avoir la double certification bio et Terra Vitis.
Après quasiment 25 ans d’existence, le label compte aujourd’hui 1924 adhérents dont 1842 vignerons récoltants (95%), 61 caves coopératives (3%) et 32 négociants (2%). Il y a eu une augmentation de 35% des adhérents depuis 2020. Ils représentent 45 000 hectares soit 5% du vignoble français et produisent 300 millions de bouteilles. Un adhérent du label possède en moyenne 24 hectares.
Terra Vitis c’est donc « une association de viticulteurs et vignerons passionnés et engagés dans une démarche de viticulture responsable; une certification de viticulture responsable, reconnue par le Ministère de l’Agriculture et également une marque déposée et protégée en France, en Europe ou encore aux Etats-Unis, reconnaissable à son logo.«
Fonctionnement du label
C’est au niveau national que le cahier des charges est harmonisé. Les problématiques régionales sont remontées en commission. L’ensemble des points sont évalués lors d’un séminaire technique par des techniciens salariés qui font l’animation du réseau et les formations des adhérents. Ils se font également accompagner par les Chambres d’Agriculture ou l’IFV sur certaines problématiques. C’est ensuite le Conseil d’Administration qui choisit les sujets qui seront priorisés annuellement.
Il n’y a pas de financement extérieur, ce qui explique la croissance mesurée du label. Les seuls revenus sont les cotisations des adhérents qui varient selon les régions mais tournent autour de 500€ par an. Elles servent principalement à payer les certifications, puis les animateurs du réseau et faire un peu de communication.
La certification est établie par un organisme externe (l’entité dépend des régions : Afnor, Certipaq ou Ocacia). Le label Terra Vitis est l’unique certification nationale de viticulture responsable reconnue par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Label spécifique au secteur vitivinicole, c’est la seule certification qui s’applique au produit, au procédé et à l’entreprise.
Cahier des charges
Le label ne certifie pas qu’une seule pratique, il certifie une démarche responsable qu’il s’agisse des achats, de la gestion des déchets, de la gestion du bilan carbone… L’idée étant donc d’être responsable face à son impact sur son environnement. Leur cahier des charges, étendard de leur sincérité, repose sur 3 piliers en faveur du développement durable : environnemental, sociétal et entreprise.
Ce qui est intéressant par rapport aux labels est que les vignerons doivent appliquer le cahier des charges Terra Vitis sur la totalité des surfaces en vigne de leur exploitation. Le label a un système de justification fort. Ses membres avouent continuer à se poser des questions sur leurs pratiques : pourquoi utiliser ce pesticide ? A quelle quantité ? A quelle date ?
Le cahier des charges se compose de 80 points de contrôle avec trois niveaux de conformité que le viticulteur doit respecter pour avoir la certification pour le millésime en cours. Les exploitations sont contrôlées chaque année par les organismes extérieurs indépendants qui leur remettent ensuite les certifications. Les points de contrôle sont répartis en huit chapitres dont : trois dédiés à la viticulture (fertilisation des sols, utilisation phytosanitaire, gestion de l’irrigation); trois au maintien d’un environnement sain (protection des zones sensibles et de la biodiversité, gestion des déchets et des produits phytosanitaires), un sur les enjeux sociétaux (santé et sécurité au travail) et un à la gestion de la vinification (assurer l’hygiène et la sécurité en cave et gérer la récolte et son itinéraire oenologique durablement).
Mettant en avant leur esprit pionnier, le cahier des charges du label est revu tous les ans. Par exemple en 2020, une nouvelle exigence environnement est entrée dans le cahier des charges, celle de l’intégration des critères HVE et la mise en place d’un audit couplé.
