En 2019, Perpignan est Ville Européenne du Vin. Vous l’ignorez ? Pas de panique ! Même à Perpignan beaucoup d’acteurs du vin l’ignorent encore ! Il faut dire que cet événement qui aurait dû être fédérateur, a été, au contraire, l’occasion d’illustrer les guéguerres de clochers si communes en Catalogne du Nord. Résultat ? A part le CIVR qui joue le jeu (car ils ont décroché le budget), pas grand monde ne semble voir l’intérêt de cette consécration, annoncée, pourtant, en grande pompe, lors d’une conférence de presse au mois de février… Il faut dire que tout le monde n’était pas les bienvenus, notamment le salon Indigènes qui représente essentiellement des vignerons “nature” non affiliés au comité interpro local… Et quel dommage ! Peu d’événements valorisent autant les vignerons et les terroirs de cette région. Visite (forcément subjective) du plus beau salon viticole organisé à Perpignan !
Une équipe de choc
Le salon Indigènes c’est quoi ? Un salon annuel qui dure deux jours, le dernier weekend du mois d’avril, à l’église des dominicains de Perpignan.
Organisé par qui ? Par des gens qui se fichent de savoir qui fait quoi, mais qui ont un réel souci de ce qui coule dans leur verre et dans leurs veines ! Et oui, ici, tout le monde est au moins en bio, quand ça n’est pas en biodynamie… Et côté vinif ? Tout le monde est en nature (ou du moins utilise le moins d’intrants possible)…
Qui a eu l’idée ? Je n’en sais rien, mais deux messieurs que j’admire beaucoup y déploient une énergie qui semble sans limite.
Le premier ? C’est Jean Lhéritier, professeur émérite en connaissance des vins et sciences économiques, fervent défenseur des Rancios et plus généralement des vins catalan. Jean ne sait plus s’arrêter quand il s’agit de parler de vin et de partager sa passion.
Le second ? C’est Romain Marguerite, un ancien sommelier de l’Elysée, qui officie désormais au Via del Vi où sa femme s’occupe des petits plats pendant qu’il recommande les vins…
Et derrière eux ? Il y a, bien entendu, une équipe complète de bénévoles qui n’a pas chômé une seconde ! Clémence, Mélissa, Laurent et bien d’autres encore, ont su accueillir les visiteurs avec de larges sourires.
Les indigènes, c’est donc un salon des vins nature du Roussillon, de l’Occitanie avec aussi, de très beaux domaines situés en Catalogne du Sud et surtout une réunion de passionnés engagés qui aiment tout partager ! (Et qui sont au passage, hyper forts en communication notamment grâce au soutien indéfectible d’Ahora Studio qui assure la direction artistique).
Tour de piste
Pour les aficionados du film “Wine Calling” (que je recommande), il y a avait quelques stars : Jean-Louis Tribouley de La Tour-de-France, le Domaine De Mena de Paziols ou Sylvain Respaut de la Cave Apicole … Mais il y avait aussi, une ribambelle de vignerons moins connus dont les vins n’avaient rien à envier aux premiers. Voici, en quelques lignes, ceux qui m’ont chatouillé les papilles, caresser les bajoues et enivrée de bonheur !
Clos Massotte : De la musicalité dans les vins !
Situé à Trouillas dans les Aspres, Pierre-Nicolas Massotte crée des vins comme on fait de la musique. D’ailleurs mon acolyte de dégustation qui a le verbe haut (mais le palais pas toujours très subtile, coucou David Tramuntana ! ) n’a pas cessé de lui faire des blagues là dessus ! Blagues désamorcées en un sourire et une phrase, une seule : “Oui le vin, c’est un peu comme la musique, parfois on aime et parfois on aime pas, ça ne veut pas dire que c’est mauvais, ça veut juste dire que ça nous évoque de moins jolis souvenirs, et puis les Clash n’ont pas eu besoin de faire le conservatoire pour faire du punk…Le vin c’est pareil, les gens croient que c’est compliqué, en fait, non !”.
Avec une intro pareille, j’avais de grande chance de tomber amoureuse de ses vins et bien banco ! Pierre Nicolas propose des vins de caractère, très surprenants. On ne va pas y retrouver les saveurs classiques des vins du Roussillon.
