« Je te tiens, tu me tiens par la préjugette, le premier d’entre nous qui rira aura une topette. »
Au sein de la niche des buveurs de faste, des aventuriers antédiluviens, des encenseurs d’une censure snobinarde sujette aux aléas épide(r)miques, réside une non prise de position quant au vignoble du bordelais.
Tantôt louangeant la splendeur d’un grand nectar provenant d’une classification pentatonique et sacrément gauche datant de 1855, ou d’une classification ayant fait son apparition 100 ans plus tard mala-droite-ment de l’autre côté de la Garonne, possédant une sous-classification A-berrante ou B-arbante des jus du giron girondin ; tantôt décriant ces derniers avec un argumentaire redondant, ayant pris ses racines dans un pourtant semblant de vérité.
Le Borde-laid
En bref, voici ici encore, une aire viticole victime des détenteurs rétrogrades de la pensée unique, celle visant à l’ankylose des mœurs, et à l’impossibilité de remettre en question leur savoir prolixe reposant sur leur expérience et titre indiscutables de champions de levers de coudes chevrotants.
De ceux là, vous avez surement entendu ces fameux boniments :
«De mon temps, le bordeaux ça valait rien.»
«Aujourd’hui, on ne sait plus faire du vin, à une époque, ce que les jeunes consomment de nos jours, on appelait ça du vinaigre.»
«Il n’y a qu’à Bordeaux qu’il y a des grands vins.»
Ces dits vinaigres dont raffolent leur progéniture, cette génération de sceptiques, et de sachants fous ayant pour livre de chevet Wikipédia, ou comme guide monothéiste accessible à tous, Instagram, mine d’or recelant de clichés de ce qui est à la mode (ou rémunéré) ou au contraire en disgrâce avec pour Pollice verso les empereurs Algorithme et Hashtag.
Emanant d’eux, vous entendîtes :
«Il n’y a pas de jus vivants sans intrants à boire à Bordeaux, c’est du travail de menuisier.»
«Le Bordeaux c’est trop cher, c’est de l’ordre de l’investissement pour l’avenir.»
«Le seuil de buvabilité des bordeaux est proche de zéro dans leur jeunesse.»
Le borde-laid calomnié par sa patrie, outil du sempiternel conflit intergénérationnel, créateur du paradoxisme, ne servant aujourd’hui qu’à se présenter lorsque l’on voyage dans les confins d’un pays ne connaissant la France que pour la Tour Eiffel, ses croissants, son champagne et son vin de Bordeaux, se voit péniblement en mal d’amour, martyr décrit par Cécile Sorel (dite la Comtesse de Ségur pour les intimes) : «Mes amours ? Je me suis éprise. Je me suis méprise. Je me suis reprise».
Le Bordeaux, couronné, puis destitué peut-il prétendre à regagner ses lettres de noblesse dans les cœurs zélés et factieux des consommateurs français ? Ne mérite-t-il pas de se voir adoubé, puisqu’il n’existe qu’une règle certaine en matière de dégustation comme de vie : nous savons que nous ne savons pas.
Et comme dirait l’autre (celui que l’on n’admet pas être soi) : «Il y a du bon vin partout, suffit juste d’une bonne dose de savoir-donner !»
«Juger, c’est de toute évidence ne pas comprendre puisque, si l’on comprenait, on ne pourrait pas juger.»
André Malraux
Face à tant de contradictions diffamatoires, je me ferai l’avocat du diable et statuerai en faveur de la présomption d’innocence, préférant condamner uniquement l’infamant et respectant la règle «In dubio pro reo», laissant le bénéfice du doute au vignoble bordelais.
Pour ce faire, ce spicilège miniature, bien loin d’arborer les allures d’un manifeste, a l’espoir certain (l’oxymore trouve bien sa place en l’espèce) de sabrer les préjugés, afin de créer un horizon sans ordalies systématiques, et de voir, à l’avenir, d’autres volets porter au pinacle les vins et vignerons de cette région. Comme une envie démangeante de s’attaquer à ce colosse scissionnaire depuis un moment.
Cette dichotomie ne sera pas traitée avec une ferveur éhontée, le but restant d’ouvrir les portes du palais bien gardé par une raison démente, de ces acteurs du goût.
