Dites. C’est moi ou l’actualité dans le monde du vin titille un peu notre féminisme ces derniers mois ?! En attendant la date de sortie du vaccin antisexisme, voici un état des lieux de situations ordinaires, périlleuses, amusantes ou exaspérantes. Trop courte pour être exhaustive, trop longue pour nos cadences effrénées, cette balade jalonnée de résistances sexistes dans le monde du vin est un rappel que rien n’est acquis. Une invitation à observer nos comportements et les corriger au besoin. Un vœu de liberté, de transmission et d’inclusivité. Ami lecteur, n’entre pas sans désir. Amie lectrice, ne sors pas sans plaisir : celui d’être vue, entendue, comprise, affirmée. Retour sur les derniers chapitres d’une fable contemporaine : “La femme, le stupidus et l’homme nouveau”. Je vous promets même une fin heureuse (après quelques griffures et bonnets d’âne).
À grignoter d’une traite ou en plusieurs fois, selon l’appétit.
[Disclaimer : Il paraît essentiel de préciser en préambule que cet article, son sujet et la personne sont d’essence différentes. L’article est humoristique, le sujet est grave et la personne est fort joyeuse. Cet article ne reflète pas mon humeur les autres jours de la semaine. Il tente de résumer l’homme en trois catégories : le stupidus, le collabo et l’homme nouveau, à des fins philosophiques uniquement. Toute ressemblance avec des femmes phénoménales est volontaire. Toute ressemblance avec des hommes nuls serait purement fortuite et ne saurait déboucher sur une quelconque action en justice].
Lourdeur et déclin
Je confesse ici mon penchant pour le “gros lourd”.
Sans être inoffensif, il a le mérite d’être rapidement décelé dans une foule colorée.
Ce vieux-mondiste, paraissant ne pas remarquer comme sa foule se clairseme, poursuit son sport quotidien : caqueter son avis sur la femme* (* la femme : entité insaisissable et surnaturelle).
J’y vois les soubresauts d’un vieux monde sur le déclin.
Je ressens donc la même empathie que pour un Néandertalien dans le métro, scrutant, yeux écarquillés et fémur d’ours à l’épaule, tous ces Homos et Nanas Erectus.
(Je rappelle que certains paléontologues réclamaient le classement de l’homme de Néandertal en Homo stupidus… Ce qui ne surprendra personne au spectacle des simagrées qui suivent).
Tout le sexisme que j’aime : le blues du monde du vin
Dans le monde du vin (aussi), le stupidus évalue la femme, ses compétences, interprète ses propos, adoube ses engagements, réprimande. On continue d’entendre condamner un collectif à velléités féministes « parce-que tu comprends, elles sont trop énervées« .
Le stupidus est un peu lâche, finalement peu à l’aise avec la femme et vraisemblablement avec lui-même et trimballe un fantasme auquel elle doit se conformer.
Il faut donc être douce, diplomate et d’une humilité à faire pâlir un bâtisseur de pyramides pour obtenir son assentiment.
“Cette fille est pleine d’humilité”. Ne serait-il pas plus honnête de dire : « Je ne me sens pas menacé par cette femme » ?
Pourquoi ce vocabulaire récurrent autour de l’humilité ? La femme serait cantonnée à la souplesse, à la douceur parfois inaudible afin de dorlotter le stupidus dans son autosatisfaction. Sortie de ce cadre, le stupidus la trouve menaçante, “agressive” (un mot qui en dit plus long sur celui qui le prononce que sur toutes les femmes du monde).
Lorsqu’elle a des opinions et le courage de les énoncer, la femme est imbue d’elle-même.
Pourtant le vin, c’est souvent une question d’opinions. En télé comme en radio, on invite volontiers un homme un peu gouailleur, d’un aplomb de cathédrale, pour parler de ce sujet sérieux. On ne badine pas avec le patrimoine.
