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Comment est votre Clairette ?

Par Romain Becker | 25 mars 2021 | Reportages | 0 commentaire

En septembre dernier, à mon retour de vacances, je me retrouve à évoquer les doux souvenirs d’été autour d’un verre avec des amis. Mon périple a commencé en Auvergne avant quelques jours dans le village de Die, au pied du massif du Vercors. « Die ? » s’étonne un ami. Oui, la ville de la fameuse Clairette de Die, dans le pays diois. « Ah oui la Clairette de Die » s’exclame t’il. J’ai ensuite demandé à mon ami s’il connaissait la Clairette et s’il en avait bu récemment ,et comme à chaque fois, « Non, mais je connais de nom« ….

Bon sang ! Die, 4000 habitants à l’année, le cœur de la Drôme, à une heure de route à l’est de Valence. Une vallée encaissée entre le majestueux Vercors et la Provence des cartes postales. Le paradis de la randonnée est l’un des départements les plus bio de France avec des élevages et maraîchages vertueux à ne plus savoir qu’en faire. Un nombre d’atouts incroyable et pourtant peu de personnes sont  capables de la positionner sur une carte. En revanche, prononcez le mot Clairette et vous avez 100% de chances d’entendre quelqu’un dire « ah oui la Clairette de Die ». Tout le monde semble connaître ces vins pétillants composés de muscat, de clairette et d’aligoté mais finalement peu de  personnes en boivent. Alors d’où vient cette notoriété ?

Zoom sur la fameuse Clairette de Die

Le Diois, c’est environ 1700 hectares de vignes éparpillés sur une cinquantaine de kilomètres d’est en ouest, entre Châtillon-en-Diois et Crest. Il y existe 4 appellations viticoles dont la fameuse Clairette de Die, mais aussi le Crémant de Die et les vins tranquilles Côteaux de Die et Châtillon-en-Diois. La surface de production est comparable à celle du vignoble du Jura ou des  appellations Crozes-Hermitage et Vouvray. Ce n’est donc pas rien, de quoi produire environ 12 millions de bouteilles par an, sous un climat semi-continental et semi-méditerranéen. Mais parlons un peu plus de ce vin justement…

La Clairette de Die est un vin effervescent, dont le taux d’alcool n’excède pas les 7 à 8 degrés. Vous l’aurez donc deviné, c’est un vin doux. La Clairette est composée à 75% minimum du cépage muscat, qui lui donne ses arômes fruités caractéristiques, puis du cépage clairette et de l’aligoté. La légende raconte que ce vin est évoqué par Pline l’Ancien dans ses écrits. La Clairette aurait été découverte par les Voconcois, ancêtres des Diois, en abandonnant des jarres de vin dans la rivière pendant un hiver complet, donnant l’arrivée de bulles. La production se fait aujourd’hui selon la méthode ancestrale, héritage de cette découverte. Les raisins sont fermentés à basse température (autour de 0 degré) avec les levures indigènes puis, lorsque le liquide titre à 5%, a lieu la première mise en bouteille. La fermentation se poursuit jusqu’à 7 à 8% d’alcool et le vin est alors filtré puis remis en bouteille, prêt à être vendu. Il s’agit donc d’un vin pétillant naturel, souvent synonyme de fête. Fruité et doux, il est très facile à boire, ce qui a fortement contribué à sa renommée. Mais il y a un autre élément clé : son prix.

Lien vers le site web de la Clairette de Die en cliquant ici.

La Clairette de Die, un vin populaire

La plupart des bouteilles de Clairette se vendent entre 5 et 10 €. Les Clairettes haut de gamme aux alentours de 15 €. Oui vous avez bien lu. Il s’agit donc d’un atout majeur sur lequel est basée la stratégie commerciale de Jaillance, la coopérative locale représentant à elle seule 73% des volumes récoltés, ce qui est considérable. Historiquement, elle a misé sur les prix bas, la vente en grande distribution et le tourisme local (la cave Jaillance accueillant près de 120 000 personnes par an). Pour développer les ventes, de nombreuses actions de communication ont été mises en place, dès les années 60, par le syndicat avec des animations et des dégustations dans les supermarchés, ainsi que des campagnes d’affichage, notamment dans le métro parisien.

Ces vins ont donc accompagné l’essor de la grande distribution en étant toujours en mesure de produire les volumes nécessaires pour répondre à la demande. La Clairette de Die est aussi un vin consommé localement par les nombreux touristes, en plus d’être un vin relativement bon marché dans la grande distribution. Ce qu’on peut appeler un vin populaire. De quoi sérieusement concurrencer le Champagne mais aussi les crémants produits dans  toute la France. Et il faut le dire, la stratégie a fonctionné ! Mais depuis 4-5 ans, les ventes baissent chaque année d’environ 2%. La faute à moins de communication et à l’arrivée massive du prosecco en France soutenu – lui – par une promotion importante avec, notamment, la mode du spritz.

