Pictogramme représentant le logo Facebook Pictogramme représentant le logo Instagram Pictogramme représentant le logo LinkedIn Pictogramme représentant le logo Twitter

Qui sont Les Vignerons Engagés ?

Par Romain Becker | 10 novembre 2022 | Reportages | 0 commentaire

L’agriculture, et le monde du vin en particulier, regorge de labels. Pour le meilleur et parfois pour le pire comme le décrivait récemment le documentaire Labels, des verts et des pas mûrs diffusé sur France 5. Heureusement, certains tirent la filière vers le haut. Rencontre avec Iris Borrut, directrice de l’association Vignerons Engagés, et du label du même nom, qui a fait de la RSE son étendard.

Pouvez-vous définir ce qu’est la RSE et présenter ensuite les objectifs du label Vignerons Engagés ?

La RSE, c’est la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise. C’est faire du développement durable à l’échelle d’une entreprise. A mon échelle personnelle, je me suis lancée dans une démarche zéro déchet après une chasse au carbone dans tous les aspects de ma vie. Que ce soit mon alimentation, mon logement, mes déplacements, mon épargne etc. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que l’aspect environnemental qui comptait. Il y a aussi des sujets économiques et sociétaux. Jusqu’où puis-je aller dans mon engagement environnemental sans perdre pied au niveau économique, tout en maintenant un certain bien-être au niveau social ? Il me semble que la RSE, c’est la même chose. C’est avoir une démarche complète de progression au niveau environnemental, social et économique pour les entreprises. Ce sont des lunettes qu’on met quand on réfléchit à sa stratégie d’entreprise, c’est-à-dire qu’on réfléchit systématiquement avec ces trois prismes.

Comment avez-vous entamé votre engagement autour de la RSE dans le monde du vin et comment êtes-vous devenue directrice de Vignerons Engagés ?

Je suis diplômée d’une école d’ingénieur agro à Toulouse, l’ENSAT. J’avais fait une spécialité qui s’appelle Agro Management, sur les sujets de marketing et communication. Après un premier stage, j’ai commencé par être cheffe de produit dans l’agroalimentaire, des coopératives laitières : Bongrain, Sodial… Après 3 ans à ce poste, je me suis rendu compte que ça n’avait pas tellement de sens et je me suis retrouvée dans une période de recherche d’emploi où j’ai pu aller explorer un peu ce que je voulais faire.

J’ai eu la chance de discuter avec ma prédécesseuse chez Vignerons Engagés, on a parlé une petite heure et finalement elle m’a demandé de but en blanc : « Mais là Iris, mon poste te plairait ?  » Elle partait en congé maternité, elle cherchait quelqu’un pour la remplacer et j’ai accepté. Je suis donc rentrée dans l’association sans trop savoir combien de temps j’allais rester. C’était un remplacement de congé maternité et cela fait maintenant quatre ans. L’association grandit encore aujourd’hui  avec un nouveau recrutement récent.

A titre personnel, je trouve qu’en ce moment c’est impossible de ne pas faire un job qui a du sens et qui permet aux agriculteurs en général, et aux viticulteurs  en particulier, d’aller vers le mieux. Si cela ne tenait qu’à moi, j’essaierais d’aller encore plus vite et encore plus loin. Cependant, dans les faits, on est un collectif avec ses forces et ses faiblesses. Donc c’est déjà très bien tout ce qu’on fait. 

Vignerons Engagés, un label global

Pourquoi la RSE est-elle importante aujourd’hui pour les entreprises du monde du vin ?

Je pense que c’est indispensable. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les vignerons nous rejoignent et souvent elles s’entremêlent. Mais c’est important parce que ça répond aux attentes des consommateurs. Cela permet surtout d’avoir un temps d’avance par rapport aux enjeux climatiques, environnementaux et aux enjeux sociaux qui nous attendent. Cela permet de structurer sa stratégie d’entreprise et d’avoir vraiment du recul sur ces enjeux. On a moins la tête dans le guidon. Ça permet d’anticiper.

La RSE, ça peut paraître un terme un peu barbare et réservé aux grands groupes mais du moment qu’on prend le temps de comprendre, on peut rapidement mettre en place des choses qui ont de la valeur. L’objectif de l’association est de vulgariser au maximum la RSE, de la rendre enthousiasmante, agréable, et faire en sorte que chacun puisse se dire qu’il peut s’y mettre, identifier quelles sont ses parties prenantes, quels sont ses enjeux prioritaires et mettre en place un plan d’actions pour que son activité ait le moins d’impact du point de vue environnemental et sociétal tout en s’assurant une certaine pérennité.

C’est une association qui promeut et met en place un label, comment avez-vous construit le cahier des charges ?