Je me régale de les écouter, mais je connais des femmes tout aussi savoureuses. Que l’on invite aussi, c’est désormais obligatoire – et avec naturel, on leur demande plutôt de nous raconter l’origine de la paupiette.
Personnellement, je n’attends pas d’une vigneronne, d’une sommelière qu’elle soit humble ou douce. J’attends d’une personne qu’elle soit compétente, franche et généreuse dans sa transmission. Des opinions catégoriques, des voix qui s’envolent ? Oui, si le propos mérite notre attention.
Malgré tout, le progrès est là : le stupidus est en perte de vitesse, la messe est en cours. Il lui faut donc trouver de nouveaux moyens pour briller, la provocation ou le rire gras faisant de moins en moins d’émules.
Aux promoteurs de leur propre importance (et accessoirement du vin industriel) qui souhaitent affirmer leur supériorité… Exprimer leurs opinions catégoriques et assurer leur règne incontesté : Qu’ils deviennent talentueux !
En attendant ce jour où le stupidus redeviendra indispensable, la femme trouve peu à peu sa, ses places dans le monde du vin.

Stupidus stupidus
J’ai récemment mis en cause les piètres qualités organoleptiques d’un vin technologique, dans un groupe d’amateurs. A mes arguments, un ancien spécialiste du tableur excel fraîchement reconverti dans le vin, répondit : “pauvre petite chérie, tu t’en remettras”.
Voilà l’étendue du propos technique ou passionné du stupidus, croisé trois fois dans ma vie. On débat avec les armes dont on dispose…
A 20 ans, j’aurais ri poliment. Mais les fusibles de la femme douce ont leur limite quand certains cultivent l’art d’allumer la mèche. La Covid ayant contraint son établissement à la fermeture, elle dispense à ma main de quadra d’aller y trouver sa joue* (* c’est une figure de style, on ne frappe pas les simples d’esprit).
Ces techniques de décrédibilisation axées sur notre sexe, toutes ces heures consacrées à surveiller, commenter, houspiller – au lieu de bouquiner et se parfaire…
Car pendant que le stupidus évalue et décortique la femme, personne ne s’aperçoit qu’il est un peu niais et peu compétent.
Les-hommes-les-vrais, qui soutiennent la femme de plus en plus vocalement ces dernières années, ont confiance en eux sans être portés par d’autres.
Le stupidus lui, se plaint souvent d’être examiné à la loupe, craint qu’on ne le surveille. Il est pourtant extrêmement loquace. Il est tout rouge dans les salons et parle à plein volume, confondant bruit et autorité. On le retrouvera plus loin, taxant sa collègue “d’hystérique”, “d’emmerdeuse” ou de “débutante”.
Les propos qu’il évite face à un homme, de peur de représailles, ce harcèlement banal au moindre désaccord, on le rencontre sur les réseaux sociaux où chaque publication indigne une fibre de son petit corps agité.
C’est toujours le même menu en trois services :
- Entrée anodine : interpréter un propos sur la base d’une insécurité quelconque (une femme communique sa réussite)
- Plat nécessitant résistance : se sentant provoqué, maltraiter l’ennemie imaginée (publier une caricature grotesque ou un commentaire injurieux)
- Dessert plombant : nier tout en bloc (“quel rapport avec Poulet-Rautiz, c’est tout de même honteux”)
- Digeo’ offert : se victimiser (“on ne peut plus rien dire, c’est la chasse aux mâles blancs, ouin-ouin* ”) (* copyright Sandrine Goeyvaerts sur le ouin-ouin).

Stupidus schizophrenus
Non content d’être anachronique, le stupidus est schizophrène. Attention les yeux, Delphine Aslan fondatrice d’Oenologouine est critiquée pour ses dégustations en “mixité choisie”. Un concept jumeau de la discrimination positive : tout aussi nécessaire jusqu’à parvenir à l’équilibre.
Du petit cercle de dégustateurs initiés, aux gentlemen’s clubs anglo-saxons, de tous temps, leurs règlements furent motivés par l’envie de se retrouver entre soi.