Oui, on trouvait de la Clairette de Die chez Mammouth

Les idées et les essais abondent dans le Diois pour essayer d’enrayer cette baisse des ventes car l’AOC a un atout majeur : le nombre de domaines en bio. D’ici 1 à 2 ans, 30% des surfaces seront cultivées en bio. Les conversions ont subi un léger frein autour de 2015 quand Jaillance a décidé de réduire le prix d’achat des raisins bio. A cette époque, près de 50% des raisins livrés en bio sont mélangés avec des raisins conventionnels, comme nous l’explique Fabien Lombard, ancien président du syndicat viticole de la Clairette. “Le marché n’était pas encore prêt, la demande était moins importante que ce que nous pouvions fournir”. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, la demande pour les produits bio croît de plus en plus chaque année, y compris dans le vin. D’autres pistes sont explorées pour séduire davantage de consommateurs, notamment un travail sur la baisse du taux de sucre résiduel. Des essais sont à suivre dans les années à venir…

En 2015, cette nouvelle politique de prix d’achat des raisins au sein de la coopérative a évidemment créé quelques tensions. Vincent Lefort, ancien vice-président de la coopérative, a ainsi quitté le groupement pour en créer un nouveau avec Cyrille Copier sous le nom de Côté Cairn. Les 33 hectares sont intégralement cultivés en biodynamie et la vinification est réalisée par la cave Monge-Granon, autre gros acteur de la région, qui en a profité pour passer au bio avec cette association.

Les artisans de la Clairette

Mais la Clairette et le Crémant de Die, ce sont aussi de valeureux artisans qui ont fait le choix de l’indépendance. Au domaine Achard-Vincent, le choix du bio s’est fait en 1968, faisant du domaine l’un des pionniers dans ce mode de production. A l’époque, c’est le grand-père de Thomas qui dirige le domaine et il voit arriver les produits phytosanitaires de synthèse qui vont soulager le travail de générations de vigneronnes et vignerons, souvent au détriment de la qualité et de la personnalité des vins. Le grand-père de Thomas refuse ces produits. Il ne ménage pas sa peine et transmet son amour du métier, sa méticulosité et sa rigueur à son fils et à son petit-fils Thomas. En 2005, ce même Thomas rencontre par hasard Jean-Pierre Frick lors d’une formation. Ce vigneron alsacien, précurseur de la biodynamie dans sa région (certification Demeter en 1985), le convainc des bienfaits de cette méthode culturale. Ni une ni deux, il lance la conversion du domaine qui passe totalement en biodynamie sur ses 11 hectares dès 2006. Thomas a très vite constaté les effets : des vignes en meilleure santé, des raisins plus sains et davantage de matière dans les vins. Une amélioration de la qualité dont le vigneron est très fier. Et quand on lui demande ce qu’est une bonne Clairette, il répond sans hésiter : « Une bonne Clairette, c’est quand on en boit un verre et qu’on a tout de suite envie d’en boire un deuxième ».

Le domaine propose six cuvées de Clairette de Die et deux crémants produits selon la méthode traditionnelle, comme les autres crémants de France. Les ventes se font principalement dans les magasins bio (réseaux Biocoop notamment) et en vente directe au domaine. A noter que sur la cuvée Gabrielle de Richaud, le vin est élevé cinq à six années sur lies avant d’être vendu. De quoi ajouter de la complexité à des vins déjà fins et ciselés.

Crédits : Juan Robert

Fabien Lombard, quant à lui, a un domaine atypique dans le secteur. Situé à Suze, au nord-est de Crest, le domaine Peylong profite d’un climat davantage rhodanien. Il ne produit qu’une seule cuvée pétillante, une Clairette de Die brut 100% Clairette, mais aussi trois rouges et un rosé en IGP Drôme, ainsi qu’un blanc en appellation Châtillon-en-diois. Il travaille évidemment la clairette mais également la syrah, le cabernet sauvignon, le viognier, la marsanne, la roussanne et également un peu de grenache et de mourvèdre. Le domaine est certifié bio depuis 2009.

Crédits : Juan Robert

Pour finir, arrêtons-nous sur une cuvée surprenante mais qui vaut le détour : l’aligoté de Côté Cairn. Produit dans la vallée de Barnave sur la parcelle de Laye, ce vin tranquille 100% aligoté tout en fraîcheur et finesse tirerait son épingle du jeu même en Bourgogne.

Alors, à quand votre prochain verre de Clairette ?

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Rédacteur : Romain Becker

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