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Vin végan, sans animaux ajoutés

Par Alexia Gozlan | 2 juin 2021 | Reportages | 0 commentaire

L’emploi de traitements phytosanitaires à la vigne, les techniques de greffe, les pratiques de la biodynamie, les sulfites, les vins natures… Nombreux sont les sujets qui font débat dans le monde du vin. Et comme toujours, chaque mouvement a ses défenseurs et ses détracteurs. Et comme tout sujet sensible mérite que l’on s’y intéresse… Nous y voilà, découvrons le vin végan, sans animaux ajoutés ?

Tour d’horizon de l’éthique du vin végan

Le fondement du « véganisme » est le respect de la vie animale. Et ce mode de consommation concerne de nombreux produits de notre quotidien ; œufs, poissons, viandes, oui, mais pas seulement. Se considérer comme « Végan », c’est avoir la volonté de mettre de côté l’ENSEMBLE des produits dont les matières premières sont d’origines animales, ouvrant ainsi un spectre beaucoup plus large aux produits comme les textiles (adieu les chaussures et les sacs en cuir) ou encore l’ameublement. Une démarche purement éthique, donc.

Les nombreux scandales sanitaires agro-alimentaires et la prise de conscience du bien- être animal ont nourri le véganisme. A l’échelle Européenne, d’après les études du leader international de la sensibilisation à l’alimentation végétale « ProVeg », le marché de l’agro-alimentaire Végan aurait pris un envol de 49% ces trois dernières années. Une belle croissance qui encouragerait les filières de productions engagées à poursuivre dans cette voie, et peut-être aux plus réticents de s’y mettre… 

En France, c’est un peu plus timide. Selon les dernières études de marché Xerfi, ce mode de consommation concernerait 0,5% de la population. Un marché de niche donc, comparé aux « flexitariens » (des omnivores avec une fréquence de consommation de viande et de poisson occasionnelle), qui représentent à eux seuls un tiers des consommateurs.

Quid dans le monde du vin ?

Sophie Minvielle est chargée de mission pour le label végan international « V-Label », qui recense plus de 40 000 produits alimentaires et cosmétiques. « On remarque depuis environ 2 ans un intérêt croissant de la part du secteur viti-vinicole ». Et la cadence s’accélère car depuis quelques temps elle reçoit 1 à 2 nouvelles demandes de certification par semaine… Aujourd’hui « V-Label » recense environ 90 domaines viticoles. Un engouement que l’on peut comprendre (au-delà de l’éthique), puisque de récentes études révèlent que la Belgique, le Danemark, l’Angleterre se retrouvent dans le top 3 des pays sensibles à cet art de vivre… donc des marchés à l’export importants pour une grande majorité des régions viticoles de France. 

Château Barbanau, entre Provence et Grande Bleue
Château Barbanau, entre Provence et Grande Bleue

Le déclic des producteurs de vins Végan

Sophie et Didier Simonini-Cerciello sont vignerons au Château Barbanau à Roquefort la Bédoule, où ils conduisent une vingtaine d’hectares de vignes aux flancs de la mer Méditerranée, pour produire de vins en AOP Cassis et AOP Côtes de Provence.  Certifiés en Agriculture biologique et labellisés Biodyvin (biodynamie) depuis plusieurs années, le vin Végan, ils s’y sont engagés plus récemment (2015) avec le label « The Vegan society ». 

Fous amoureux de nature et soucieux de « recréer l’équilibre de la biodiversité » ils étaient déjà animés par une forte volonté d’élaborer des vins plus naturels et plus proches du Terroir. C’est après de nombreux échanges avec leur fille Juliette, très sensible à la cause animale, qu’ils ont décidé de franchir le cap de la certification.

Pourquoi qualifier un vin de « Végan » alors qu’il n’est constitué que de raisins ? 

A priori, l’étape du « Collage » serait concernée par l’option Végan. 

Le collage remonte déjà au 16ème siècle, mais il était réservé aux vins jugés comme les plus qualitatifs. Aujourd’hui, cette étape est majoritairement répandue et a pour but de clarifier le vin, le rendre plus limpide, plus brillant en lui ôtant les particules en suspension naturellement présentes dans le raisin (les tanins ou les protéines, par exemple), Prenez les jus de fruits troubles (oui, ceux que l’on agite énergiquement avant de les servir), et bien ils ne sont ni collés, ni filtrés. Des produits « bruts » donc, mais moins séducteurs pour un bon nombre de consommateurs. Mais attention toutefois, le collage n’est pas qu’une préoccupation esthétique. Cette étape permet par ailleurs de stabiliser le vin, parfois d’améliorer ses qualités organoleptiques, comme des tanins trop amers ou astringents… ou encore de réduire les doses de SO2 dans le vin. (Mais ça, c’est un autre débat !). 