Que ce soit vous, qui semblez avoir percé, pour la première fois hier, les secrets du club que vous pensiez très fermé et élitiste, des «wine connoisseur» ; ou vous soûlographe chevronné dont il serait mal-aisé de vous provoquer en duel, remettant en question votre prompt et affuté jajamètre.
Bon, maintenant que j’ai votre attention, car ne nous mentons pas, nous avons tous, à un moment ou à un autre de notre parcours de dégustation, tenu scabreusement ou secrètement l’un des propos cité plus haut. Votre orgueil, et non votre curiosité s’avère piqué, et rentre donc dans la danse.
Cette danse démocratique où chacun est maître de son libre-arbitre et de sa libre-pensée, excluant tout de même le libre-jugement, oui, si il devait y avoir un pacte entre vous lecteurs et moi rédactrice, je souhaiterais qu’il soit celui-ci : après votre lecture, vous consentez à oublier de juger, enfin à cesser, en d’autres termes !
Car je sais, que loin de vous est l’idée névrotique de perpétuer un comportement instinctif visant à être inféodé à vos propres préjugés, qui « sont comme un cheveu sur la joue. Vous ne pouvez le voir, vous ne pouvez le toucher, mais vous essayez toujours de l’enlever car c’est une sensation irritante », je vous propose donc ici de vous délester de ce poids inutile, et de vous laisser porter au son d’un gospel optimiste à l’instar de l’inspirante contralto Marian Anderson, autrice de cette criante métaphore.
Mais bien loin de moi l’idée de rejoindre le despotisme ambiant en tenant des propos impératifs aux allures liberticides. L’heure est trop grave pour se prendre au sérieux, même si quand la lumière fut Voltaire eut dit «Je ne connais de sérieux ici-bas que la culture de la vigne».
Battons donc le fer lorsqu’il est encore chaud, et allons plus en avant au cœur de la polémique.
L’idée n’est pas de vous noyer dans un amas de chiffres, de dates, d’informations accessibles sur tous les supports à la portée du plus paresseux, mais enfin, pour apporter un semblant de crédit tangible à mon plaidoyer, montrer patte blanche est de mise.
Quelques notions dont on peut aisément faire fi
Voici une présentation grotesque en entonnoir, tout est bon pour vous obliger à saliver et vous représenter ce dit entonnoir comme outil moyenâgeux vous administrant à grandes rasades le seul remède contre tous les maux, le vin. Ou à vous exhorter à vous remémorer l’Allégorie de la gloutonnerie et de la luxure (cf ci-dessous), où l’expression de l’époque de Jérôme Bosh « Boire comme un entonnoir.
Il n’est pas nécessaire de mésestimer l’imaginaire collectif, vraisemblablement nous sommes tous aptes à situer Bordeaux dans le Sud-Ouest de la France.
Ne levez pas les yeux au ciel je vous prie, faire preuve de bassesse de temps à autre nous rend humain, car « Quel est l’homme auquel le besoin ne fasse faire des bassesses ?» emprunté au sybarite Giacomo Casanova.
Le vignoble bordelais se scinde en trois parties ostensibles, qui furent dessinées par les cours d’eau, l’eau se transforme donc en vin.
La rive droite de la Dordogne, la rive gauche de la Garonne et l’Entre-deux-Mers se situant entre ces 2 fleuves.
Certains poussent le vice, et vont jusqu’à diviser le vignoble en 6 parties distinctes : le Blayais et le Bourgeais, le Libournais, L’Entre-deux-Mers, le Sauternais, les Graves et le Médoc.
En ce qui me concerne, je ne différencierai que très grossièrement les deux rives pour une question, non pas de plus fortes inclinaisons ou favoritisme évidents, mais dans l’unique et ludique but de vous garder éveiller et de rendre digeste le contenu de cette thématique souf(f)rant un passé miteux.
Voyons voir, ce qui diverge, et les oppose, outre le latent dédain qu’entretiennent respectivement et inaltérablement les autochtones de la gauche et de la droite, oubliant qu’ils font tous deux partis de maladroites des-rives.