Exemples de pratiques concrètes promues par Terra Vitis : entretien des vignes et des chemins pour lutter contre l’érosion ; utilisation de l’eau de pluie plutôt que l’eau de ville; installation de panneaux solaires; revalorisation des déchets; ancrage local (choix de fournisseurs locaux); sobriété du packaging…
Un label toujours peu reconnu mais qui évolue rapidement
(étude réalisée par l’institut CSA par Millésime Bio-2022)
Le label Terra Vitis a mis du temps à se faire connaître, aujourd’hui encore seulement 19% des français reconnaissent le label. C’est quand Maison Castel a été certifiée Terra Vitis que le grand public a surtout entendu parler du label. Ils ont fortement influencé au développement de la communication et du marketing du label.
Il y a trois ans, l’association a également changé de logo pour être plus reconnaissable et plus cohérente sur leurs messages. En France, 71% des sondés connaissant les labels bio estiment qu’ils renforcent la confiance2. Et pour ceux qui doutent encore de l’impact d’un label sur l’achat des consommateurs : quand le logo Terra Vitis a été mis sur leurs bouteilles, cela a augmenté leurs ventes de 10%. Impact commercial non négligeable !
Les enjeux de 2022 étaient d’améliorer la vie des sols, d’avoir des sols vivants, plus riches et vigoureux pour avoir une meilleure vigne. Pour cela, ils ont cherché des alternatives aux labours et aux désherbages. Par exemple, la fertilisation des sols avec les semis de légumineuses, comme ces dernières restitueront de l’azote aux sols, est une nouvelle alternative que le label a exploré cette année.
Pour 2023-2025, leurs voies de réflexion se porteront sur la gestion de l’eau, de l’énergie, du carbone, les achats responsables et l’éco-conception. Leurs prochains enjeux se portent notamment sur la technique, l’évolution de la démarche Terra Vitis, du cahier des charges, des outils disponibles afin d’accompagner les adhérents Terra Vitis vers une démarche toujours plus responsable. Mais également la communication, l’amélioration de la visibilité, de la lisibilité et de la notoriété de la démarche Terra Vitis auprès des cibles professionnels (prescripteurs, intermédiaires) et des cibles grand public, grâce à des actions diverses de communication responsable.
Démarche intéressante qui doit encore se démarquer et aller plus loin
Selon nous, le label Terra Vitis est intéressant car il englobe plusieurs dimensions (produit, fabrication et gestion de l’entreprise) et il a un cahier des charges évolutif. Cela lui permet de constamment se remettre en question et d’aller plus loin dans ses engagements. Leur fonctionnement, bien que très procédurier, semble en valoriser les bonnes pratiques de ses membres. Cependant, pourquoi seulement se limiter à la réduction de produits de synthèse ? Pour nous, la démarche devrait assurément d’ici quelques années aller plus loin sur leurs interdictions. Car, malgré le fait que les produits phytosanitaires ne soient pas privilégiés par le cahier des charges et qu’il incite à utiliser les moins impactant possibles pour l’environnement et la santé de tous, ils ne sont à l’heure pas interdits.
- En viticulture : toutes les spécialités commerciales classées toxiques ou CMR1 (Classées Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques) sont interdites. L’utilisation des spécialités commerciales classées CMR2 (Suspectées Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques), toutes cibles confondues, est limitée à un IFT (une fréquence de traitement) de 3 pour la campagne 2022, et réduit à 2 pour la campagne 2022, 2023, 2024, lissé sur 3 ans.
- En vinification : les vins Terra Vitis ont des teneurs maximales en SO2 qui doivent se situer 30 mg/L en dessous des teneurs légales (RCE).
En résumé, c’est un label dont l’évolution, en fonction de son appropriation par les vignerons et l’orientation de ses engagements, est à suivre avec intérêt !
Pour en savoir plus sur le label : https://www.terravitis.com/
1.Baromètre SoWine 2022
2.Etude de l’institut CSA par Millésime Bio-2022
1 commentaire
Le titre du tableau récapitutatif de l’enquête CSA est trompeur: il ne s’agit pas des ‘labels bio les plus reconnus », mais de labels avec des promesses différentes, dont le label bio.