Ça a été fait en deux étapes. En 2007, il y a eu des premières réflexions avec l’Institut Coopératif du Vin (ICV), sur un premier cahier des charges. Puis il y a eu un tournant en 2019 lorsque nous avons mis en place un partenariat avec AFNOR Certification à deux niveaux. D’abord, ils sont devenus notre organisme de contrôle pour le référentiel Vignerons Engagés. Ensuite, nous avons construit ensemble un cahier des charges fondé sur la norme ISO 26000, la référence au niveau mondial pour la RSE. Nous sommes partis de cette norme, qui est très générale, pour en faire ce qu’on appelle un référentiel sectoriel, c’est-à-dire que nous l’avons adaptée à la filière vin. Nous avons adapté les enjeux, les exemples de questions, d’indicateurs etc et y avons intégré plein d’éléments qui rendent le contenu digeste, compréhensible et concret pour les dirigeants d’entreprises de la filière vin. 

Des domaines sont certifiés Vignerons Engagés dans 10 régions françaises

Est-ce un cahier des charges très précis ou plutôt un guide qui laisse une marge de manœuvre aux entreprises ?

On est plutôt sur la deuxième option. On est dans une démarche d’amélioration continue. C’est-à-dire qu’il y a un score minimum à atteindre pour avoir le label et c’est un évaluateur mandaté par AFNOR qui conduit une évaluation sur site pendant deux à cinq jours, en fonction de la taille de l’entreprise. Chaque entreprise est à nouveau évaluée tous les 18 mois. C’est donc très cadré à ce niveau-là.

Cependant, le référentiel, comme je le disais, c’est vraiment de l’amélioration continue. Le cahier des charges indique les thématiques à aborder et c’est l’entreprise qui définit ensuite ses propres indicateurs de performance en fonction de son activité, en s’inspirant d’exemples cités par le cahier des charges. Il s’agit alors de suivre ces indicateurs et de faire en sorte de progresser d’année en année. Si elle ne progresse pas, elle perd nécessairement des points, ce qui peut l’empêcher d’atteindre le score minimum pour obtenir le label (NDLR : aperçu du processus de labellisation).

Cela revient-il donc à dire que le label évalue essentiellement une progression par rapport à une situation initiale ?

Tout à fait. Sachant que pour les entreprises qui sont dans le collectif depuis maintenant 10 ans, il y a certains enjeux tels que les économies d’eau ou d’énergie et la réduction des déchets pour lesquels elles sont au maximum. Dans ce cas, l’évaluateur ne sanctionne plus ces postes-là. Quand il constate une forte progression par rapport au départ et que toutes les actions qui pouvaient être mises en œuvre ont été accomplies, il ne sanctionne plus.

L’agriculture biologique

Aujourd’hui il y a beaucoup de labels dans le milieu du vin :  bio, biodynamie, HVE, Terra vitis, etc. Qu’est ce qui fait la force de Vignerons Engagés par rapport aux autres ?

Sa force est que c’est un label qui va de la vigne au verre sur les trois piliers du développement durable (ndlr : social, économique et environnemental). C’est ça notre unicité. Il se trouve que la plupart de nos adhérents ont plusieurs labels. Pour la partie vignoble, il y en a qui sont en bio ou conversion bio. HVE également, ou biodynamie. Mais pour porter une réflexion vraiment globale sur la vigne, le chai et sur les items véritablement environnementaux (biodiversité, irrigation, fertilisation, etc) ainsi que sur la partie sociétale et la partie économique, c’est finalement le label Vignerons Engagés qui y répond.

Pourquoi ne pas intégrer directement le cahier des charges du label bio dans vos exigences  ?

C’est une très bonne question. On part du principe que les agriculteurs sont les mieux placés pour juger ce qui est bon ou pas. Il y en a beaucoup qui sont en conversion bio ; tant mieux, ça leur permet aussi de gagner des points. Mais dans certains cas de figure, le bio n’est pas encore possible aujourd’hui pour des raisons techniques. Ou parce que certains ne veulent pas aller vers la certification in fine. Même s’ils disent qu’ils ont mis en place les pratiques, etc. Cela leur appartient.

On laisse néanmoins une certaine liberté au niveau du cadre. Le plus important est que bio ou pas, les réflexions sont là. De toute manière, les produits phyto coûtent cher. Les raisonnements économiques suffisent bien souvent à inciter à la réduction de leur utilisation. Mais les questions de sol vivant, d’enherbement, de retrouver des sols plus résilients, ils en sont tous conscients et c’est valorisé dans l’évaluation et dans la certification. 

Des coopératives, mais pas que

Quel est le profil des adhérents et des labellisés ?

Il y a deux types de profils. Les grandes entreprises et les moyennes entreprises. On n’a pas de tout petit, tout simplement parce que la RSE demande de formaliser un certain nombre d’indicateurs, de préparer l’évaluation, ce qui reste compliqué administrativement pour les petites entreprises. Ainsi, il y a les caves coopératives et les caves particulières, mais avec déjà un certain nombre de salariés pour gérer tout ça. Par exemple, j’ai récemment échangé avec le Château de Pena en conversion bio dans le Roussillon. Il s’agit de dix familles qui sont organisées en cave coopérative. Ils ont une personne chargée de l’oenotourisme et de la RSE qui chapeaute toute la démarche. Elle s’occupe ainsi d’organiser la formation des vignerons au développement durable, de mettre en route les diagnostics du vignoble. Puis les vignerons ont leur diagnostic, leur plan et peuvent mettre en œuvre les actions sur le terrain.