Point Stéphane-Bernais au bord-de-l’eau
Pour l’anecdote, cette vieille et tendant à l’obsolescence rivalité, ayant favorisé la gauche, et donc Bordeaux dans les premiers « classements » datant du Moyen-Age, Libourne s’avérait posséder une zone portuaire prospère faisant de l’ombre à son voisin, à une époque où transformer le commerce fluvial en commerce maritime était synonyme de pouvoir et source d’une indicible richesse. Cette « activité intense qui échappe au contrôle des Bordelais » (emprunté à Sandrine Lavaud) allait à l’encontre de l’hégémonie que Bordeaux essayait d’asseoir sur ses rivaux. Oui, sans surprise c’est toujours une histoire mercantile et politique qui divise, le vin s’avérait la marchandise la plus en vogue transitant par bateaux pour atteindre les g(r)o(s)siers de la Perfide Albion.
Bordeaux la fière conquérante, ne manquait pas d’essayer dogmatiquement de prendre l’ascendant sur les riverains voisins, en arborant un chauvinisme notoire, en cela, quelques restes fanatiques subsistent…vous avez le droit ici de lever vos arcades sourcilières, les deux de consorts, oui oui !
Voyez, je dois moi-même me reprendre face aux avances mutines de la vieille rengaine taclant instinctivement le bordelais…mais comme l’eut dit Montesquieu « j’aime mieux être homme à paradoxes, qu’homme à préjugés». Oui bin, il ne connaissait pas encore l’écriture inclusive ou neutre.
Un peu de civisme à dose homéopathique ne tue personne, allons allons, je garde le cap.
A ce jeu, je suis même cap de dire cela : Ne doit-on pas la renommée mondiale des vins français, à tant de hardiesse, et ce depuis que la vigne est vin ?
Bon, je pousse clairement votre seuil de tolérance dans ses retranchements, je ne voudrais pas frôler l’impudence et vous faire pencher du côté de l’obscurantisme tranchant.
Mais peut-on nier l’effort fournit à l’export ? Démarche cupide ou pas, le vin reste un produit marchand.
Eh puis, nous ne pouvons nier l’existence de l’exceptionnel, oui, je doute que nous ne nous soyons pas tous, au moins une fois, extasiés devant un vieux scabieux, ayant touché du bout de la langue, l’histoire et la gloire.
Aie, mes oreilles sifflent, faites preuve d’un peu de clémence je vous en conjure !
Je vais noyer le poisson, qui n’est pas d’avril, dans les deux rives avec un peu de chiffres ci et là, il paraît que les statistiques bien dosées ça aide à la propagande et à faire taire les foules assoiffées de liberté, euh, de vérité pardon !
Propaglande
AOP (Attribution Obsolète Protégée) : 64 (première apparue en 1935), ainsi qu’une ribambelle de classements.
Superficie : plus de 119 000 hectares.
Altitude : entre 15 et 120 mètres.
Climat : tempéré océanique, doux et humide.
Cépages :
- Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, pour les rouges (environ 90% de la production)
- Sauvignon, Semillon, Muscadelle pour les blancs.
- Autorisés en faibles proportions : Petit Verdot, Malbec, Carménère et Ugni Blanc, Colombard, Sauvignon Gris, Merlot Blanc.
Particularités : assemblage après une vinification de chacun des cépages.
Production : plus de 6 millions d’hectolitres.
Sols :
- sols calcaires
- argilo-calcaires, marneux sur formations calcaires, forte teneur en argiles
- sols sillicieux, sablonneux, argilo-sableux, graveleux
- sols à argiles à graviers dits « boulbènes ».
- Je fais l’impasse sur les sous-sols, c’est une science à part entière que je ne vais certainement pas prétendre maitriser.
Questions/réflexions tarabustées, pouvant exister dans vos méninges
Disclaimer : y répondre frise la forfaiture !
Mes chers lecteurs, vous avez 4 heures.
Blague de cour de récréation à part, cela peut être un sujet de conver(sa)tion au détour d’un déjeuner dominical avec beau-papa (urticante réaction assurée ou pas),d’un verre partagé avec les ayatollahs du nature (un peu d’anima-baston ça dégrise),d’un repas pompeux avec un sommelier d’avant-vivant (référence à l’aire du Vivant, celle où les vins vibrent et ne sont pas momifiés, air-e à laquelle nous nous devons d’aspirer),d’un diner amoureux (ce sera kit ou double, mais doublement révélateur)…
Le négoce Bordelais est despotique et met le couteau sous la gorge à qui vend son vin pour (sur)vivre.
Oui, il y a des figures royalistes à qui couper la tête est une option, l’histoire le prouva lorsque certains eurent joui à tord des pleins pouvoirs.
