En cette rentrée, l’équipe Ni bu ni connu s’est retrouvée Au Pays autour d’huîtres, de bulots, de poêlées de légumes et de parmentier de lieu… Pour joindre l’utile à l’agréable, nous avons eu le plaisir de goûter une série de vins sélectionnés pour l’occasion. Leurs points communs ? Un cépage, une mosaïque de terroirs et un climat océanique. Vous pouvez le deviner par le menu, nous avons goûté au Muscadet Sèvre et Maine.
Outre le début de la saison des huîtres (alléluia!), nous avons choisi de mettre cette région à l’honneur parce qu’elle est bien souvent sous-cotée. Si nous avons l’habitude de partir à la découverte des vignobles méconnus, nous aimons aussi pourfendre les a priori et creuser au-delà des idées reçues les terroirs renommés, voire galvaudés.
Dans ce compte rendu de notre dégustation, vous pourrez apprécier la diversité et la polyvalence de ces vins. Vous verrez aussi pourquoi une vinification lente et un élevage prolongé leur confèrent un fort potentiel de garde. Vous comprendrez mieux notre invitation à oublier ces étonnants Muscadets dans votre cave !
Un cépage et des terroirs
Le Melon de Bourgogne règne en maître incontesté sur les terroirs du Muscadet. Il a été implanté par les moines de l’Abbaye de Vertoux, au VIème siècle, avant d’être définitivement privilégié au XVIème siècle par les négociants Nantais. Des traces historiques attestent de la culture de la vigne dans la région depuis le XVIIIème siècle. Toutefois, il est possible qu’elle y ait fait son apparition auparavant.
C’est l’une des premières appellations reconnues, en 1936, un an après l’établissement des AOC. Chacun des crus communaux représente une pièce de la mosaïque des terroirs du Muscadet. Les granites fragmentés de Château Thébaud côtoient les Gneiss de Monnières Saint Fiacres et les Gabbro de Gorges.
Ainsi le Melon B, en tant que cépage peu aromatique, exprime toute la diversité de ces sols. Les rendements maîtrisés et de bonnes maturités octroyées par les coteaux qui parsèment le vignoble sont les atouts de ces parcelles plantées à 8000 pieds par hectares en moyenne.
Cependant, ce cépage à la maturité précoce évolue dans un environnement rendu humide par son climat océanique. Les fleuves et les rivières qui le traversent y jouent également un rôle important. Cela rend le vignoble très sensible aux gels printaniers et à l’effet des millésimes fortement soumis à la pression des maladies cryptogamiques. Nous l’avons malheureusement constaté en 2021, quand les récoltes de certains domaines ont été réduites à néant par les gelées et les vagues de mildiou et d’oïdium.
Gardez vos Muscadet !
La richesse de ce vignoble au célèbre vin blanc éponyme réside en grande partie dans ses élevages long, sur lies fines. Pour les Crus Communaux du Muscadet, les fermentations et élevages doivent se faire à minima jusqu’au mois d’octobre de la seconde année suivant la vendange. Ainsi, les vins de ces AOC restent en contact avec leurs lies pendant un minimum de 2 ans.
Ce temps d’élevage prolongé, au contact des lies et donc sans soutirage, préserve les vins de l’oxydation. L’atmosphère ainsi chargée en CO² empêche l’oxygène d’entrer en action. Les jus se patinent et se fondent ainsi, tout en développant une aromatique particulière liées à l’autolyse des levures. Elles tapissent les cuves et les fûts sous formes de lies. Les vins issus de cette vinification sont plus aptes à la garde, grâce au temps d’élevage consacré à la production d’antioxydants et de gaz carbonique. Tout cela se retrouvera dans vos bouteilles. Le côté “frizzante” des jeunes Muscadets s’estompe avec un peu d’élevage en bouteille. Le gaz carbonique protège les vins d’une oxydation trop rapide. Chaque terroir exprime ainsi ses qualités au-delà des arômes primaires d’un raisin au profil variétal très discret.
Attendre aussi longtemps que le Muscadet s’élève
Soyez patients, attendez quelques années pour savourer ces crus communaux et vous serez heureux d’avoir attendu. La démonstration nous a été faite par la justesse de ce Clisson 2017 du domaine de la Pépière, élevé 2 ans sur ses lies. La finesse du gras n’avait d’égale que celle de la salinité de cette cuvée dûment appréciée. La bonne surprise, outre le vin dans nos verres, fut son prix d’achat : 16,50 €. Un coût assez bas pour cette émotion suscitée que nous avons tous partagée. Cette bouteille avait encore de belles années devant elle.
C’est aussi le cas du Muscadet Sèvre et Maine 2019 de Jérôme Bretaudeau, plus vif et dynamique, au grand potentiel. Nous y avons trouvé de la fraîcheur et de la précision dans des arômes subtilement fumés. Les amers des agrumes bien mûrs enrobent une douce salinité.
Vous l’aurez compris, vous pouvez oublier vos cuvées salines élevées sur lies. La réduction puis l’ouverture appréciable au bout d’une demie heure de la cuvée Bohème 2020 de Marc Pesnot l’illustre bien. Quelques années de plus et cet élevage patiné ravira vos papilles.
En attendant, vous pouvez apprécier les Muscadets Sèvre Maine dont l’élevage minimum est d’un hiver complet suivant la vendange. Plus accessibles autant pour leur prix et leur aromatique, ils sont également salins, vifs et plus ou moins gras. La cuvée Muscadet de Romain Petiteau est expressive et gourmande à souhait, aux arômes de fenouil et de réglisse relevés.
Nous avons aussi apprécié le côté plus fermentaire, tonic et pomme acidulée de Ma Muse Cadette du domaine Jocelyn Staderoli.
Nos accords favoris
Voici quelques propositions pour aller au-delà de l’incontournable douzaine d’huîtres pour accompagner vos Muscadets.
Nous l’avons vu, les vins dégustés ont pour point commun des notes iodées et une texture fraichement grasse. On peut même parfois leur trouver une certaine plénitude. Nous pourrions marier Les Loges 2018 de Yohann Gillot à un suprême de volaille à la sauce crémeuse citronnée.
Bien sûr, les fruits de mer seront appréciés avec le Muscadet Sèvre et Maine du domaine de la Tourlaudière. Parmi les accords classiques nous avons pu constater que l’expression aromatique de ces vins était suffisante pour s’allier au goût prononcé des bulots.
De la tension et une aromatique équilibrée avec du gras, c’est tout ce qu’il faut pour agrémenter des plats végétariens exotiques. Nous vous encourageons à essayer avec une cuisine relevée comme un wok de légumes grillés ou des légumes au curry doux.
Côté fromage nous n’avons pas dans l’idée de vous proposer d’accord exceptionnel. Cependant nous pouvons recommander des fromages frais, peu affinés, dont l’acidité s’équilibre bien avec celle des Muscadets.
Quelques chiffres sur l’appellation Muscadet Sèvre et Maine
Superficie plantée : 8000 hectares en 2016
Rendement visé à l’hectare : 55 hl et 45 hl
Rendement butoir à l’hectare : 66 hl et 50 hl pour les crus communaux
Nombre de vigneron.nes : 600 en 2016
Les crus communaux (cartographie) : Château-Thébaud, Clisson, Gorges, Goulaine, Monnières – Saint-Fiacre, Mouzillon-Tillières, Le Pallet, La Haye Fouassière, Vallet, Champtoceaux.
A découvrir aussi : le vignoble des Fiefs Vendéens, légèrement plus au sud !
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