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L’éveil des cépages patrimoniaux en Vallée du Rhône septentrionale

Par Cécile De Blauwe | 27 février 2024 | Reportages | 0 commentaire

La Vallée du Rhône septentrionale, avec son fleuve sinueux et ses terrasses escarpées, est réputée pour ses cépages emblématiques, qualifiés de “nobles”. Syrah en tête, suivie par le Viognier, la Marsanne et la Roussanne, 4 cépages cultivés par les vigneronnes et vignerons qui répondent au cahier des charges des prestigieuses appellations de la Vallée du Rhône septentrionale. Mais non loin de ces célèbres variétés, des cépages patrimoniaux commencent à regagner leurs lettres de noblesse, esquissant un nouvel horizon pour cette région riche d’un long passé viticole.

La résurgence de cépages patrimoniaux

Avant de plonger dans le sujet, il est essentiel de comprendre ce terme « cépage patrimonial ». Pour évoquer ce type de cépage, il est commun d’utiliser les termes « modeste », « rare », ou « oublié ». Dans cet article, nous avons décidé d’utiliser la mention de « cépage patrimonial ». Pourquoi? Car, selon nous, ce terme ajoute une notion de territoire, en l’occurrence  ici, celui de la Vallée du Rhône nord.

Un cépage patrimonial est un cépage endémique, originaire d’une région avec son climat, sa météo et les traditions qui vont avec. Loin d’être un simple mouvement de nostalgie, la résurgence de ces anciennes variétés reflète la volonté des vignerons d’adapter leur viticulture aux changements climatiques et à la curiosité des consommateurs pour de nouveaux profils de vin.

Aujourd’hui, de nombreuses initiatives émergent grâce à des acteurs locaux tels que Lionel Brenier, Guy Bonnand, Anne et Pierre-André Déplaude ainsi que Catherine et Pascal Jamet.

Le syndicat de l’IGP Collines rhodaniennes a, lui aussi, posé un acte important en intégrant neuf cépages patrimoniaux à son cahier des charges. Ce dernier a même initié une rencontre en mars dernier pour les présenter aux vignerons de l’IGP. Parmi ces cépages redécouverts, citons le Chouchillon, le Bia blanc et le Mornen, tous trois historiquement cultivés dans la Vallée du Gier. Mais aussi le Sérénèze, le Robin noir et enfin le Dureza, ancêtre de la Syrah.

Les Déplaude de Tartaras, un domaine pionnier dans la valorisation des cépages patrimoniaux

Mettons maintenant en lumière l’un des principaux acteurs qui travaillent à la mise en valeur de ces cépages: le domaine Les Déplaude de Tartaras implanté à Tartaras dans la Vallée du Gier.

Pour ceux qui comme nous n’avaient jamais entendu parler de la Vallée du Gier…

Située entre Lyon et Saint-Étienne, la Vallée du Gier, autrefois cœur d’une intense activité industrielle, s’étend parallèlement aux vignes qui bordent le Rhône. Comptabilisant seulement une trentaine d’hectares en 2004, c’est un micro-vignoble en plein renouveau. Le sol y est composé essentiellement de schistes et de micaschistes qui confèrent finesse et tension aux vins. On y découvre un paysage vallonné où les vignes reposent à environ 300 mètres d’altitude, à la frontière entre les Coteaux du Lyonnais et la Vallée du Rhône septentrionale (Collines Rhodaniennes).

Les Déplaudes de Tartaras – Crédit Willy Kiezer

Réhabilitation de cépages patrimoniaux

C’est dans un cadre verdoyant, peu connu du grand public qu’est implanté le domaine  Les Déplaude de Tartaras. Une propriété viticole certifiée bio depuis 2008 et en biodynamie depuis 2009. Anne et Pierre-André, autrefois producteurs laitiers, se sont réorientés vers le vin en 2003, se spécialisant notamment dans la valorisation de cépages patrimoniaux. Parmi ceux-ci, citons le Chouchillon, le Mornen ou la Jacquère. Au total, le domaine installé sur 7,5 hectares cultive aujourd’hui 13 cépages différents, une belle diversité !

Ces vignerons-paysans voient leur métier comme une vocation, cherchant à trouver l’équilibre entre la nature et la production, tout en privilégiant une relation proche et directe avec les consommateurs. Ils vendent d’ailleurs plus de 50% de leur production aux particuliers, un exemple dans le vignoble français.

Le cas du Mornen noir

Le Mornen était autrefois cultivé dans la Vallée du Gier et réputé pour être le vin des mineurs du bassin stéphanois. Il est avéré que ce cépage a des liens de parenté avec le Chasselas et la Mondeuse noire. Il se plaît particulièrement bien sur les coteaux arides, qui possède une bonne résistance à la sécheresse et produisant des vins légers et peu alcoolisés.