La Haute Valeur Environnementale dite HVE, petite dernière dans la grande famille des certifications, ressemble à un micmac aux allures de fourre-tout.
Alors voyons, la mention HVE s’appuie sur des indicateurs mesurant la performance environnementale des exploitations. Elle serait fondée sur quatre thématiques : la préservation de la biodiversité (insectes, arbres, haies, bandes enherbées, fleurs …) ; la stratégie phytosanitaire ; la gestion de la fertilisation ; la gestion de l’irrigation.
Il est criard que ça fait rêver sans faire de promesses. Si on embrasse un optimisme benêt, on peut y voir une envie de changement mélioratif, un petit pas pour une humanité mour/v-ante.
Arf…mais après l’opprobre dont fut couverte Valérie Murat, porte parole de l’association Alerte aux toxiques, les foules sont plus que divisées et il n’est pas nécessaire de statuer sur l’évidence. La liberté d’expression en a pris un sacré coût (125 000€), il n’est pas bon de parler de greenwashing de nos jours.
Le Bordeaux Bashing n’existe pas sans raison.
Le scandale de 2014 lié aux problèmes de santé publique du fait de l’usage de pesticides près des écoles n’était pas un mythe. Oui, mais ce qui était évidemment honteux et sans conteste hier, tend à ne plus l’être aujourd’hui et le sera de moins en moins demain grâce à ce type de scandale, ça remue la sphère viticole bordelaise (qui aime paraître « propre » sur elle) et provoque le changement chez ceux qui se pensaient invisibles et libres de continuer à forfaire leurs bassesses.
Même si la jurisprudence est pauvre et loin de pénaliser les responsables à hauteur de leurs méfaits (5000€ d’amende avec sursis pour les deux domaines visés, dont l’un en Bio…aie aie aie, promettez moi que je ne vous ai pas perdu dans les limbes de vos vieilles idées reçues !), ne doutons pas que ces pestiférés périssent dans leurs pesticides. Ne voyez là aucun emportement, je suis une personne mesurée toute de délicatesse vêtue.
Mais enfin, essayons de faire preuve de magnanimité face à ce qui est en marche plutôt que d’encenser, par des gloses, le comportement des arriérés qui méritent le bûcher. Ils existent oui, et les exposer à la lumière du jour est de mise, mais tomber dans une généralisation excessive par usuel raccourci, ne fait pas de nous des êtres plus éclairés.
Toutes les aires viticoles ont besoin d’un coup de pouce pour sortir des méandres de la mauvaise réputation, on peut même tomber en rêverie et penser au Beaujolais, au Muscadet, et à tous ces noms anciennement porteurs et annonciateurs de dégoût et de mésaventure.
Et à tous les vignobles (de renom) ayant subi les affres d’esclandres à vous donner des sueurs froides, et ce même après avoir été réchauffé par un verre, que dis je, une bouteille, d’un nectar tantôt Bougon, tantôt Ronchon, tantôt LangouReux. Et croyez moi, chacun a son sombre passif.
Il est de notoriété publique que les traditions sont dures de la feuille, mais « au lieu d’être une racine, la tradition est un couvercle, et qui ferme bien », alors soyons ouverts par le biais de notre philanthropie à l’instar de l’iconoclaste Nicolas Bouvier.
Les classements sont aberrants, inintelligibles et obsolètes.
Alors, que dire, oui, car comme vous le savez les classements (qu’on méprise ici sans surprise) sont pléthoriques et basés sur un monticule de critères sans lien étroit avec le jus de raisins fermentés. Mais les traditions sont aussi une forme de patrimoine, si on décide de temps à autre de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Il existe 5 classements, oui rien que ça, attention, c’est aussi ténébreux et énigmatique que le Mordor, rien d’étonnant, Sauron, plus connu sous le nom de l’INAO en porte la maternité et la quasi paternité.
- Grands Crus Classés de 1855 : 60 crus hiérarchisés (j’en ai la nausée aussi rassurez-vous) du Médoc, 1 cru des Graves (une idée concernant ce petit chanceux ?) du côté des rouges ; et 27 crus Sauternais et Barsacais du côté des liquoreux.
- Crus Classés de Graves de 1953 : 16 crus classés non hiérarchisés, 7 en rouge, 3 en blanc, 6 en rouge et blanc. Une bévue substiste, comme si porter deux chapeaux allait vous protéger davantage des intempéries médiatiques, un cru existe dans les deux classements, le petit veinard plus haut.
