Il souffle un vent nouveau sur le Languedoc, comme dans le Rhône au Mas des Escarades. Entre Nîmes et Sommières, dans la Vaunage, ce vallon discret aux allures de garrigue éternelle, un jeune couple bouscule les codes. Robin et Imogen Althoff, fondateurs du domaine Berry-Althoff, incarnent une génération qui redéfinit la viticulture : bio, biodynamique, égalitaire et moderne. Leur démarche est aussi inspirante que leurs vins sont lumineux. Avec leur énergie et leur regard neuf, ils dessinent un futur désirable pour le vin du sud.
Un domaine né d’une page blanche
Tout commence en 2015, quand Robin et Imogen, à peine sortis de l’université, décident de s’installer à Aubais, au cœur de la Vaunage. Pas de terres, pas d’héritage, juste une envie immense de créer. Leur aventure débute par le négoce, sous la maison Quai à Raisins, avant qu’ils ne parviennent à récupérer quelques parcelles en fermage. Aujourd’hui, dix hectares certifiés Demeter, cultivés en biodynamie, forment la mosaïque vivante du domaine Berry-Althoff.
Leur vignoble s’éparpille sur plusieurs îlots entourés de forêts, clairières et oliveraies, formant un patchwork paysager d’une beauté rare. Les blancs trouvent leur fraîcheur sur les marnes jaunes de Saint-Mamert-du-Gard, tandis que les rouges s’enracinent dans les éboulis calcaires autour d’Aubais, offrant minéralité et légèreté. Certaines parcelles datent des années 1960 et sont travaillées en sélection massale, pour préserver la diversité génétique et la mémoire végétale.
Ce domaine né sans capital mais avec conviction incarne une liberté totale : pas de course à la taille, pas de surinvestissement, juste une ligne claire — avancer lentement, mais sûrement, en respectant le vivant et les gens. Aujourd’hui, Berry-Althoff s’impose déjà comme l’un des domaines les plus prometteurs du Gard, preuve que l’audace, la rigueur et la sincérité peuvent faire naître de grands vins, même d’une page blanche.
Une philosophie éthique et collective : travailler autrement
Ce qui frappe chez Robin et Imogen, c’est leur vision humaine du métier. À Berry-Althoff, la hiérarchie n’existe pas : le couple taille, ébourgeonne, effeuille, vendange aux côtés de ses employés. « On fait tous la même chose, et on est payés pareil », expliquent-ils avec un naturel désarmant. Ce modèle égalitaire, encore rare dans le milieu, crée une dynamique collective saine, fondée sur le respect et la coopération.
La biodynamie, ici, n’est pas un slogan ni un argument marketing. C’est une pratique concrète, partagée et joyeuse. Robin et Imogen réalisent leurs préparations (500, 501, composts) en groupe, avec d’autres vignerons voisins. Ensemble, ils enterrent, déterrent et partagent les expériences. Ce travail collectif crée du lien autant que du sens. Et sur le terrain, les effets sont là : vignes équilibrées, sols vivants, biodiversité foisonnante. Autour des parcelles, haies, bois et oliviers dessinent un écosystème en mouvement.
En cave, la philosophie est la même : peu d’interventions, beaucoup d’attention. Les vendanges sont manuelles, les fermentations se font avec levures indigènes, sans soufre pendant l’élevage. « On travaille en infusion, pas en extraction », précisent-ils. Le résultat ? Des vins aériens, précis, digestes, où le fruit respire, loin des excès boisés ou alcooleux. Les sulfites ne sont ajoutés qu’à la mise, si le millésime le réclame.
Et pour couronner le tout, les bouteilles portent des étiquettes biodégradables et ensemencées : on les trempe, on les plante, et quelques semaines plus tard, un tapis de fleurs sauvages voit le jour. C’est à la fois poétique et visionnaire. On est dans une démarche de zéro déchet intelligent, où chaque geste compte.
Méridionale 2022 : un blanc lumineux, vif et libre
Parmi leurs cuvées, Méridionale 2022 incarne à merveille l’esprit Berry-Althoff. Assemblage de grenache blanc et de rolle, ce vin blanc affiche une élégance naturelle à seulement 12° d’alcool. Dès le premier nez, il séduit par ses notes de garrigue fraîche, d’herbes sèches et de fleurs blanches, avec une pointe saline qui évoque la mer toute proche. En bouche, c’est un modèle de pureté et d’équilibre, avec une fraîcheur vibrante qui s’étire longuement.
Ce vin est intelligent, joyeux, vivant, à l’image de ceux qui le font. Il se boit sans chichi, avec cette évidence désarmante que seuls les grands vins “simples” possèdent. Méridionale, c’est la synthèse d’une philosophie : des vins sincères, accessibles, mais d’une précision redoutable. Le genre de bouteille qui fait sourire, qui reconnecte au plaisir et qui prouve que le Languedoc moderne n’a rien à envier aux grandes régions.
Berry-Althoff, c’est ça : une viticulture lucide et joyeuse, ancrée dans le réel mais tournée vers demain. On y sent la rigueur, mais aussi la liberté. Et peut-être que c’est précisément ce dont le vin du sud avait besoin : moins de dogmes, plus de vie.
Il n'y a aucun commentaire.