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Les Défauts dans le Vin

Par Nicolas Stoffel | 2 mai 2022 | Blog | 3 commentaires

« L’acte physique élémentaire, consistant à ouvrir une bouteille de vin, a apporté davantage de bonheur à l’humanité que tous les gouvernements de l’histoire de la planète ». Jim Harrison

Nous sommes bien d’accord mon cher Jim, le vin de tous temps fut et reste un objet de plaisir. Mais malheureusement quelques fois ce moment de grâce peut être mis à mal par ce que l’on nomme couramment : un défaut.

Mais l’intérêt que l’on porte aux défauts dans le vin reste un sujet relativement récent. 

Car oui, approximativement 30 à 40 ans en arrière, le vin pouvait seulement avoir un ou deux problèmes pensait-on : le bouchon et selon, l’oxydation. Mais encore fallait-il savoir les identifier correctement et en comprendre le pourquoi du comment.

Dans les 10 à 15 dernières années, nous avons pu constater une évolution de la pensée autour du vin. Celle-ci est due notamment à la globalisation et généralisation de la consommation du vin, mais aussi à la popularité grandissante des vins dits natures. Dès lors, l’identification de ses défauts devient un sujet de conversation croissant. 

En allant un peu plus loin, quelques autoproclamés ayatollahs du vin nature iront jusqu’à dire que certains de ces nouveaux défauts n’en sont pas vraiment mais plutôt des déviances voire des traits de caractères utiles et appréciables.

En essayant de prendre le moins de parti pris possible, nous allons vous dévoiler certains de ces dits défauts, en tous les cas, quels ressentis ils vont vous procurer. A chacun sa sensibilité, et de ce fait, de dire si ces défauts en sont réellement ou pas pour vous.

1/ A long time ago in galaxy far far away… euh, pas si lointain que ça en fait.

Notre histoire débute dans les années 90 avec un charmant jeune couple qui arrive dans un restaurant. Jusque là, tout se passe bien. Le maître d’hôtel leur  apporte les menus. Le sommelier arrive avec la carte des vins et la donne à monsieur (et oui, à ce moment précis, on en est encore là). Le décor est planté. 

Choisir un vin et le commander a toujours été le moyen ultime de démontrer que l’on possède des connaissances sur ce produit mystique et occulte. Cette image élitiste que peut conférer cette boisson pour beaucoup, d’autant plus à cette époque là. Et notre Roméo du jour le sait bien. Il veut impressionner sa belle, choisit donc un vin avec une appellation connue de préférence car ça reste une valeur sûre, gage de qualité et que surtout, ça marche à tous les coups. Tout est parfait.

Le sommelier, un poil nonchalant et condescendant (roooooooh, un brin d’autodérision n’a jamais fait de mal) arrive avec la fameuse bouteille, l’ouvre et se prépare à faire goûter monsieur. Et là, c’est le drame, un grain de sable vient d’enrayer la machine ou plutôt devrais-je dire une odeur, un goût… quelque chose ne va pas mais quoi ? Comment exprimer ce ressenti bizarre qui nous fait dire que ce n’est pas normal sans passer pour le dernier des idiots. Car après tout, finalement, cette odeur, ce goût ne serait-il pas « normal » ? Le sommelier ne m’a rien dit … Ne serait-ce pas juste quelque chose que je ne connais pas. Ai-je choisi le bon vin… mon rencard, mais mon dieu, que va-t-elle penser ? Tant d’incertitudes en quelques secondes car mes sens me disent qu’il y a un problème… mais que faire.

Eureka ! Je sais ! Le mot ultime, celui qui va me sauver de toute cette pression et qui me fera passer pour un connaisseur aux yeux de tous. « Excusez moi, mais je crois que ce vin est bouchonné » et oui, le gros mot est lancé, celui  qui devrait me sortir de ce mauvais pas… ou pas.

« Houston, we have a problem » 

Le goût du bouchon ou si voulez impressionner un peu plus votre entourage appelez le « TCA » pour les intimes.