Mais si la femme se le permet, c’est une provocation relevant du soufflet.
L’impunité du sexisme dans le monde du vin
Au fil des récents soubresauts sexistes dans notre profession, on a pu rapidement identifier ceux qui ne craignaient rien pour leur place, se protègent et se choisissent entre eux. Ce petit bouillon de culture consanguin.
J’aimerais évoquer deux exemples non exhaustifs, que nous nommerons Vincent Poisson et Michel Butâne pour la circonstance.
Le premier, (hater, pardon) blogueur, commente à l’issue d’un article bilieux sur (les femmes l’ayant rejeté plus jeune, pardon je suis incorrigible), sur les-créatures-à-forte-poitrine-utilisant-le-vin-comme-outil-frivole-d’auto-promotion : “Le Tweebunal graisseux des poissardes, je l’encule à sec, avec du gravier et du piment d’Espelette”.
On notera l’absence regrettable :
- d’acte créatif dans cette réplique largement inspirée des Démons de Jésus
- de son CV sur la plateforme Vitijob
Le second (Michel Butâne, donc) continuait de cracher son venin sur les réseaux en pleine vague de protestation aviaire. “Encore faut-il savoir lire” écrivait-il notamment à une internaute courtoise (spécimen rare et donc précieuse). Cliqueur compulsif, on me dit qu’il a préféré s’offrir un nouveau clavier qu’opter pour la moindre maturité.
L’arrogance toute-puissante. Quelques grammes de cette assurance déplacée chez la femme et elle serait immédiatement qualifiée d’hautaine, méprisante et j’en passe.
Affichant son soutien à Fleur Godart en dénonçant un sexisme crasse et idiot (ça se passe de guillemets tellement on est d’accord), la caviste-sommelière-autrice Sandrine Goeyvaerts reçoit une pluie d’invectives poisseuses. Ces enfants malfaisants testant leur pouvoir de destruction sur un camarade, atterrissent rarement dans le bureau du proviseur. Une cagnotte solidaire fut donc démarrée fissa par le compte insta Paye_tonpinard pour permettre à Sandrine et Fleur d’entamer une action en justice. On leur souhaite de parvenir à ébrécher cette sacro-sainte impunité.
Pendant ce temps-là, au paradis… Pour ces hommes à la situation bien établie, les conséquences sont rares et n’entraînent donc aucune notion de responsabilité. Le propre de l’immaturité est d’exploiter cette brèche.
Non attendez, on me dit dans mon oreillette qu’une forme de regret aurait été publiée deux bonnes semaines plus tard par son associé, visant essentiellement à rejeter la perception de cette caricature par la femme (une fois est bien coutume) et à opposer un argument irréfutable : “je ne suis pas sexiste, la preuve j’ai une amie femme”.
Une minute de silence s’impose, motivée par la consternation ou le respect, c’est selon.
Oui. Il subsiste dans notre profession quelques personnages toxiques, de petits hommes rageurs et bouillonnants, maintenant à bout de bras un velours mité autour de leurs frêles épaules. Il en existe encore, pour présenter leurs stagiaires devant un client “Venez ici, mes petites pucelles !” (true story).
Messieurs, s’il vous plaît. Ressaisissez-vous, vos fils vous regardent. Aujourd’hui ce sont eux nos modèles. Tout fout le camp.
“Girlwashing”, la face sournoise du sexisme dans le vin
Ce sexisme pur et dur, celui qu’on a vu ressurgir des caniveaux lors de la fameuse affaire “Vins & Volailles” a pour (seul) mérite d’être moins insidieux que sa version 2.0.
Car pour que ces anachronismes puissent subsister, le concours d’une lâcheté bienveillante est nécessaire. Entre en scène le collabo.
Le collabo n’en pense pas moins mais il est plus malin et meilleur communiquant.