Il joue sur les temps de macération et sur l’égrappage pour proposer des goûts qui font sursauter, hausser les sourcils et s’exclamer: “Oh mais ! Ah ! Uh ! Dingue !”. Et le nom des cuvées est à l’image de leur contenants, “Dune, M est à toi, Vie, Sève, Perd les pépins” : joyeuses, drôles, séduisantes, fraîches !
Cau Eden à Calce : le rêve comme moteur.
Là, on est sur des choses sérieuses, avec notamment la cuvée phare : Juno (100% mourvèdre avec une macération des grappes entières pendant 3 semaines avant de passer en cuve béton pendant 8 mois pour l’élevage). C’est presque adipeux, ça pénètre toutes les papilles et ça rentre dans les joues de longue minutes. On est face à quelque chose qui nous enveloppe. C’est dans la séduction mais sans être pute. Ça doit devenir du velours en vieillissant…
J’y retourne, il me dit : “c’est une parcelle qui appartenait à des moines, elle est douce à travailler, ils m’ont enlevé tous les cailloux”. J’aime le fait qu’il revienne sur les anciens propriétaires – “ Merci les gars !” .
C’est une manière de se retourner sur le travail de plusieurs générations, une manière de remettre en perspective le temps nécessaire à l’explosion de ce terroir…
James est anglais, il est tombé amoureux du terroir de Calce il y a longtemps, et c’est en 2011 qu’il s’est lancé. 7 ans après, la mise en bouteille se fait encore à la main, bouteille par bouteille mais James est le plus heureux du monde… Et ce bonheur, cette générosité sont pleinement présents dans ses vins.
Les deux Clés à Fontjoncouse : la rigueur bourguignonne appliquée aux Corbières
Quand la rigueur bourguignonne rencontre les cépages et les terroirs de Fonjoncouse, ça donne des vins incroyables ! Gaëlle est de Bourgogne, Florian d’Allemagne, ils ont appelé leur domaine les “Deux Clés” car ils ne peuvent pas se passer l’un de l’autre et surtout sont super complémentaires !
Leur vins sont très précis, le blanc offre une belle tension (pas si commune dans les terroirs de l’Aude), quant aux rouges, ils subliment les carignans.
Je pensais ne pas apprécier ce cépage, ils me l’ont fait redécouvrir. D’ailleurs ils rappellent régulièrement que ce cépage est trop méprisé… Il est certes difficile à travailler mais si on lui donne les soins nécessaires, il se révèle beaucoup plus élégant que prévu !
Clos du Rouge Gorge à Latour-de-France : de la sensualité dans le vin.
Ah là, on s’approche de la perfection pour moi ! La première fois que j’ai gouté, c’était une cuvée en négoce… J’ai failli râler, mais failli seulement (je préfère privilégier les vins de récoltant) !
Cyril Fahl est victime de son succès, difficile, même dans la région, de trouver ses vins… Pour contourner cette réalité et parvenir à maintenir des bouteilles à des prix encore accessibles à tous, il a fait deux cuvées en négoce en s’associant à Alice Gendron (son bras droit au domaine) et en faisant appel à des vignerons qui partagent sa philosophie en viti : “La Vie la Nuit” et “Femme soleil” sont ses deux cuvées en négoce.
Ensuite, il développe sa propre gamme : deux rouges et un blanc dont un rouge en vieilles vignes. Qu’il s’agisse des cuvées en négoce ou en propre, on retrouve la même sensualité. Là aussi, les tanins sont enveloppant dès la première année de mise en bouteille, on a des nez sur le fruit, mais en bouche, les vins gardent de la complexité et de la structure, une sensualité absolue…
Il y avait aussi Jean Louis Tribouley avec sa super cuvée “Les copines” (12 euros !), le domaine de la Gragnotes de Paziols qui présentait en exclusivité ses bruts de cuve (ce sont de jeunes agriculteurs qui présentaient leur première cuvée en exclusivité), Traginer et ses “Collioure”, Oriol Artigas ou Jordi Llorens qui méritaient eux aussi le détour et bien d’autres encore. Un RDV qui devient donc incontournable pour découvrir ce qui se fait de mieux en nature en Occitanie comme dans les deux Catalognes.
INFORMATIONS PRATIQUES :
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