Progressivement, Sophie et Didier Simonini-Cerciello ont éliminé plusieurs intrants d’origines animales au profit de colles minérales et végétales. « Nous avons choisi de ne plus utiliser des produits qui contenaient probablement des œufs ou du lait d’animaux élevés dans de mauvaises conditions… Et sûrement pas BIO. » 

Ainsi, la caséine, contenant du lait et utilisée comme antioxydant, a été remplacée par la protéine de pois. La gélatine à base de porc ou de bœuf utilisée pour rendre les vins plus limpides, a été supprimée du processus de vinification. La colle de poisson à base de cartilages de poissons utilisée pour rendre les vins plus limpides, a également été supprimée. L’albumine d’œuf utilisé pour clarifier les vins rouges…Idem. Supprimé sans être remplacé. 

La vigne peut, elle aussi, être passée au crible… 

Certains labels vont au-delà de l’étape de la vinification et poussent les contrôles aux pratiques agricoles à la vigne. C’est ici qu’entre en jeu le seul label bio et végan « Standard Biocyclique Végétalien », un mouvement international de promotion des droits des animaux et du mode de vie Végan, inspiré par les écrits de l’Allemand Adolph Hoops. Dans les années 50, ce pionnier des techniques de cultures biologiques et des questions socio-écologiques a défendu un mode d’agriculture sans bétail, uniquement basé sur les plantes. Une production aux engrais 100% végétaux donc, qui ne compte que sur l’humus (ce qui me donne envie de me lancer dans un mouvement de défense contre l’exploitation des lombrics). Trêve de plaisanterie, vous l’aurez compris, cette vision végane de la vigne à la cave est incompatible avec les labours à cheval et l’utilisation de fertilisants animaux… donc une grande partie des pratiques de l’agriculture biologique et biodynamique nécessitant l’emploi de préparations (comme par exemple la fameuse préparation « 500 » de bouse de cornes de vaches).

Les labels dédiés aux produits Végan

Je suis vigneron, je ne colle pas et ne filtre pas mon vin. Puis-je mettre en avant un logo « Végan » sur ma bouteille ? La réponse est… Non ! Il ne suffit pas « simplement » de passer les étapes de filtration et de collage ou de n’utiliser que des produits de collage naturels en cave pour apposer un logo « Végan » sur la contre étiquette de sa bouteille. Comme toutes pratiques visant des consommateurs, la certification est nécessaire pour assurer la conformité du produit concerné. Qui dit certification, dit respect d’un cahier des charges et donc un audit de contrôle avant de pouvoir légalement apposer un logo. La transparence avant tout ! 

Des organismes de certification indépendants et officiels « Végan » il en existe… beaucoup. Français, Suisses, Italiens, Australiens, Britanniques, Japonais…  Et dans de nombreux domaines ; des cosmétiques, en passant par les dispositifs médicaux, jusqu’aux produits qui atterrissent dans nos assiettes… et dans nos verres. En voici quelques-uns (parmi les officiels) qui vous seront probablement familiers : 

« Les pays les plus demandeurs sont les pays anglo-saxons, particulièrement la Grande Bretagne. En France, la préoccupation pour le bien-être animal n’est pas encore très développée« 

Sophie et Didier du Château Barbanau

Après avoir consulté de nombreux organismes (officiels ou associatifs), Sophie et Didier ont jeté leur dévolu sur « The Végan Society », un label Britannique créé en 1944 (et oui déjà… !), plus en phase avec leur marché de distribution d’une part, et à leurs yeux, le plus professionnel. Ce dernier garantit que l’ensemble des produits qu’il référence ne contiennent aucun additif dérivé d’animaux vertébrés ou invertébrés multicellulaires (oui, la puce d’eau en fait partie) et qu’ils n’ont subi aucun test animal.