De même que le “greenwashing” récupère les codes d’une viti éthique et vinif authentique pour écouler du vin industriel, certains groupuscules pratiquent le “girlwashing” : récupérant l’image de la femme et les apparences de la mixité.
Ces équipes brandissent en estampille des femmes très polies et peu loquaces, espérant qu’elles décorent en prenant peu de place et lèvent le doigt pour s’exprimer.
“Mesdames, rejoignez-nous, votre présence est bienvenue” (fin de citation : “…pourvu que vous rangiez le cerveau dans une boîte à chapeau” ).
Place à la subtilité : de ce côté planqué de l’iceberg sexiste, la femme est tantôt ignorée, adoubée, félicitée, ré-expliquée. Ses accomplissements sont récupérés, on se targue de la connaître. En off, on lui parle comme à une enfant demeurée, un être fragile, une cousine dérangée.
Je préfère encore un collectif d’hommes (oblitérant une large partie de la population et de la profession) comme il en pullule chez les observateurs-du-vin, que l’invitation opportuniste d’une nana qu’on s’emploiera ensuite à interrompre à tout bout de champ ou à “mecspliquer* ” (* répéter exactement la même chose, voire moins bien, voire se l’approprier).
Autres signes particuliers du collabo :
- Traiter la femme avec amitié en fonction de son nombre d’abonnés
- Etre systématiquement plus enclin à mettre en valeur une femme aux compétences moins “menaçantes”, qu’une ampélographe érudite ou une caviste brillante
Femmes de tempérament, “on se lève et on se casse” (et en rentrant chez soi, on se rejoue Haenel et on relit Despentes).

Vertige opportuniste
Enfin, l’opportunisme ambiant autour de la question de la femme consiste à se saisir de ce sujet brûlant, pour le traiter une fois encore à travers un prisme masculin. Le collabo adore prendre la parole, c’est son gène en commun avec le stupidus (qui consacrerait volontiers une vie entière à légiférer sur le corps de la femme, ses droits et ses devoirs).
Chers collabos, on ne peut pas tout avoir. Si vous n’êtes pas prêts, humainement ou intellectuellement, à faire partie d’un tout, inutile de ratisser large en affichant de la joue rose et de la voix douce.
On l’entend parfois même féliciter (comme on tapote la tête d’un enfant) la femme dénonçant le stupidus. Je comprends son soulagement, d’être encore relativement imperceptible. Mais ce “bon pour accord” continue d’occuper les sphères supérieures du débat. Descendez de la chaise d’arbitre et écoutez. Respirez nos expériences. Jouez le match avec nous.
Sexisme, langue & tannins
Si l’on veut aborder la question de l’invisibilisation de la femme dans le vin, il faut s’arrêter un instant sur cet outil de domination et de privilège : la langue française.
L’invisibilisation dans les médias, dans les récits, dans les articles où la femme dirigeant un domaine n’est parfois même pas citée aux cotés de son compagnon – naît sur nos langues.
Ce grand muselage débute au 18ème siècle, après la Révolution Française et la création de l’Académie française. Une académie dont la mission consiste à faire évoluer la langue en parallèle de la société mais qui sert régulièrement des desseins antipodiques.
S’opère à l’époque, une disparition systématique du féminin : “ambassadrice” n’est plus une profession mais une épouse.
(Rappelons qu’avant cela dans la noblesse, les hommes avaient la guerre et les femmes tenaient salon : maîtrisant les arts, la philosophie, le débat).
Ignorer pour mieux régner. Aujourd’hui encore, on biaise notre perception de ce sabotage savamment orchestré en prônant la féminisation de la langue, alors même qu’il s’agit de la démasculiniser.

Je fais volontairement abstraction du “vin féminin” et du marketing “pour vous, les femmes” (sujets bientôt épuisés grâce à mes consœurs engagées, au rang desquelles figurent en bonne place le podcast Coup de Canon d’Eva Baginski et la fameuse Sandrine G) ainsi que du “vin qui a de la cuisse” (Louis de Funès étant une idole au-dessus de tout soupçon).