- Grands Crus de Saint-Emilion de 1954 : 82 crus classés, 64 Grands, et 18 premiers à être grand.
- Crus Bourgeois du Médoc de 1932 : cela concerne environ 250 propriétés chaque année, soit quasiment la moitié de la production médocaine.
- Crus Artisans du Médoc de 1989 : naît d’une tradition séculaire, ce classement fut reconnu en 1994 par les réglementations européennes, et est revu tous les 5 ans, 36 propriétés furent élues favorites en 2017.
Les grands pontes régissants la place de Bordeaux sapent les artisans qu’ils jugent marginaux.
Rudolf Steiner eut dit « seul peut émettre un jugement sur l’agriculture celui qui tire ce jugement du champ, de la forêt, des animaux qu’il élève », à bon entendeur, le message est clair et la réponse limpide.
Tous les non-conformistes, les pionniers, les bien-penseurs, les altruistes, les génies en avance sur leur temps furent mises en marge, stigmatisés, raillés, affublés d’occultistes, mais ils n’en restent pas moins des précurseurs de renom pour les curieux à l’esprit ouvert.
Tous les David peuvent venir à bout d’un Goliath, il suffit juste de leur insuffler confiance, bienveillance et refuge. Cela pouvant passer par nous, consommateurs, ne plus bouder ou fuir lorsque l’idée de se délecter d’un jus bordelais nous parvient aux oreilles, il nous suffit d’exorciser ce simple mot en lui allouant plus de neutralité que d’animosité.
Bordeaux, le repère des vins techniques, du soufre, de la chimie et du bois.
Un bruit d’histoire traîne, cela daterait des grandes chaleurs de 1959 et 1961, qui auraient poussé les œnologues, quidams inconnus avant la guerre, à jouer de la technicité comme on joue de la cornemuse dans un orchestre symphonique, revoyant les techniques de vinification à la hausse.
Interventionnisme poussif, que l’on sait néfaste, à TOUS les égards, ceux feignant l’innocence dans leur château doré sont avertis et ne peuvent désormais plus prétendre ; quant à ceux encore aujourd’hui, incapables de soutenir le poids financier d’une conversion, ceux là ne sont pas à mettre au pilori, pérorer à leur sujet est malfaisant si leur réel but est de tendre à une culture propre.
En attendant, une ribambelle de terriens au bon sens et à la jovialité manifestes, vous proposent des cuvées à destituer vos certitudes, et ils ne se comptent pas seulement sur les doigts majeurs de la droite et de la gauche.
NB : N’hésitez pas à nous solliciter pour vous diriger vers des domaines dignes de confiance, que vous soyez plus de gauche ou de droite, peu importe. Pardonnez les airs de slogan autocratique. Liste non-exhaustive en fin d’article.
Où est le raisin, on ne sent que le bois (copeaux, barriques neuves, bâtonnages sur lies…) les tonneliers devraient demander des royalties, on n’en peut plus de la palette boisée.
C’est vrai que les élevages en barriques neuves (de 225 litres, dites bordelaises, halte là, on retient les chevaux ! Je vois déjà votre mou confirmante) pour les blancs comme pour les rouges, par souci de tradition, de diktat parkerisant, de camouflage, etc…ça discrédite et ça ne nous émoustille pas !
Même si, pour rappel, ces dites barriques virent le jour au XVIIIème, pour faciliter les transports, puis garantir une garde défiant le champ des possibles. Depuis les années 2000, de nombreux changements opèrent dans les chais : utilisation de contenants en chêne plus gros (jusqu’à 500L), réduction de la proportion des barriques neuves, diminution de la chauffe lors de la fabrication des barriques.
Luca Manzoli et Publilius Syrus, deux érudits d’une époque et d’un courant différent n’ont pas grand chose en commun, si ce ne sont le vin, et ces citations respectives « Rome ne s’est pas faite en un jour » et « Hâte toi lentement, et tu avanceras.».
Bordeaux, c’est le berceau de la Parker-isation (ayant pour synonyme dans le jajactionnaire : standardisation) aidé par son acolyte français M. Relent.
Il paraît que les lecteurs de NBNC font totalement fi des notations et de certains guides météorologiques. Eh puis, avouons le nous, nous n’aimons « pas la beauté standard, il n’y a pas de beauté sans étrangeté », feu Karl visait juste.