Est-ce que on se bouscule pour faire partie de Vignerons Engagés ? Quelle est votre notoriété ?

Nous prenons beaucoup notre bâton de pèlerin pour expliquer, pour faire de la pédagogie. Nous essayons de trouver la juste alliance entre prospection et communication. Parce que nous constatons que lorsque nous faisons de la communication, quand nous expliquons ce qu’il y a derrière la RSE, les gens réagissent positivement. Par exemple, lors de nos rencontres digitales au printemps dernier, les ateliers ont eu un retentissement qu’on n’avait pas anticipé, avec à peu près 800 participants. Nous avons eu un certain nombre d’entreprises qui nous ont dit avoir mieux compris le sens et les objectifs de la RSE. Toute la filière ne se rue pas sur notre label mais nous avons reçu de nombreuses demandes entrantes, surtout après les vendanges. Entre novembre et mai, nous enregistrons plusieurs demandes entrantes par semaine. Mais parce qu’en amont nous avons pris le temps de sensibiliser et d’expliquer.

Je reviens sur les petites structures, les artisans. C’est toujours une très grosse partie du vignoble aujourd’hui. Que faudrait-il pour les convaincre de se lancer dans ces démarches ?

Il faudrait des systèmes qui soient adaptés à leur fonctionnement et c’est justement un projet important que nous menons en 2022. Nous avons travaillé sur un référentiel avec l’AFNOR pour les très petites entreprises avec l’idée de rendre la RSE accessible à tous. Aujourd’hui entre les caves coopératives et les domaines de taille importante, Vignerons Engagés représente 5% du vignoble français. Et une cave coopérative, c’est avant tout plein de petits viticulteurs.

Devenir la référence RSE du secteur viticole

Quels sont les projets et les ambitions pour les prochaines années ?

On a un cap qui nous mène vers 2025. L’idée est de devenir le label RSE connu et reconnu de la filière vin. Certes, une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand chose. Nous voulons être identifiés par toutes les personnes qui vont s’intéresser au sujet, comme étant un réseau avec des échanges, de bonnes pratiques et des outils. Et nous voulons être identifiés comme capables de répondre aux besoins de tous les types de structures.

Je parle beaucoup de cave coopérative parce qu’historiquement ce label a été créé par des caves coopératives. Mais tous les efforts que nous faisons en ce moment, c’est justement pour ressortir de ce clivage gros-petit, méchant-gentil… On peut tous discuter, apprendre et progresser. En résumé, nous travaillons à développer le label pour les petites structures, accroître notre visibilité auprès des acteurs du vin et du grand public, et faire progresser toute la filière sur les thématiques RSE.

A propos du grand public, précisément, quelle est la notoriété de ce label auprès des consommateurs et quel est son impact commercial ?

C’est quelque chose que nous mesurons de plus en plus et c’est très important. Quand l’association a été créée il y a 10 ans, personne ne demandait de montrer patte blanche sur la RSE. Personne ne la mentionnait sur la bouteille. Puis à partir de 2019-2020, nous avons fait appel à une agence de graphisme qui nous a dit que le meilleur moyen de faire connaître Vignerons Engagés était de l’inscrire sur la bouteille, plutôt sur l’étiquette que sur la contre-étiquette à côté du logo femme enceinte. Les adhérents ont pris conscience de l’importance de ce logo et petit à petit l’ont davantage mis en avant.

Ainsi, nous commençons à avoir de la matière pour mesurer les effets au niveau des ventes. Nous n’avons pas commandé d’étude avec des panels de consommateur par exemple, mais nous avons des retours de nos adhérents sur les chiffres de ventes avant et après avoir apposé le logo. Ce sont des chiffres à prendre avec des pincettes, car il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Donc je n’ai pas de chiffres précis à donner mais nous constatons que cela participe à la bonne santé commerciale des entreprises.

Chiffres clés :

  • Adhérents : 6000 vignerons.nes et salarié.e.s de cave
  • Présent dans 90 AOP et 30 IGP
  • Couvre 31 800 hectares de vignoble
  • Coût d’adhésion à l’association : fonction du Chiffres d’Affaires annuel, 1575 € HT pour un CA entre 300 K € et 2 M €
  • Coût de la certification : 1200 € par journée d’évaluation par un agent AFNOR

À notre que l’association prépare la mise en place d’un incubateur pour les TPE du secteur viticole afin de les aider mettre en place une démarche RSE. Plus d’infos ici.

Il n'y a aucun commentaire.

Laisser un commentaire

Veuillez remplir tous les champs ci-dessous. Les champs obligatoires sont indiqués avec (*) :

Articles similaires :