La pensée découlant directement du langage, la petite fille moderne qui entend désormais dès son plus jeune âge les mots “Meilleure” et “Sommelière’” jumelés, grandit dans l’évidence de tous les possibles.
L’espoir est permis, bien qu’iI se trouve encore quelques cancres pour qualifier Vanessa Massé de “meilleur sommelier”. Distinguée du Prix de la Sommellerie 2021 par le guide Michelin, il suffisait pourtant de recopier le titre.
La femme aussi trébuche parfois sur son propre titre et parle d’elle-même au masculin.
Que voulez-vous, la tradition. Si le masculin l’emporte encore, il ne fut jamais neutre.
Le péril jeune
Arrive le moment épineux de parler des “jeunes vieilles”.
Car Vincent Poisson est parti d’un constat jubilatoire pour lui : certaines femmes n’existent qu’en version “male gaze”.
Influenceuses auto-proclamées*, elles ne se penchent sur notre boisson-totem que le corsage ouvert (* je vous rassure, j’en ai autant au service des “Influenceurs”, mais nous reparlerons plus tard de cet épiphénomène).
Elles sont allées au bout du préliminaire culturel que constitue l’élection d’une main pour y déposer la carte des vins. D’un instrument de virilité et de supériorité, elles ont fait un objet frivole et alléchant. Imaginez l’indignation.
Encore peu habituées à être écoutées ou louées pour leurs compétences, palais et passion, les “jeunes vieilles” se conforment malgré leur âge à une vision passéiste de la femme et obéissent au “syndrôme de la boîte à chapeau”.
On peut déplorer ces efforts colossaux pour construire personnalité ou estime de soi sur un empilement de clivages et bouche pulpeuse. C’est surtout l’affichage d’une fragilité, d’une représentation incertaine, d’une individue qui n’a pas encore trouvé sa passion, son talent, ses capacités surnaturelles mais qui a déjà tellement, tellement besoin de s’exprimer.
« Je ne suis pas d’accord avec vos cuisses, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de les montrer”
Voltaire
Il faudra que jeunesse se fasse…
En attendant, elles renversent les attentes et fantasmes en outil marketing.
Lorsque cette clientèle aura disparu, la jeune héroïne changera de costume.
Dernier effet pas cool : que peut-il arriver de pire si vous vivez de l’assentiment patriarcal ? Manquer de cette fameuse humilité. Résultat, la femme encore jeune dans le monde du vin, se confond en courbettes et en excuses. C’est comme ça qu’on l’aime, qu’on l’accepte et qu’elle inspire même l’envie de la prendre sous son aile (car le stupidus et son collabo ne sont pas mauvais bougres : rassurez-les et ils vous adoreront !).

L’homme nouveau
“Tu dessers ta cause !”. (Le stupidus pense que la femme ne concerne que les femmes).
“Je suis de ton côté !”. (Le collabo est contre l’intimidation et la domination ? Trop chouette).
Mais il n’y a pas de “côté” à ce ruban infini.
Ne perdons jamais une occasion de rappeler que le mot “féministe” est rendu superflu par celui “d’humaniste”.
De même que l’universalité du poème “le mot Nègre” d’Aimé Césaire me saisit aux entrailles, toute Blanche que je suis, oui un homme peut comprendre la femme.
Cet homme nouveau marche parmi nous. Sinueux et complexe comme son homonyme artistique, il est sensible et fait d’arabesques. Il a le bon sens d’être gêné dans son bonheur par l’injustice et tient en horreur la malhonnêteté intellectuelle.
Il est le partenaire idéal, plus bouleversant que Verlaine et plus captivant que Tom Selleck : le partenaire silencieux.
Il soutient, relaie, écoute, laisse la parole, le champ libre. Il rend la visibilité qui manquait, questionne ses potes, interroge nos pratiques à tous. Il se sacrifie parfois, il sait que c’est temporaire et estime nécessaire de rendre un peu d’équilibre au monde.