Vous pouvez y aller de bon cœur à bon train concernant ceux s’enrichissant sans scrupules dans l’oubli total de l’essence même du vin : partage, humilité, respect, plaisir, juste prix.
Ceux aussi, gagnés par l’avarice courant toujours inextricablement après les caduques médailles.
Pour les autres, exemplaires, ou ceux en devenir, le soutien est de mise, et cela commence par ouvrir les portes de votre esprit et fermer les fenêtres d’un dénigrement toujours hâtif mais surtout punitif.
Les prix bordelais sont prohibitifs.
L’on trouve de tout, ceci n’est plus un argument recevable que l’on peut clamer à bout de souffle, si ce n’est que, les petits prix sont minoritaires du fait de toutes les infirmations et injonctions sus-citées.
Mais voyons, il reste aisé de trouver des jus girondins propres entre 10 et 20 euros !
A toutes les invectives qui vous habiteraient encore, je n’ai qu’une réponse, buvez.
Pratique futée et (ap)prouvée
Après avoir dépeint effrontément le squelette poussiéreux sorti du placard du borde-laid, on va lui donner vie en vous en dévoilant ses charmes, afin qu’après minuit en jour de semaine avec des amis ou seuls, vous l’appeliez beaurdelais.
Cette sélection bue et digérée sera classée par ordre décroissant, je vous laisse deviner quel est le critère préalablement décidé, vous trouverez ici toutes les couleurs, même celles que l’on ne classe pas :
- Château l’Hermitage de Sylvie et Christian Aubry, Pessac-Léognan, Graves rouge et Graves blanc => belle représentation ampélographique de la région, c’est précis et propre – de 10€. Bio peu interventionniste
- Tire Pé d’Hélène et David Barrault, Bordeaux, Diem 2018 (merlot) => pour les amateurs de nature peinture, après le passage en carafe ça se goulaye, et c’est sans fioritures – de 10€. Nature
- Château Brandeau de Julien Voogt, Castillon Côtes de Bordeaux, Joue Franc Jeu 2018 (cab franc) => des airs ligériens bien agréables – de 15€. Bio depuis 25 ans
- La Fleur Garderose de Christophe Pueyo, Saint-Emilion, La Fleur Garderose 2018 (merlot, cab franc) => souple et digeste – de 15€. Bio
- Le Geai d’Henri Duporge, Bordeaux, Pure Carménère 2015 => complètement déconcertant, toutes les cuvées valent un coup de nez – de 15€. BioD Nature
- Château Lamery de Jacques Broustet, Bordeaux, Bulles d’or 2012 (sémillon) => inclassable gourmandise perlante et élégante rareté – de 20€. BioD Nature
- Domaine Rousset Peyraguey d’Alain Déjean, Sauternes, Oxydatif 2010 (VDF, sémillon, sauvignon, muscadelle) => un superbe oxydatif, parfumé et équilibré, rareté – de 20€. BioD
- Clos du Jaugueyron de Stéphanie et Michel Théron, Margaux, Haut-Médoc 2016 (cab sauvignon, merlot, petit verdot) => pour ceux qui veulent renouer avec le bordeaux comme on le rêve – de 20€. BioD
- Closerie des Moussis de Laurence Alias et Pascale Choime, Margaux, Haut-Médoc 2019 (cab franc et sauvignon, merlot) => joli vin indomptable qu’il est bon d’ouvrir pour se voir envoûté – de 25€. BioD Nature
- Clos 19 Bis de Vincent Quirac, Sauternes 2018 (sémillon, sauvignon, muscadelle) => précisément confit sans bois saturée le palais – de 30€. Bio
- Domaine de l’Alliance de Daniel et Valérie Alibrand, Sauternes, Définition 2019 (sauvignon, sémillon) => incroyable blanc tendu, gros coup de cœur ! – de 30€. BioD
- Château Le Puy de Pascal Amoreau, Bordeaux Côtes-de-francs, Rose Marie 2016 (rosé de saignée d’un de ces 3 cépages merlot/cab sauvignon/carménère VDF) => d’une finesse antithétique avec ce qu’annonce la couleur, comme quoi, il ne faut même pas se fier à l’œil – de 30€. Bio
- Château Gombaude-Guillot d’Olivier Techer, Pomerol, Pom’N’roll 2015 (merlot, malbec) => sacrément juteux, mais ne manquant pas d’être identitaire – de 40€. BioD
- Domaine Osamu Uchida, Pauillac, Pétillant Naturel 2020 (Cabernet Sauvignon) => une pépite pour les amateurs de bulles funky et salines – de 30€. BioD
- Châteaux Bel Air Marquis d’Aligre de Jean-Pierre Boyer, Margaux, quelque soit le millésime => c’est très élégant et racé, faisant un pied de nez aux stéréotypes – entre 40€ et 50€ même sur des vieux millésimes encore disponibles à la vente. Pas de certification mais il est dans la sélection pour son audace et sa typicité précurseuse, aucune barrique, élevages longs en cuve béton, avec 30% respectif de merlot, cab franc, cab sauvignon et une pointe de petit verdot, ça a le mérite d’intriguer n’est-ce pas ?
