Pictogramme représentant le logo Facebook Pictogramme représentant le logo Instagram Pictogramme représentant le logo LinkedIn Pictogramme représentant le logo Twitter

La Champagne du futur !

Par Mademoiselle Jaja | 21 avril 2023 | La chronique de jaja | 0 commentaire

Champagne. Mars 2023. Trois domaines, trois ambiances, un futur pour tous. La Champagne, plutôt bue, plutôt connue me direz-vous ? D’accord, la Champagne des grandes marques, de l’export et des négociants. Mais celle du terroir, de l’effacement des humains au profit de la nature, celle de l’énergie et du vivant l’est beaucoup moins. Là où les dosages deviennent superflus devant la qualité des maturités et la profondeur des vins. La côte des Bar aux terroirs époustouflants, de plus en plus encensée mais encore bien moins connue que la Montagne de Reims ou la Côte des Blancs. Le pinot meunier, délaissé à l’arrivée du chardonnay, fut cantonné aux assemblages et eut longtemps la réputation de manquer d’équilibre, nuisant à une longue garde et de ne pas produire de grand vin. Il était grand temps de mettre en lumière la Champagne du futur, celle de nos rêves, celle des discrets et des généreux, des terroirs négligés et bientôt re-découverts, cette Champagne d’alchimistes souvent connue des seuls initiés. 

Le cœur, le corps & le palais sont partis vagabonder dans les vignes, recevoir le soleil, observer les vallons, apercevoir des lièvres, lire sur les lèvres où les sourires racontent, se remplir attentivement les oreilles, boire chaque battement du vent. 

Le but ? Prendre le pouls, caresser le front de trois sensations champenoises, aux terroirs et philosophies aussi engagées que savoureuses.

Champagne Dosnon

Dosnon, où règnent le calme et l’agitation, où la radicalité du paysage se traduit en verticalité dans les vins. Nicolas a rejoint Davy peu après son installation. Une entente intuitive et deux énergies complémentaires : entre douceur, calme et force tranquille chez Davy ; et la passion qui nourrit une flamme presque palpable chez Nicolas. L’un nous transporte au milieu des vignes, au cœur du matériel végétal, expliquant chaque geste, chaque mouvement de cette grande partie d’échecs qui se joue avec le climat. L’autre embaume le chai d’anecdotes, raconte l’accompagnement de chaque millésime. Une vision commune transparaît : favoriser à chaque étape l’élaboration de grands vins, tendre à l’excellence : précision et émotion. 

Côté chai, le pressoir vertical réduit les mouvements pendant l’extraction du jus et limite donc la “tache”, donnant des jus limpides sans la moindre décoloration (souvent pratiquée dans la région sur les blancs de noir). Le chêne est omniprésent, considéré comme le meilleur outil de magnification par la complexité des micro-échanges (oxygène / vin / bois). C’est dans ces pièces bourguignonnes originaires de Puligny-Montrachet que nous goûtons les “vins clairs” (après la fermentation alcoolique et avant la vinification).

Chez Dosnon, le vieillissement ne se fait pas chez les clients, il est fréquent qu’une cuvée ne soit relâchée qu’après 10 ans de sagesse. Les dates de dégorgement (et dosages en sucre) sont donc soigneusement indiquées sur les étiquettes pour la compréhension des heureux buveurs.

Terroir

Un peu plus de 2 hectares en propre à Avirey-Lingey (pinot noir et chardonnay) et 3 hectares soigneusement choisis pour prolonger passion et curiosité : pinot meunier très recherché et pinot blanc (vastement et tristement arraché au profit du chardonnay) arrivent à grands pas. Prédominance d’argilo-calcaire sur socle calcaire du Kimméridgien (un “étage” géologique constitué de sédiments doublés de fossiles marins parfaitement préservés et qui contribuent à la salinité et minéralité des vins). La côte des Bar, longtemps cantonnée au second rôle, pourrait bien, en même temps que l’Humain renoue avec le sol et la nature, être élevée au rang de vedette grâce à cet énorme potentiel terroir.

Naturalité

Une viticulture naturaliste, non labellisée mais les gestes et la philosophie sont très proches de la biodynamie. On pourrait même parler de champagnes “Nature” puisque les sulfites sont absents depuis plusieurs années mais Nicolas et Davy rappellent que ce sont les vins qui ont révélé ne plus craindre l’oxygène. L’abandon des sulfites n’est donc pas l’origine d’une démarche mais l’aboutissement de l’expérience. 

Coups de cœur : 

Loin de l’assemblage classique des grandes maisons, on conçoit ici des cuvées en mono-cépage, porteuses de paysages. Seule la cuvée Alliae réunit pinot noir et chardonnay en proportion et influences égales. 

La Récolte noire Zéro dosage (100% Pinot noir, DD 2022) : pour la pureté et la verticalité du vin, une élévation immédiate et euphorique.