A l’échelle européenne,
il existe quatre labels reconnus dans le monde de la vigne et du vin. D’abord « V-Label » et « The Végan Society », qui œuvrent pour la promotion du véganisme/végétarisme et dont le cahier des charges ne concerne que l’étape de la vinification. Ensuite, « Standard Biocyclique Végétalien » et « Eve Vegan » qui englobent tous deux dans leurs contrôles l’ensemble des étapes d’élaboration du vin, de la culture de la vigne à la commercialisation finale. 

Sophie et Didier du Château Barbanau

Comment fonctionne la certification pour le vin végan ?

Tout dépend du label et du cahier des charges, bien que les démarches restent à peu près similaires. Si nous prenons l’exemple de « The Vegan Society » ou « V-Label », l’autorisation d’apposer le logo « Végan » sur son produit est accordée après avoir rempli un formulaire de demande d’utilisation, suivi d’une déclaration avec description du produit et liste complète des ingrédients utilisés dans l’étape de vinification. Il arrive quelquefois que l’organisme demande en complément un engagement écrit de la part du ou des fournisseurs, certifiant l’origine végane des matières premières utilisées.  Une fois cette première étape validée par l’organisme certificateur, une redevance pour la licence d’utilisation du logo doit être réglée par le producteur (calculée au prorata de son chiffre d’affaire annuel pour « The Vegan Society » ou en fonction du nombre d’hectolitres revendiqués pour « V-Label »). Enfin, l’autorisation d’utiliser la marque du label est accordée 12 mois, renouvelables.  Sauf en cas de contrôle et de non-conformité aux normes préalablement fixées dans le contrat d’agrément (ou en cas de non-paiement de la redevance). 

L’agriculture biologique/biodynamique est-elle un passage obligatoire pour prétendre au label « Vegan » ? 

Le bon sens voudrait que nous puissions considérer l’étape de certification végane comme un « plus » aux démarches d’agricultures biologiques ou biodynamiques. Que nenni. Il n’est pas obligatoire de passer par ces étapes pour être approuvé par les différentes associations/organismes concernés… Je peux donc être vegan si je traite généreusement mes vignes avec des produits phytosanitaires, à condition que je colle mes vins à la protéine de pois. Une incohérence assez troublante… Peut-être devrions-nous nous méfier des producteurs peu soucieux de la nature et de l’équilibre de la biodiversité et qui n’auraient d’yeux que pour l’impact marketing de leur démarche ? Sophie Minvieille chargée de mission pour « V-Label » m’a cependant précisé que les domaines viticoles référencés étaient plus à taille humaine que de « gros faiseurs ». Plutôt rassurant.    

Et le goût du vin dans tout ça ?

Incohérence, incompréhension, agacement. Quoiqu’il en soit et en toute objectivité pour l’avoir testé, il est quasiment impossible en dégustation à l’aveugle de différencier un vin Végan d’un vin qui ne l’est pas… Et puis qu’importe. Végétariens, carnivores, flexitariens, tout le monde peut apprécier un vin Végan. J’aime penser que chacun reste libre de ses choix et qu’une seule finalité importe : le plaisir, l’émotion ! 

Dans un monde végan idéal…

Je risque de me mettre à dos l’ensemble des Véganistes jusqu’au-boutistes qui prônent une agriculture sans présence animale et sous aucune forme que ce soit… MAIS si le mode de vie Végan a pour principe fondamental de veiller au bien-être animal, a priori la traction animale (labours à cheval) ou l’utilisation d’engrais organiques pour favoriser la vie du sol ne posent aucun problème puisque qu’ils n’induisent en aucun cas l’exploitation ou la maltraitance. Au contraire, peut-être serait-il intéressant de considérer ces pratiques agronomiques ancestrales comme une complémentarité animale et végétale, ayant pour unique but de créer une unité entre les écosystèmes naturels ? Pensons notamment à l’anthroposophe Autrichien Rudolf Steiner (l’un des pères fondateurs des principes de la Biodynamie) qui considérait tout organisme agricole comme une entité autonome, créatrice de liens entre les astres, la terre, la plante ET le monde animal… A bon entendeur ! ☺ 

Sources : 

Château Barbanau
Sophie & Didier Simonini-Cerciello, vignerons.
13830 – Roquefort-la-Bedoule.  

Sophie Minvielle – Chargée de Projet pour le label V-Label

  • Retrouvez l’ensemble des labels Vegan : 

            www.vegan-france.fr/blog/certification-vegan/

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Rédactrice : Alexia Gozlan

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