Pour la dégustation, nous avons sélectionné la cuvée « Mine de Rien” 2021, un pur Mornen noir produit chez Les Deplaude de Tartaras. Un vin aux notes expressives de violette, de fruits noirs et de fumé. La bouche est fraîche et acidulée, on découvre un vin avec une belle buvabilité, certainement renforcée par la faible teneur en alcool et des tanins discrets. Un ambassadeur de marque du renouveau viticole de la Vallée du Gier.

cuvée Mine de Rien – Les Déplaudes de Tartaras

Le Vignoble de la Tour d’Arras, un domaine phare dans la redécouverte et la préservation de cépages patrimoniaux

Poursuivons notre exploration, en faisant une deuxième halte au Domaine de Pascal et de Catherine Jamet, le Vignoble de la Tour d’Arras.

Une passion pour l’ampélographie et les cépages oubliés

Implanté en Ardèche à quelques kilomètres au nord de Tournon-sur-Rhône, le domaine s’est véritablement engagé dans la redécouverte des cépages patrimoniaux de la région et dans leur préservation. Après des études à Beaune, Pascal Jamet devient technicien viticole. Passionné d’ampélographie (science des cépages), il étudie et recherche les cépages rares. Dans le cadre de ses missions bénévoles au Centre d’Ampélographie Alpine Pierre Galet (CAAPG), Pascal Jamet explore les anciennes vignes de la région Rhône-Alpes, cherchant des variétés oubliées. Au fil des prospection du CAAPG, plusieurs cépages tels que le Bia, le Rèze, le Péloursin et le Plant de Motz ont été redécouverts.

Aujourd’hui, son expertise s’étend bien au-delà du simple métier de technicien viticole. Pascal Jamet est devenu une référence en matière d’ampélographie. Sa femme et lui n’ont pas hésité à se lancer dans la réhabilitation de variétés rares, comme en témoignent leurs initiatives de plantation du Dureza en 2015 et du Bia blanc en 2018.

Le couple est convaincu que chaque cépage a sa propre histoire à offrir. Et leur travail de réimplantation des cépages anciens révèle la détermination du domaine à faire revivre le patrimoine viticole de la Vallée du Rhône septentrionale. C’est littéralement dans le travail d’une vie que se sont lancés Catherine et Pascal Jamet.

Le cas du Bia blanc

Le Bia blanc, réputé pour donner de petits rendements, était autrefois cultivé dans la Vallée du Gier, autour de Vienne et en Savoie. Ce cépage a également des liens de parenté avec la Mondeuse blanche. Son caractère est tourné vers la production de vins aromatiques et équilibrés.

Pour la dégustation, nous avons sélectionné la cuvée en 100% Bia blanc, produite par le Vignoble de la Tour d’Arras. Un vin au nez charmeur et aromatique qui mêle des notes de fruits exotiques, de fruits du verger, d’épices douces et de miel. En bouche, l’attaque est dynamique évoluant ensuite vers une texture plus onctueuse. Le vin se ponctue par une légère amertume qui rehausse et prolonge la dégustation.

Cuvée BIA – Vignoble de la Tour d’Arras

La Vallée du Rhône entre renouveau et continuité

La Vallée du Rhône septentrionale, renommée pour ses cépages emblématiques, voit émerger un renouveau viticole intéressant. Les cépages patrimoniaux refont surface, portés par une poignée de vignerons passionnés comme le Domaine Les Déplaude de Tartaras ou le Vignoble de la Tour d’Arras.

L’étude de ces variétés présente plusieurs atouts majeurs en réponse aux défis climatiques. Certains cépages, avec leur faible teneur en alcool, s’adaptent aux hausses de température, tandis que d’autres résistent mieux à la sécheresse ou aux maladies.

Toutefois, réhabiliter ces variétés est un travail de longue haleine. Après des années d’oubli, il faut désormais prospecter, expérimenter et observer pour redécouvrir les variétés et analyser la manière dont elles réagissent, notamment face aux aléas climatiques et aux maladies. Chaque cépage peut également porter différents visages selon son terroir et le choix du vigneron en termes de vinification. C’est une véritable aventure d’exploration et les premiers témoignages, qu’ils soient des vignerons ou dans les dégustations des cuvées, en sont une documentation précieuse.

Bien sûr l’ambition n’est pas d’opposer les cépages dits “nobles” de la Vallée du Rhône septentrionale aux cépages patrimoniaux. Au contraire, il s’agit de les faire cohabiter et de valoriser la richesse de cette belle région viticole. Ces initiatives, loin de diminuer l’importance des variétés phares, les complètent et participent donc à un futur viticole résilient et diversifié.

Références de l’article:

  • André DEYRIEUX, “A la rencontre des cépages modestes et oubliés”, éd. Dunod, 2018 
  • Transcription des “Rencontres des cépages modestes 2011” 
  • P. VIALLA et V. VERMOREL, “Ampélographie : traité général de viticulture”, 1905 

Liens :

https://www.lesdeplaude.com/

catherineetpascaljametvignerons.com

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