La cuvée Ephémère (100% Pinot Meunier, DD 2021) : sur une fléchette aiguisée se côtoient la mémoire du cépage et ses petits fruits rouges et les notes exotiques et fruits jaunes de sa version blanche…

La cuvée Alliae (DD 2015) : pour l’aboutissement d’une richesse élancée, deux termes pouvant paraître contradictoire – et pourtant…

Champagne Vincent Couche

Vincent Couche est une personnalité singulière de la côte des Bar, le fruit d’un parcours ardu, humainement et professionnellement, dès l’époque où cette famille de vignerons rejette sa vision naturaliste. Aujourd’hui encore, il veut prouver, conquérir, ravir. Ce courage et ce travail inlassables, cette capacité à ignorer les doutes quand tout vous retient et une générosité brute marqueront l’après-midi offerte à mes sens.

Bienvenue chez un serial curieux : reprendre un clos délaissé, planter du pinot blanc sur calcaire du Kimméridgien, accueillir des moutons de race Shropshire en guise de désherbants, élever des fils au-dessus des rangs et y planter des arbres fruitiers à double impact : préparer les ombres portées de demain et procurer des habitats à la biodiversité. Reprendre des parcelles autrefois maltraitées et y observer le sol revivre lentement, très lentement. Vincent aime le challenge, la rugosité, le vent – et ses champagnes le racontent encore mieux que sa pudeur lors d’une dégustation hors du temps. 

Terroirs : 

3 hectares de Chardonnay à Montgueux, exposés plein sud et disposant d’un sol crayeux du crétacé (40 petits centimètres de terre sur craie) et silex. 

10 hectares de vignes à Buxeuil se composant essentiellement de pinot noir sur agilo-calcaire marneux. Sur le conseil de Lydia et Claude Bourguignon (célèbres chercheurs en agronomie), le chardonnay est implanté sur certaines parcelles. Exposition majoritairement Sud et Ouest sur coteaux abrupts : un microclimat spécifique avec des températures élevées mais une relative humidité grâce à la présence de la Seine en contrebas, aux pieds des vignes.

Naturalité

L’ensemble des parcelles est labellisé en biodynamie. Là aussi, on peut parler de champagnes “Nature”, cependant comme Davy et Nicolas chez Dosnon, Vincent n’a pas décidé de fabriquer des champagnes sans sulfite. Il a juste constaté un jour qu’ils n’étaient plus nécessaires. Comme souvent lorsque les vins sont réellement vivants, ils réclament une longue ouverture ; à l’inverse, d’excellents ph procurent une incroyable stabilité (testée notamment sur une cuvée de pinot noir ouverte depuis un mois (oui, oui) : fringuant, grande présence, une amertume large, masticatoire, à ne pas confondre avec la moindre oxydation). 

Coups de cœur : 

Cuvée Chloé : Non dosée, la rondeur est apportée par la fermentation malolactique. Sans soufre, pour une longueur en bouche saisissante. 65% pinot noir et 35% chardonnay réunis en solera (réserve perpétuelle) démarrée en 2011. L’union si recherchée de l’intensité et de la gourmandise : la générosité des lies en fût de chêne, sous-tendue par une acidité salivante aux allures de chef d’orchestre, la baguette dans les airs !

Cuvée Sensation 1999 : L’exceptionnelle vendange 1999, micro-dosée à 5g/l (extra brut), dégorgée tardivement et vinifiée en cuve (n’en déplaise aux gourous du fût sans lequel aucun vin n’est supposé vieillir avec succès). Pinot noir et chardonnay partagent avec une tension et une finesse aériennes, le fil de la vie sur laquelle ils courent en petits chaussons de soie. Virtuose. 

Cuvée ADN Montgueux 2010 : Non filtré, non dosé, sans soufre, malo effectuée. Chardonnay pur, sur sol de craie et silex. Avaler. Respirer. Arrivent alors tous les secrets, les chuchoteries, les morsures amoureuses de nobles acidités. Un choc ! De battre mon cœur s’en est arrêté… et nos montres aussi.

Champagne Cédric Moussé

Dernière visite à faible empreinte carbone et fort impact émotionnel chez Cédric Moussé.

Baskets blanches, sweat vert à capuche, ce papa d’un garçon et trois filles a naturellement rebaptisé le domaine “Famille Moussé”. Adorateur de sa région et de son cépage patrimonial, c’est aussi un grand technicien. Il a créé avec quelques copains une “machine à soufre” : le CO² est stocké pendant les fermentations et utilisé pour éviter l’oxydation des jus. Une solution native vertueuse quand on sait que les sulfites exogènes sont un dérivé de la pétrochimie ; et leur version minérale (volcanique par exemple) souvent collectée par des mineurs au péril de leur santé. 