On dit d’un vin bouchonné qu’il a aussi un « goût de bouchon ». C’est un défaut du bouchon provoqué par la molécule TCA (trichloroanisole) qui altère le goût du vin et la détériore. La présence de cette molécule donne au vin une odeur désagréable de bois pourri, de renfermé, de poussière, de moisi. En bouche, un goût de carton mouillé avec un arôme de liège prononcé. Ce n’est pas mauvais pour la santé , mais le vin sera considéré comme« impropre » à la consommation car imbuvable. Un goût léger de bouchon peut être difficile à sentir, mais pour sûr, il nuira au joli bouquet aromatique du vin.

« J’ai attrapé un coup d’soleil, un coup d’amour, un coup d’je t’aime »

On me fait signe que non, ce n’est pas ça… un second mot me vient à l’esprit, je l’ai entendu à des repas de famille : vin madérisé.

Mais entre madérisé et oxydé, il existe une légère nuance que nous allons voir tout de suite.

Au contact de l’air, une partie de l’alcool présent dans le vin sous forme d’éthanol se transforme en éthanal. La robe du vin oxydé perd de sa vivacité pour évoluer vers des nuances plus sombres pour les blancs, tuilées pour les rouges. Cette oxydation, qui est irréversible, altère la couleur mais aussi le goût du vin. 

Elle en modifie l’équilibre du vin qui perd en fraîcheur. Des arômes de noix essentiellement mais aussi de curry apparaissent. L’oxydation est un processus naturel qui peut être souhaitée et contrôlée (pour le vin jaune du Jura par exemple). Elle permettrait de bonifier le vin en lui donnant une certaine complexité. En revanche, ces arômes de noix non maîtrisés masqueront les arômes primaires et amèneront un déséquilibre désagréable en bouche.

La chaleur peut également accélérer le processus de vieillissement du vin. En général, on parlera plus de madérisation dans ce cas là. Malheureusement, jamais dans le bon sens, puisqu’elle amènera une oxydation prématurée. Sur une longue période, le bouchon risque de s’assécher, la coulure survient (en s’asséchant, le bouchon rétréci et ne joue plus son rôle, l’étanchéité n’y est plus et le vin peut légèrement s’échapper de la bouteille)… et là, c’est le drame.

2/ Retour vers le futur, ou plutôt quand Dame Nature reprend ses droits

A l’aube de l’an 2000, le vin arrive en force et sa consommation s’est démocratisée auprès des plus jeunes. Il n’est plus l’apanage d’une élite. Fini les sommeliers et les jolies cartes des vins réservés aux  restaurants gastronomiques. Le vin s’est popularisé. L’émergence de cavistes, bar à vins et autres restaurants bistronomiques ne fait que confirmer ce constat. Et sur cette voie, une autre mode est arrivée à grand pas, celle des vins dits bio/biodynamiques/natures et consorts que certains ont voulu, malheureusement, à nouveau rendre élitiste. Mais ceci est un tout autre débat.

Aujourd’hui, notre couple est depuis longtemps marié. Monsieur, qui aime le vin, s’est vu offrir des cours d’œnologie en cadeau de la part de Madame. Il a remisé au placard et vendu ses grands crus de Bordeaux pour les remplacer par des vins natures du Languedoc et du Jura. Et avec ce package va venir un tout nouveau vocabulaire qui va, pour sûr, en impressionner plus d’un.

Car oui, les vins natures ont leur style, leurs particularités… Mais comment reconnaître un défaut d’une typicité dans ce marasme de mots que je trouve malheureusement trop souvent utilisés à tort et à travers. Ils sont tel un quartette prêt à jouer leur partition dont voici les actes majeurs :

« Z’ai cru voir un ‘rominet »: la Souris.

Notre cher Roméo, en amoureux convaincu, part en vadrouille dans ces nouveaux lieux de culte où le vin nature est roi (bio/biodynamique ça marche aussi of course). Et là, il se demande pourquoi il a revendu sa caisse de 1er cru classé Bordeaux pour ces vins qui, à chaque gorgée, le décontenancent de plus en plus. Mais voici qu’apparaît un goût rance, un arôme de saucisson, un vrai plateau de charcuterie en milieu de bouche qui casse les arômes de fruits du vin. Mais qu’est-ce donc que cela ??? Ah! Il entend quelqu’un dans le groupe s’exprimer : « cette petite souris est fabuleuse et nous montre la grandeur et le côté 100% nature de ce vigneron »… Pour moi, cela reste cependant un vilain défaut.