- Château Pontet-Canet d’Alfred et Justine Tesseron, Pauillac 5ème Grand Cru Classé, Pontet-Canet 2010 => ça nous replonge en enfance, quand on humait les verres des patriarches lors des repas dominicaux, quand nous n’étions qu’innocence + de 150€…oui. BioD depuis 2010, Bio depuis 2004. Pas de certification apparente, la discrétion évitait d’être affublé d’occultiste, malgré la notoriété, le changement faisait peur.
- Château Palmer de la famille Sichel, enfin Thomas Duroux, Margaux 3ème Grand Cru Classé, Palmer 2000 et Alter Ego 2011 => le petit Jésus en culotte de velours pour le premier, expression datant de mathusalem car le vin lui même rappelle un temps qui n’existe plus ; le second est consensuel, on ne peut rien lui reprocher mais delà a l’aduler. + de vous ne voulez pas le savoir, enfin si moins de 500€. BioD depuis 2014 avec quelques « exceptions ».
NB. Instant partage. Mon vieux scabieux, celui dont je parlais plus haut, qui nous fait rejoindre les Pro-bordeaux en une lampée, qui nous apprend l’humilité par sa grandeur => Château Lafleur de Sylvie et Jacques Guinaudeau, Pomerol 1988 et 1999. Et vous ?
Bon ces cuvées ne sont citées que parce qu’elles ont été dégustées, puis bues, puis re-bues ; néanmoins libre à vous de goûter l’ensemble des gammes, ou de vous rapprocher du travail de ces femmes et hommes artisans afin de venir à bout de vos ressentiments.
Le Bordeaux s’avère donc en voie de guérison vers le mieux, et tend à ne plus être le parfait cas pratique du Goût des pesticides de Gilles-Eric Séréliani et Jérôme Douzelet.
A VOS VERRES !
Face à cet amas d’informations fondamentalement frivoles, vous êtes libres d’épouser vos vieilles pantoufles vous confortant dans vos croyances d’avant lecture, ou, de courir chez votre caviste et lui demander un bordeaux qui saura vous séduire, vous, selon vos aspirations du moment, les vôtres, pas celle d’un-e crétin-e d’Instagram, influenceur-euse-s en mal de (re)connaissances ! A bon entendeur masochiste et flagellant…
Ce vin qui, vous obligera, sans l’ombre d’un doute fugace, à vous asseoir sur ce dit confort, laissant la magie opérer, afin que l’envoûtement fustige votre raison, rendant votre cœur et vos sens, seuls maîtres à bord.
Après tout, un homme, père de la débauche, eut dit « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » Plaise Rascal.
Glossaire
Le repentir : fait de ressentir le regret d’un péché avec le désir de le réparer ou de ne plus y retomber.
Là où il y a péché, il y a bacchanales.
Là où il y a repentance, il y a clémence.
Là où il y a sentiments, il y a espoir.
Crédits photos :
- La carte des vins s’il-vous-plaît, de Jules et Charlie
- Michel Tolmer
Sources :
Chiffres et dates : https://www.bordeaux.com/fr
Pour le reste, beaucoup de lectures, mais surtout mises en pratique de théories pas si hasardeuses.
Acclamer le courage je vous prie, quel dévouement ! Tout cela uniquement pour étayer mes propos et vous rallier à la cause du bon (sens, goût, etc du bon quoi).
Glossaire Bis :
Bois-sans-soif : pas besoin d’excuses.
Rédactrice : Charlotte de Lucien et son vin
Il n'y a aucun commentaire.