Derrière chaque femme mise en lumière pourrait se cacher un homme généreux, un homme de l’ombre.
Ils sont avocat, éditeur, formateur, sommelier-caviste, prof… Ces humains lucides, déterminés à faire avancer les choses, acceptent de s’examiner sans complaisance. De revoir certains jugements ou comportements passés et d’évoluer ensemble.

Petit manuel écrit chaque jour par l’homme nouveau (à l’usage du stupidus et du collabo) :
Avant de choisir, recruter, promouvoir, inviter spontanément un homme : imaginer la femme et l’inclure dans l’équation.
Vérifier chaque matin la mixité de ses équipes, articles, pensées, de son pouls et de ses chaussettes.
Renoncer à la condescendance, aux adoubements et aux “mecsplications”.
En cas de jalousie ou frustration intense, renoncer à l’intimidation et envisager de se taire.
Renoncer à toute autorité “naturelle” (sauf à être le plus qualifié dans l’assemblée et disposé à le prouver à l’aide d’un polygraphe et d’un QCM à 823 inconnues).
Lorsqu’on est pas d’accord, accepter le débat (dans les limites définies par les points précédents).
Nous sommes multiples et la moitié de tout
Animées d’un trait évolutionniste commun, les femmes sont résistantes à la douleur et aux contrariétés. Hormis Madame Bovary. Mais le reste de nous est animé d’une pulsion de vie pouvant confiner au meurtre.
La femme du Vin en aime plusieurs (même tanniques), elle est multiple, elle connaît sa gamme, elle maîtrise le game… Elle est Vinigame.
Elle affiche plus volontiers des bouteilles et des domaines que sa silhouette, et décline tout rôle de potiche. Elle s’exprime avec précision et assurance, ne manque ni de palais ni d’aplomb. L’humour et le détachement seraient un plus. Et surtout, surtout, elle pratique quotidiennement la sororité.
Cette résistance Vinigame est en marche. On va me reprocher de galvauder cette métaphore filée mais la femme ne vit-elle pas sous occupation depuis plusieurs siècles ?
De monnaie d’échange entre familles, au travail non rémunéré dans le bar du conjoint, en passant par l’invisibilisation de ses accomplissements. De l’octroiement des rues jusqu’aux plus petits passages, la patrie n’est-elle reconnaissante qu’aux seuls “grands hommes” ?
Pour conclure, je vous aime
J’aime les femmes complexes et passionnantes qui jalonnent mon parcours. J’aime les hommes sauvages et libres qui ponctuent nos propos. J’aime le progrès et la mixité sociale.
J’aime les initiatives comme Filles de Vignes ou Girls in Food qui braquent le projo sur les actrices du vin. Ou la vibrante Palette proposée par Ghita Taghi pour éclairer les minorités dans nos métiers.
Inutile de s’arrêter à la femme : ouvrons les vannes, le monde du vin demande du sang neuf, des peaux bleues, vertes, des accents bariolés, des tatouages et de la crête si tu souhaites.
Mais toujours et avant tout : de la passion, de l’exigence et du partage.
Goodbye, le genre !
Coeur avec les poings.
[Postclaimer : Cet article a été relu avant publication par notre bien-aimé Rédac’ Chef, un homme. On me signale qu’il se porte bien. Merci à lui et à notre brillante équipe de 3 mecs et 8 nanas = 11 humains].
Quelques sources, pour les insomniaques :
– Diane Halpern “Sex Differences in Cognitive Abilities” (sur la terminologie entre sexe et genre)
– Simone de Beauvoir “Le deuxième sexe” (sur l’interprétation et la langue masculines)
– Mon amie Maïté, du musée Guimet, dont les réflexions philosophiques m’inspirent depuis des années
– Éliane Viennot “Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française”
– Podcasts France Culture, notamment :
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Rédactrice : Mademoiselle Jaja
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