« Martine va à la ferme » : la Brett.

Mais notre Roméo n’est pas au bout de ses surprises. 

Depuis plusieurs jours, il entend sur les réseaux et groupes de discussions un mot qui décrit beaucoup de vins natures : la brett.

Apparemment, pour certains c’est cool, pour ne pas dire essentiel aux vins natures. D’ailleurs, c’est à cela qu’on reconnaît un vin nature, voyons! Pour d’autres c’est tout bonnement répugnant. La Brettanomyces ou « brett », entre vous et moi, est une levure qui développe des arômes d’animal, de cuir. Lorsqu’il y en a des traces comme chez certains vignerons, cela peut amener un plus. Car oui, une pointe de brett, ce n’est pas la fin du monde. Mais lorsque la brett prend le dessus… aïe aïe aïe, cela a beaucoup joué dans la mauvaise réputation des vins natures avec leur cortège d’odeurs de poney, d’écurie, de fumier… que du bonheur.

NB : Pour la brett comme pour la souris, une pointe de sulfites (quasi rien ne vous inquiétez pas) permettront de résoudre ces problèmes. Beaucoup de vignerons travaillent sur le moment où utiliser ses sulfites pour en minimiser les doses et « endommager » le moins possible les arômes du vin.

« 2ème démarque, -70% » : la Réduction.

Et voici qu’en ouvrant une bouteille et en se servant un verre du fameux nectar, notre Roméo sent une odeur étrange et un peu désagréable comme des arômes d’œuf pourri. Décontenancé, il apprend, au détour de  groupes de discussions, un nouveau mot : la réduction. C’est finalement tout l’inverse de l’oxydation. Certains cépages sont bien connus pour aimer cela : la Syrah en est un excellent exemple. Des erreurs en cave peuvent aussi amener à ce problème, avec un taux d’oxygène mal géré si l’on peut dire, durant les stades de vinification et maturation. Rien de bien méchant, il suffit de carafer le vin et de bien l’oxygéner. En général, ça suffit pour le remettre sur pied.

« Shaken not Stirred » : la Perlance.

Et voilà autre chose! Notre Roméo n’a pas commandé un lambrusco. Alors pourquoi ces petites bulles  sur le bout de la langue viennent-elles chatouiller son plaisir? Pas de panique. C’est tout simplement ce qu’on appelle la perlance.  Là aussi rien de méchant. Le CO2 protège le vin de l’oxygène, étant plus lourd que ce dernier, en formant une zone tampon qui en est dépourvue. Perso, je dis oui oui oui. Il suffit de bien aérer le vin, voir mettre son pouce sur le goulot de la bouteille, bien shaker pour enlever tout ce CO2 et bim vous n’avez plus qu’à profiter.

Quant à notre couple… ils vécurent vitis vinifera heureux et eurent beaucoup d’enfants.

3 commentaires

  • Avatar Loos dit :

    Complètement en phase avec cette belle histoire d’amour 🥰

  • Avatar Guillaume dit :

    Très bon article, une façon marrante de présenter les défauts qu’on peut retrouver dans nos quilles préférées ! Vous parlez de vins nature mais on est d’accord que beaucoup de ces défauts sont – malheureusement – aussi présent dans les vins plus conventionnels

  • Avatar reynaud Claude dit :

    Pour Guillaume : il y a des défauts aussi dans les vins conventionnels mais dans des proportions infiniment plus basses : 70 % dans les vins « naturels » ! Et 1 pour mille chez les conventionnels. J’ai les chiffres…
    Si le sujet vous intéresse (ce n’est pas de la pub, mon éditeur s’en charge…) je viens de sortir un livre aux éditions Libre est solidaire : VIN BIO ET SANS SULFITES. MYTHE OU REALITE ?

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