Cédric a l’intelligence généreuse : plutôt que de condamner les collègues qui désherbent au glyphosate (à ce jour encore autorisé en dépit des promesses gouvernementales) par manque de moyens techniques, il proposera bientôt une CUMA (coopérative d’utilisation de matériel agricole) à l’échelle du village pour labourer l’ensemble des coteaux avec un tracteur autonome électrique commandé par satellite. De cette façon, il contribue à la sauvegarde des environs de ses parcelles, d’un vert lumineux sous le soleil d’avant-printemps. Planète, vigneron, consommateurs : gagnant-gagnant-gagnant. 

Récemment, Cédric a fait venir un chaman pour former toute l’équipe au ressenti des énergies vibratoires. Le biomètre de Bovis permet de quantifier cette énergie dans toute matière, lieu, être. Ce pragmatique dans l’âme fait remarquer que chaque membre de l’équipe a trouvé sensiblement les mêmes mesures, notamment des différences flagrantes entre eau de puits pure, puis placée dans un contenant en verre (légère déperdition) et enfin en plastique (énorme déperdition). Une piste intéressante pour expliquer comment certains vins nous transportent ?

Son obsession, donner vie à des champagnes hautement vibratoires, que le corps va ressentir et qui vont l’énergiser (rappelons que pendant longtemps, le champagne était recommandé pour ses vertus thérapeutiques, jusqu’à la prise de pouvoir de courants hygiénistes en Europe). 

Terroir : 

Pinot meunier dominant, sur argiles vertes (riche en fer oxydé et en matière organique) au-dessus de marnes calcaires.

Les sols sont constitués de 4 strates bien distinctes : 20 cm de terre végétale argileuse, 40 cm de sables argileux très drainants (avec 80% de sable), 30 cm d’argile verte (Illite : réserve hydrique des sols du domaine) et une marne calcaire composée de craie et d’argile).

Naturalité : 

Cédric pratique la biodynamie sans réclamer de certification, il cultive sa liberté, notamment celle d’utiliser des levures sélectionnées (champenoises) mais pas nécessairement ses levures indigènes. Trop risqué de son point de vue quand on recherche une telle précision. On repart avec une boîte d’œufs de ses poules et des souvenirs de ses moutons d’Ouessant pour l’autonomie, l’engrais et le désherbage naturel. 

Coups de coeur : 

Comme privé de la vue, de l’aromatique et autres banalités, le corps parle plus fort que le cerveau et reçoit le plaisir intensément, avec gratitude. Trois cuvées en particulier m’ont procuré bonheur et énergie.

Cuvée Eugène : 80% de pinot meunier et 20% de pinot noir, micro-dosage à 2,5g/l, en réserve perpétuelle de 2003 à 2020. Une puissance qui n’en finit pas de monter. 

Cuvée Terres d’Illite 2019 : Un vin géologique (issu des plus belles parcelles d’argile verte),  aux allures de révélation. 80% pinot meunier et 20% pinot noir.

Cuvée Les fortes terres 2018 : Enfin écouté, compris et bichonné, ce pur pinot meunier déploie énergie et fraîcheur sur un terroir particulier de pentes plus importantes et sols moins profonds, encore concentrés par 48 mois de vieillissement. Quelle intensité ! 

Conclusion

D’ordinaire en Champagne, on commence par récolter en sous-maturité puis on dose, on maquille, on boise, on filtre et on sulfite. 

Ces trois domaines visionnaires partent d’un même constat : un grand champagne est d’abord un grand vin. On goûte chez chacun de grands champagnes : élancés mais très riches, pleins et vibrants. 

Au sein d’un même respect de la nature et de la même intention de transmettre les terroirs dans le verre, les intuitions et convictions divergent : levures indigènes (ou pas), récolte à pleine maturité (ou non), carafage ou utilisation de verres amples (si !) pour certaines cuvées. Ils s’accordent sur plusieurs sujets fondamentaux : 

  • Grâce au travail de la nature et à l’expérience de l’humain, les sulfites deviennent progressivement superflus***. 
  • Le millésime s’écoute, s’accompagne et donne à cette condition, de grands vins. En aucun cas il ne doit être un élément extérieur que l’on va rejeter, gommer en vinification ou tenter de dompter par l’arsenal “moderne”. 
  • L’augmentation de la qualité et les nouvelles conditions climatiques conduisent invariablement à la recherche des cuvées parcellaires, en monocépage, peu ou pas dosées.

On ne goûte bien qu’avec le cœur et si les vins en sous-maturité et boisés serrent les mâchoires et assèchent les palais, cette Champagne-là serre nos poitrines et active notre euphorie. Vive la France et vivement le futur !

***(Peut-être un jour sera-ce (y’a quoi ?!) la définition du “Nature” : non pas retirer les sulfites pour des raisons philosophiques ou même aromatiques. Mais tendre en amont et à chaque étape, à une vie si pleine et si intense que les intrants deviennent superflus et l’oxygène cesse d’être cet ennemi longtemps craint.)

Il n'y a aucun commentaire.

Laisser un commentaire

Veuillez remplir tous les champs ci-dessous. Les champs obligatoires sont indiqués avec (*) :

Articles similaires :